Revue de presse

"L’ONU mise à nu" (Marianne, 29 sep. 17)

12 février 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Pauline Liétar, ONU : la grande imposture, Albin Michel, 238 p., 16 e.

"Avec "ONU : la grande imposture", la journaliste Pauline Liétar dévoile les trafics d’influence, la corruption et les gaspillages d’une organisation moins vertueuse et respectable qu’il n’y paraît.

Régulièrement, une info baroque nous arrive de New York, en direct de la respectable assemblée onusienne censée promouvoir justice et paix dans le monde. On apprend, par exemple, que l’Arabie saoudite, si célèbre pour sa défense des libertés publiques, siège à la Commission des droits de l’homme, ou, tout récemment, qu’elle intègre celle de la condition de la femme en vertu sans doute de sa longue expérience du fouet et du niqab. On s’alarme, on s’effare : comment ces aberrations ont-elles été rendues possibles ? Puis on oublie. Comme on a oublié le scandale du programme « Pétrole contre nourriture », quand, voilà vingt ans, Saddam Hussein avait instauré un système de corruption généralisé pour contourner l’embargo sur l’Irak. L’ONU, impavide, continue à régner sur la scène diplomatique.

L’enquête de notre consœur Pauline Liétar ONU, la grande imposture nous plonge dans les cuisines de l’organisation internationale, et c’est toujours aussi peu ragoûtant. A commencer par les hors-d’œuvre : les frais extravagants occasionnés par les « people » onusiens, ces très ronflants « ambassadeurs de bonne volonté » sur à peu près tout. La langoureuse Gisele Bündchen, top model qui occupe l’actuel poste « climat », très remarquée pour ses chauds remerciements à Emmanuel Macron après son discours devant l’Assemblée générale le 19 septembre, n’est que la jolie face émergée d’un iceberg sur lequel risquent de se fracasser un peu plus les finances onusiennes. Qu’importe. « Le concept de victime n’excite plus personne. En termes de relations publiques, le modèle ne marche plus, les gens en ont ras le bol de la misère », explique le responsable du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR).

Ces beautiful people ne sont pas payés cash, comme en témoigne leur vertueux label « de bonne volonté ». Mais, rappelle Pauline Liétar, « il s’agit d’une gratification non négligeable en termes de réputation pour laquelle certains vendraient père et mère ». Le casting est redoutable et, bien entendu, idéologique : « En 2015 on avait pensé à Scarlett Johansson, mais la démarche a été interrompue parce qu’elle affichait un point de vue considéré comme trop pro-israélien. Dans les années 80, l’ONU était déjà embarrassée par son ambassadeur Richard Gere qui reprochait à l’organisation de ne pas reconnaître le Tibet. » Les stars multipliant voyages et séminaires pour leur bonne cause, l’addition grimpe vite. Prenons le sommet organisé à Londres autour d’Angelina Jolie, nommée « bonne volonté » de l’agence onusienne HCR en 2011. Thème : la lutte contre les viols dans les zones de conflit. Rien à redire. Seulement, « il a coûté plus de 7 millions d’euros, soit cinq fois le budget que le Royaume-Uni dédie chaque année à cette cause… Entre autres, 417 000 € pour les agapes, 800 000 € pour les hôtels, les transports et les taxis, soit l’équivalent de l’aide totale promise à la République démocratique du Congo. Pour un résultat inexistant puisque ces dépenses n’ont eu aucun impact sur le terrain, où le nombre de victimes de viol n’a cessé de croître ».

Au cœur de l’organisation, il y a le plat de résistance : les arrangements entre pays pour décrocher un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité, et les votes à vendre. « C’est un marché. On promet de l’aide au développement en échange de tel vote, résume un initié, et on peut se poser des questions en voyant l’orientation des aides… » Le paradoxe, c’est que l’ONU dénonce ce système dans ses propres textes. Or, selon une étude de 2006, « l’aide américaine à un pays augmente de 59 % quand il intègre le Conseil de sécurité. Et elle peut encore augmenter pendant les années où ont lieu des débats diplomatiques clés, lorsque les votes des membres sont particulièrement précieux. Une influence qui a évolué avec la montée en puissance de la Chine : Pékin a développé de bons liens avec les Etats d’Afrique, en augmentant son aide à ces pays ». La cerise pourrie sur le gâteau gâté des belles consciences internationales, ce sont aussi les bonnes vieilles enveloppes. « En lieu et place d’aides au développement dans le pays, certains donneraient directement, de la main à la main, une somme en cash à l’ambassadeur pour obtenir son vote. Et si le cadeau est toujours efficace, la sanction l’est tout autant. Un système fait de pots-de-vin et de menaces », révèle l’enquêtrice.

Et pourquoi croyez-vous que l’Arabie saoudite bénéficie d’une telle impunité et d’une aussi intense bienveillance ? Pourquoi a-t-elle esquivé la mention sur la liste noire des pays portant atteinte aux droits des enfants en pleine guerre de la coalition sunnite contre le Yémen ? En avril 2016, à l’ONU, il n’échappe à personne que les frappes dirigées par Riyad ont touché des infrastructures médicales et sont constituées de bombes à sous-munitions interdites par la convention d’Oslo depuis 2010. Des centaines d’enfants en sont morts. Une première liste publiée le 20 avril mentionne donc l’Arabie saoudite. Fureur de Riyad, qui menace de couper ses subventions à l’agence onusienne qui s’occupe des réfugiés palestiniens. Laquelle est déjà en quasi-faillite ! La Ligue arabe et l’Organisation de la conférence islamique appuient le royaume des sables : il faut que son nom soit retiré de cette liste. Ce qui fut fait. Quant à l’entrée fracassante dans la commission chargée d’améliorer la condition féminine mondiale, elle a été favorisée par le vote de cinq pays européens. Comme l’élection est à bulletins secrets, seule la Belgique a osé se démasquer en le regrettant un peu tard. Paris s’est fendu d’un communiqué sibyllin. Tout le monde a sans doute oublié que la même Organisation des nations unies a classé l’Arabie saoudite au 134e rang (sur 145) en matière d’égalité des sexes. Dans un ouvrage publié en 2008 ( les Nations désunies, Jacob-Duvernet), Malka Marcovich dénonçait « la diplomatie de façade » occupée à chanter « le requiem des droits de l’homme ». Nous y sommes."

Lire ""ONU : la grande imposture" : les Nations unies mises à nu".


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