Note de lecture

J. Fourquet : Déclin et durcissement du catholicisme (G. Durand)

par Gérard Durand. 28 février 2020

Jérôme Fourquet, A la droite de Dieu, éd. Cerf (rééd. poche), 2020, 176 p., 7 €

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Jérome Fourquet s’est fait connaître du public par le parution de son livre L’Archipel français, grand succès de librairie et toujours en tête de présentoirs plusieurs mois après sa parution. Mais il travaille depuis longtemps à l’observation et l’analyse de la société française et de son évolution. Son succès lui permet de publier ou de republier ses ouvrages précédents. A la droite de Dieu est sorti des presses en 1999 et l’édition actuelle, mise à jour par l’auteur, nous montre une formidable capacité d’anticipation. Il s’agit cette fois d’ausculter par le menu l’évolution de la partie catholique de la population et de son comportement politique.

L’Archipel français nous a déjà appris la perte d’influence du catholicisme par une approche inédite, l’analyse des prénoms. Mais cet ouvrage est d’une facture plus traditionnelle, celle de l’examen politique du vote et des manifestations. Il confirme le déclin du catholicisme qui a commencé dès la révolution Française mais sur un rythme très lent. C’est à partir des années 1960 que le décrochage constitue une rupture brutale et violente à laquelle ses adeptes n’étaient pas préparés. L’auteur nous le décrit avec sa rigueur scientifique tout au long de ces 160 pages remplies de graphiques et de chiffres mais dont l’auteur sait rendre la lecture facile.

La perte d’influence de la religion catholique se marque d’abord par le baptême, si 82 % des français avaient fait baptiser leurs enfant en 1961, seulement 58% l’envisagent aujourd’hui, soit un décrochage de 24 points. Mais il y a d’autres marqueurs, notamment celui de la fin de vie qui apparaît avec l’incinération, condamnée par l’église mais devenue majoritaire, ou encore la fréquentation régulière de la messe du dimanche passée de 35 à 6 % depuis quarante ans. L’analyse des âges des croyants confirme ce déclin, de 32,7 % chez les plus de 75 ans, il n’est plus que de 7,2 % dans la tranche 18-24 ans. Par contre l’idée d’une plus forte pratique en province et dans les petites villes est battue en brèche, on compte 12,2% de catholiques dans les grandes villes et 12,4% dans les communes de moins de 2000 habitants.

Nous sommes donc face à une population de moins en moins nombreuse et en fort déclin démographique, mais cela ne signifie en rien l’absence d’une activité intense et l’auteur parle du « mai rampant des activistes » apparu après la lutte contre la loi Taubira et ses rassemblements massifs qui ont pris de court la plupart des politiques y compris ceux de droite dont beaucoup ont tardé à rejoindre le mouvement. Certains ont pensé transformer ce mouvement protestataire en parti politique. C’est ainsi que Christine Boutin crée « Forces vives » dont l’échec fut patent aux élections municipales avec 1 % des voix. Par contre l’examen de la géographie électorale montre clairement que le vote catholique se concentre dans certaines villes, 6 % à Versailles, 5,4 % à Rambouillet et 14,7 % à Solesmes fief de François Fillon. Il apparaît aussi que le report des voix au second tour s’oriente assez peu vers le RN et beaucoup plus vers Dupont Aignant.

Après la loi Taubira va se créer une nébuleuse de mouvements destinés à « maintenir la flamme » des militants, les Veilleurs qui prient sur le parvis des églises, les Antigones etc… De cette nébuleuse sort un courant plus puissant, Sens commun, dont la stratégie est l’entrisme dans la plupart des partis de droite, principalement Les Républicains. Mais après une relance en 2016 avant les primaires de la droite la fatigue se fait sentir et le décompte des sympathisants fait apparaître une perte de 17 points, curieusement compensée par des électeurs de gauche qui approuvent ces combats.

