Revue de presse

J.-P. Obin : Pap Ndiaye doit donner des instructions pour interdire tous les vêtements islamistes dans les établissements scolaires (lexpress.fr , 19 oct. 22)

Jean-Pierre Obin, ancien Inspecteur général de l’Éducation nationale, auteur du rapport de 2004 sur les manifestations religieuses à l’Ecole, Prix national de la Laïcité 2018. 20 octobre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Par Amandine Hirou

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Lire "Jean-Pierre Obin : "Pap Ndiaye doit faire appliquer la loi sur le port des tenues religieuses"".

[...] Les derniers chiffres démontrent une augmentation du nombre de vêtements islamiques au sein des établissements scolaires. Pap Ndiaye a-t-il pris la mesure de ce qui est en train de se passer selon vous ?

Jean-Pierre Obin Je ne sais pas trop si le ministre en a pris la mesure, même si je constate que ses récentes déclarations sont plus fermes et tranchent avec ses atermoiements précédents. Le problème est que le relatif silence et le déni dans lesquels il s’était réfugié ces derniers mois ont créé un appel d’air et pourraient bien avoir des conséquences irréversibles. Pap Ndiaye a beau dire aujourd’hui qu’il va être ferme, que sa main ne tremble pas, on aimerait bien qu’il l’utilise pour écrire et donner des consignes claires à ses recteurs.

Depuis plusieurs mois, nous faisons face à une offensive islamiste, une offensive politique qui instrumentalise la religion musulmane, visiblement coordonnée, contre l’école de la République et plus précisément contre la loi de 2004 relative à l’interdiction du port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires. C’est la première fois, selon moi, que nous avons affaire à une attaque d’une telle ampleur. La nouveauté est que les personnes à l’origine de cette campagne maîtrisent parfaitement les réseaux sociaux, les stratégies des influenceurs, la manière de parler aux jeunes et les codes culturels qui sont les leurs. En cela, ils sont d’une efficacité bien plus redoutable que ne l’étaient les prédicateurs radicaux à l’oeuvre jusqu’ici dans certaines mosquées.

L’augmentation du nombre d’abayas et de qamis [NDLR : robes et tuniques longues] recensés dans les collèges et les lycées fait partie de cette stratégie islamiste. Les chefs d’établissement réclament aujourd’hui des consignes claires et précises pour y faire face. Or, jusqu’ici, le ministère s’est contenté de rappeler la loi.

Que dit la loi justement ?

La loi interdit aux élèves le port de tout signe ou vêtement indiquant ostensiblement une appartenance religieuse. Aucune liste ne lui est indexée puisque tout peut faire signe et que l’imagination peut être sans limite s’il s’agit de contourner une loi. L’important n’est en effet pas le signifiant (un voile, un bandana une abaya, etc.) mais le signifié (ce que le signe veut signifier dans un contexte) qui, aujourd’hui, dans le contexte que nous observons, est absolument sans ambiguïté. Pourtant, on demande aux principaux et aux proviseurs de statuer eux-mêmes sur chaque cas, comme s’il s’agissait de juger de contextes purement locaux. A mon sens, ce phénomène ne doit pas être géré localement, au niveau de chaque établissement, car le contexte dans lequel nous sommes aujourd’hui est celui d’une campagne politique nationale. Elle doit donc recevoir une réponse politique nationale. Ces appels lancés sur les réseaux sociaux en direction des jeunes, appelant à transgresser la loi de 2004 avec force détails pour les aider à la contourner, nécessitent des réponses partout identiques. La situation justifie donc l’interdiction totale de ces vêtements islamistes dans tous les établissements scolaires. Voilà la parole forte que devrait porter le ministre aujourd’hui. Cette offensive politique appelle une réponse politique et ne peut se contenter de simples rappels juridiques.

Si l’on n’agit pas maintenant, si on laisse les personnels de direction hésiter sur les mesures à prendre - ce que l’on peut comprendre face à la dangerosité de certaines situations - la loi sera de plus en plus contournée et finira tout simplement par ne plus être appliquée. Les islamistes auront gagné ! Il ne s’agit pas de revenir sur la législation actuelle mais de donner des instructions claires aux recteurs et aux chefs d’établissement affirmant ce principe clair : compte tenu des circonstances actuelles, les abayas et les qamis ne peuvent être autorisés dans les établissements scolaires.

Certains élus comme Eric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes, demandent le vote d’une nouvelle loi sur les vêtements religieux. Ce n’est donc pas la solution selon vous...

Non, absolument pas. La loi actuelle est bien rédigée, très complète et a une jurisprudence établie par le Conseil d’Etat. Toute tentation d’établir une liste de vêtements religieux serait vouée au ridicule et à l’échec. Les jeunes, qui ont une imagination débordante, trouveraient toujours le moyen de recourir à un autre vêtement ou un autre accessoire qui n’est pas dans la liste. Je le répète, il ne faut pas s’attacher au signifié mais au signifiant. C’est-à-dire à ce que signifie le vêtement selon le contexte dans lequel on est. Et, encore une fois, celui dans lequel nous sommes aujourd’hui est un contexte national.

Le 15 octobre, un nouveau collectif, "Scolarité sans islamophobie", a vu le jour sur les réseaux sociaux. Il encourage élèves et parents d’élèves à leur signaler tout "problème lié à certaines tenues (abayas, robes longues, bandanas, etc.)". Que vous inspire cet appel ?

Cette démarche, extrêmement dangereuse, peut être vue comme un appel à la délation. Ses initiateurs encouragent les familles à dénoncer des enseignants, des chefs d’établissement, des conseillers d’éducation qui ne font qu’appliquer la loi. On retrouve là la procédure habituelle des islamistes : on désigne des cibles, on les nomme et, ensuite, d’autres se chargent éventuellement de la sale besogne. C’est exactement ce qu’il s’est passé pour Samuel Paty.

A l’heure où l’on commémore l’assassinat de ce professeur d’histoire-géographie, cette initiative est particulièrement abjecte. D’autant plus lorsqu’elle est notamment relayée par une enseignante - ce que j’ai pu constater sur le réseau social en question. Que des fonctionnaires appellent à dénoncer leurs propres collègues est particulièrement grave et parlant. [...]"



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