Note de lecture

L. Marchand-Taillade : La République en danger

par Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République. 19 février 2017

Laurence Marchand-Taillade, L’Urgence laïque, éd. Michalon, 248 p., 18 e., mars 2017.

"La République est en danger". "La laïcité est sur le point de faillir et, avec elle, la paix civile". Dans son dernier ouvrage, L’Urgence laïque, Laurence Marchand-Taillade sonne une charge héroïque au service des principes républicains et de la laïcité.

Cette situation est l’aboutissement d’une longue série de reculs et de "transgressions" aux principes qui fondent la laïcité, d’accomodements "déraisonnables" que le Comité Laïcité République n’a eu de cesse de dénoncer depuis de longues années déjà. Selon l’auteure, par ailleurs présidente fondatrice de l’Observatoire de la laïcité du Val d’Oise et de Forces laïques, ces attaques témoignent du dangereux retour du religieux en politique. Elles viennent principalement des catho-intégristes - on l’a constaté lors des mobilisations contre le mariage pour tous - voire du Pape lorsqu’il déclare que la France "est trop laïque" (interview à La Croix du 17 mai 2016), comme des Frères musulmans, des salafistes, d’un islamisme politique qui se pose en victime, voulant censurer toute critique comme "islamophobe" et raciste.

Mais si nous en sommes là c’est, selon l’auteure qui paraphrase Elisabeth Badinter, parce qu’une partie de la gauche a abandonné le combat laïque. "Cette gauche a liquidé son patrimoine en abandonnant la laïcité", écrit-elle. "Trente ans de politiques clientélistes sont à l’origine de ce désastre." Nombre d’élus ont cru pouvoir recouvrer une certaine paix sociale en favorisant le retour du religieux dans les cités. Pour certains, "animés par une fièvre électoraliste, le laisser-faire a pris la forme d’une organisation active du communautarisme’’, au point de tisser des liens avec une "véritable mafia religieuse". Qui plus est, cette politique paternaliste, post-coloniale, est humiliante pour les musulmans, poursuit-elle.

Ainsi que le rappelle l’auteure, beaucoup de temps aurait été gagné si le président de la République avait réalisé la proposition 46 de son programme que le CLR lui avait soufflée et qui consistait à inscrire dans la Constitution le titre premier de la loi de 1905 [1]. Ainsi l’article 2 qui prévoit notamment que la République ne subventionne aucun culte, ayant désormais valeur constitutionnelle, aurait-il pu être évoqué pour mettre un terme aux financements par les pouvoirs locaux d’associations qui se présentent comme culturelles mais ne sont que le faux-nez d’associations cultuelles. Le poids des lobbies en a décidé autrement !

Au coeur du drame qui se joue, les enjeux sont colossaux : l’instruction des futurs citoyens, la liberté de conscience, l’universalisme des principes qui fondent la citoyenneté mais aussi et d’abord le statut de la femme et donc l’égalité en droit entre hommes et femmes.

Nos sociétés viennent de loin car les textes fondateurs des monothéismes comme du bouddhisme ou de l’hindouisme n’étaient pas vraiment progressistes en la matière. Et c’est un euphémisme ! Il a fallu des combats longs et difficiles pour que les femmes conquièrent leur émancipation, leur dignité, l’égalité encore inachevée. Et voilà qu’au nom d’un "droit à la différence" ce qui paraissait acquis se trouve menacé, que les valeurs sont inversées, que la laïcité est présentée comme "liberticide" et que le voile serait émancipateur ! Mais le voile islamique ne cache pas que le visage des femmes. Il symbolise un ordre social fondé sur la soumission des femmes, rappelle l’auteure. C’est pourquoi ce combat des femmes, pour les femmes, est devenu la priorité du combat laïque.

Un combat qui se décline également sur d’autres chantiers : l’école publique laïque, le monde du travail, le droit à mourir dans la dignité, poursuit-elle.

On ne peut que regretter une nouvelle fois que la laïcité soit si peu présente dans la campagne électorale alors que la gravité de la déchirure se révèle de plus en plus forte au sein de la société française. Et que l’extrême-droite attend son heure. "Le prochain président de la République devra agir fermement, sans quoi la France sombrera dans le communautarisme et notre territoire connaîtra le sang et les larmes", conclut Laurence Marchand-Taillade. On ne peut que partager cette terrible inquiétude.

Patrick Kessel


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