Revue de presse

Joumana Haddad : "Dieu ? Une absurdité !" (jeuneafrique.com , 24 fév. 13)

26 février 2013

"Dans une écriture souvent violente, parfois sensuelle, l’auteure libanaise dissèque le machisme des sociétés arabes et s’attaque aux religions, instruments de domination aux mains des hommes.

Il y a trois ans, Joumana Haddad a tué Shéhérazade. Sous une pluie de textes acérés, trempés dans une rage de liberté « anathémisée » par l’ordre machiste arabe, elle a voulu exterminer ce modèle encensé de l’Orientale rusée, qui a contribué à persuader les femmes arabes que « pour réussir dans la vie, il faut satisfaire l’homme ». Aujourd’hui, à 42 ans, l’auteure libanaise étend sur la table de dissection un autre héros mythique, Superman, vu comme l’archétype du machiste dont elle a voulu scruter les dynamiques bodybuildées dans ses rouages les plus intimes. Le diagnostic est sans appel : ce pseudo-héros gominé et faussement infaillible est arabe. « Sa bienveillance cache son égoïsme, la protection qu’il vous accorde vous asphyxie, son amour n’est que désir de posséder, sa force n’est que volonté de pouvoir. »

Sous-titrée « De Dieu, du mariage, des machos et autres désastreuses inventions », cette anatomie d’une contrefaçon emprunte les formes de la poésie ou de la prose, les accents de la dérision ou de la gravité, la force de la diatribe ou l’acidité de l’ironie : un patchwork de textes cousus à la kryptonite postféministe. Éducation, sociétés, traditions et surtout religions : l’auteure s’insurge contre tout ce qui a fait des relations entre hommes et femmes un rapport de force à sens unique. Son idéal ? Clark Kent, l’antihéros, le timide, l’homme normal qui ne cache pas ses faiblesses.

Superman est arabe : un essai dont Joumana Haddad revendique l’égocentrisme et dont l’écriture souvent violente, parfois sensuelle, flirte avec le blasphème et le sadomasochisme. [...]

Êtes-vous de celles qui voudraient que les droits de l’homme deviennent par exemple les droits du genre humain ?

Pas du tout. Je n’ai jamais été dans l’idéologie. Je ne veux surtout pas contester les victoires du féminisme de la deuxième vague sans lesquelles la femme que je suis n’aurait pas existé. Mais il y a une certaine idéologie féministe qui a aliéné les hommes en voulant opposer au patriarcat ambiant une forme de matriarcat : je n’y adhère pas. Les idéologies peuvent vite se transformer en dictature. Et je suis pour les différences, j’aime la polarisation masculine et féminine, je la respecte, elle est intéressante. Pour moi, c’est dans la complicité que peut s’accomplir la lutte pour les droits de la femme, et je voudrais que l’homme s’engage à part entière pour éveiller la conscience des femmes à leur propre patriarcat, c’est-à-dire à toutes ces valeurs machistes qu’elles véhiculent, consciemment ou inconsciemment. [...]

Vous criez beaucoup à la face de Dieu...

Ce livre est aussi une profession d’athéisme qui veut avant tout gifler tout ce qui pousse à s’attacher à cette figure absurde à laquelle des millions, des milliards de gens s’attachent et croient. J’ai été agnostique avant d’être athée, j’ai fait un long voyage à travers le questionnement, la contestation, le défi de ce Dieu dont je ne savais pas s’il était là ou pas. Pour moi, les religions, notamment les trois monothéismes, ont été inventées par des hommes pour asseoir leur pouvoir et contrôler les peuples. Elles sont faites par les hommes, contre les femmes et pour les hommes.

Un lien de parenté entre Dieu et Superman ?

C’est le Superman par excellence qu’on a inventé là ! Il est omnipotent, omniscient, il peut tout voir, il nous surveille : il est pire que le super-héros des BD ! Il est absolument insupportable, et accepter cette présence c’est déjà se livrer à une vision très machiste du monde. Je dénonce les monothéismes comme des instruments de la vision patriarcale qui se perpétue jusqu’à nos jours. [...]

"Ni pute ni soumise" : que vous inspire ce slogan sorti des banlieues françaises ?

Je l’aime beaucoup. À chaque fois que je critique le port de la burqa, on m’accuse d’être une « occidentalisée » qui prône le déballage des fesses et des seins des femmes. Mais je défends justement une troisième voie, celle de la dignité. L’alternative ne se réduit pas à la femme accessoire qui se surexhibe et à la femme complètement invisible sous son voile. [...]"

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