L’inquiétude des catholiques ne se limite pas aux mesures sociétales, elle concerne aussi la montée de l’Islam. Opposition à la création de mosquées et surtout de minarets, ils notent certaines déclarations de dirigeants étrangers comme celle d’Erdogan appelant ses concitoyens vivant en Europe à « faire cinq enfants » afin « de devenir l’avenir de l’Europe » accréditant ainsi la théorie du grand remplacement. Les points de conflits sont nombreux surtout quand il s’agit d’immigration, comme ces maires qui acceptent d’accueillir des migrants dans leurs communes à condition qu’ils soient catholiques. Le débat est intense et perturbé par les positions répétées du Pape, favorable à l’accueil des migrants mais contesté ouvertement par une partie non négligeable des catholiques. Qu’il s’agisse du port du foulard ou du départ de djihadistes français, hommes ou femmes, on y trouve toujours les mêmes tendances opposées.

C’est principalement ces débats sur l’immigration et l’identité qui vont faire basculer certains catholiques vers le RN, qui passe de 16 % à 25 % entre le premier tour des départementales en 2015 et les régionales un an plus tard. Cette radicalisation va faire apparaître une nouvelle figure politique de la droite dure : Marion Maréchal le Pen. L’assassinat du père Hamel à Saint Etienne du Rouvray a été le déclencheur d’une prise de conscience concernant différents éléments,. Tout d’abord l’émergence d’un véritable péril Islamiste ou, comme à Thibérine des barbares n’hésitent pas à s’en prendre de la manière la plus abjecte à des hommes de paix. La suite logique est la peur de devenir « dhimmi » dans son propre pays, comme les Chrétiens d’Orient dont on connaît le sort tragique tant avec Daesh que dans des pays comme l’Egypte. Le durcissement de l’opinion catholique a été massif, l’enjeu sécuritaire emporte alors 84 % de leurs préoccupations.

C’est la primaire de la droite qui à partir de 2016 qui va réveiller le vote catholique, si tous ne se rangent pas derière Fillon, il obtient cependant jusque 67 % lors du premier tour, le reste se partageant entre Dupont Aignant et Juppé. Par contre le Parti chrétien démocrate reste totalement marginalisé, c’est le "vote utile" qui l’emporte et sera confirmé au second tour. Puis vient le « Penelopegate » qui porte un coup très dur au candidat avec une perte de 12 points des intentions de vote, les voix catholiques ne se reportant que de manière marginale sur le FN de Marine le Pen ou Les républicains mais sur François Bayrou et surtout sur Emmanuel Macron, grand bénéficiaire du scandale qui touche son adversaire. Lequel tentera de remobiliser son électorat et y réussira en partie avec le meeting du Trocadero massivement suivi par les troupes de Sens commun. Ce qui est remarquable est que Fillon sera largement pardonné et retrouvera l’essentiel de l’électorat catholique lors du premier tour des présidentielles. Au second tour c’est presque 40 % des catholiques qui voteront Le Pen. Au législatives 45 % choisiront un candidat les Républicains ou UDI, 14 % le Pen et 27 % seulement LREM.

Dans sa conclusion, Jérôme Fourquet constate que si des sujets sociétaux comme la révision des lois éthiques, avec notamment la PMA pour toutes les femmes, entraînent encore des manifestations, elles n’ont plus la force de celles contre le mariage pour tous. En fait, une bonne part des catholiques, pratiquants ou non se trouvent pris entre un raidissement sur des positions de défense des traditions et l’autorité d’un Pape qui en est éloigné, qui prend acte de l’évolution des mœurs et du développement du multi culturalisme et de l’Islam dans les sociétés européennes et qui estime que l‘Eglise catholique doit les accompagner et non s’y opposer.

Dans ce contexte le durcissement idéologique d’une partie des catholiques Français ne serait que l’expression du phénomène, classique en sociologie, du raidissement identitaire de groupes devenus minoritaires sous l’effet d’un déclin démographique devenu inexorable et d’une modification rapide de leur environnement.

Gérard Durand



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