Revue de presse

L. Joffrin : "La gauche de la gauche est-elle laïque ?" (liberation.fr , 6 nov. 19)

Laurent Joffrin, directeur de la publication de "Libération". 7 novembre 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"De l’inconvénient de signer des textes sans vraiment les lire. Au milieu d’une pléiade de signataires, Philippe Martinez, Benoît Hamon, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon, entre autres responsables ou militants, appellent à une manifestation le 10 novembre « contre l’islamophobie ». Initiative louable, tant les musulmans français sont soumis depuis des semaines à un feu roulant de critiques et de mises en cause injustes, sur le fond de polémique sur le voile, de discours zemmouriens, de débats amers sur l’immigration, avec cette acmé de violence qui s’est traduite par des coups de feu tirés contre deux fidèles d’une mosquée par un ancien candidat du FN.

Les choses se compliquent toutefois quand on lit attentivement le texte publié par Libération sous forme de tribune (le journal publie régulièrement des tribunes de tous horizons, certaines reflètent les vues du journal, d’autres non). Outre l’usage du mot « islamophobie » qui reste problématique (s’agit-il de combattre le racisme anti-musulmans, tâche urgente et nécessaire, ou de proscrire les critiques adressées à une religion, qui sont parfaitement légales et légitimes ?), on lit au détour d’une phrase que les signataires se mobilisent aussi contre des « lois liberticides ». Compte tenu du contexte, il s’agit de toute évidence des deux lois laïques de 2004 et de 2010, la première interdisant les signes religieux ostensibles dans les salles de classe, la seconde le fait de se couvrir entièrement le visage sur la voie publique (sauf exception, par exemple en période de carnaval). Chose à moitié étonnante, dans la mesure où, parmi les initiateurs de l’appel, figure le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui s’est précisément constitué en réaction à la loi de 2004. Les leaders précités sont-ils favorables à l’abrogation de ces textes ? On en doute. Ou alors ce serait une nouvelle intéressante.

Depuis la publication de l’appel, les intéressés tiennent un discours plutôt chewing-gommeux, expliquant qu’il fallait distinguer le texte et la manif, qu’ils n’avaient pas bien lu, ou bien qu’ils croyaient l’appel lancé par la Ligue des droits de l’homme, etc. Adrien Quatennens, élu LFI interrogé ce matin par BFM TV, a pris ses distances avec le texte et expliqué qu’il ne pourrait pas se rendre à la manif, tout en l’approuvant. Même abstention pour François Ruffin, qui préfère aller jouer au football et déclare que ce défilé n’est « pas [s]on truc ». Le PS a franchement dit qu’il ne souhaitait pas défiler avec un certain nombre de signataires et appelle à une mobilisation plus générale. Division, confusion, évitement, prise de tangente, gloubi-boulga…

La gauche de la gauche a décidément du mal à préciser les contours de son indiscutable antiracisme. Au cœur du problème : la définition de la laïcité, qui est pourtant très claire, mais qu’un certain nombre d’associations contestent ouvertement ou par la bande, au motif qu’il faut défendre les « dominés », même ceux qui sont hostiles à ladite laïcité. Ce qui revient à larguer l’un des principes fondateurs de la République… et de la gauche. Et quand on sait que les principaux propagateurs d’un islam politique antilaïque sont deux Etats, l’Iran chiite et l’Arabie Saoudite wahhabite, puissants et pour le second richissime de surcroît, on voit que le concept de « dominés » ratisse décidément très large."

Lire "La gauche de la gauche est-elle laïque ?"


Voir aussi toute la rubrique Pétition et manifestation contre l’"islamophobie" (10 nov. 19) (note du CLR).


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