Revue de presse

J. Bouflet - Des apparitions de la Vierge à la multiplication des gnocchis : « Les impostures mystiques relèvent du phénomène sectaire » (lemonde.fr , 14 mai 23)

Joachim Bouflet, historien des religions, spécialiste des phénomènes de piété populaire et des miracles. 14 mai 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Joachim Bouflet, Impostures mystiques, éd. du Cerf, avril 2023, 392 p., 25 e.

"De nombreux pèlerins commémorent ce week-end la première apparition de la Vierge Marie à Fatima, au Portugal, le 13 mai 1917. Miracles pour les uns, supercheries pour les autres, de tels « phénomènes », parfois reconnus par l’Eglise catholique, entraînent souvent dans leur sillage d’innombrables dérives, relate l’historien Joachim Bouflet. [...]

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Les impostures mystiques consistent à faire passer pour vrais des phénomènes d’ordre spirituel et extraordinaire mensongers, à des fins de gloire, d’argent et, parfois, de sexe. Ces impostures impliquent en général le mensonge conscient, la désobéissance à l’autorité ecclésiastique et la falsification de phénomènes extraordinaires, comme les stigmates, les guérisons prétendument miraculeuses ou encore les prodiges au contact d’images saintes. [...]

La falsification est parfois inconsciente dans les cas de problèmes psychopathologiques, qui altèrent la perception et sont propices aux délires. Les vraies impostures, elles, sont toujours calculées, car elles appellent une volonté de manipulation. On dénombre, pour le seul XXe siècle, une bonne centaine de cas d’impostures avérées dans le christianisme. [...]

Les cas d’impostures me semblent plutôt en hausse actuellement. Je l’explique par la désaffection de nombreux fidèles pour l’Eglise institutionnelle. Certains sont tentés de trouver refuge auprès de figures rassurantes et sécurisantes, ce qui est propice à l’emprise exercée par ces imposteurs. Notre période est aussi marquée par le prosélytisme numérique : Internet a tout changé, car il a offert une tribune et un merveilleux instrument de communication pour les fraudeurs. Ce n’est pas parce que nous vivons dans une époque prétendument rationaliste que la crédulité est morte, bien au contraire.[...]

Il s’agit d’hommes comme de femmes, de tout âge, partout à travers le monde. De la Corée au Canada, j’ai volontairement représenté tous les continents dans mon livre pour montrer que ce phénomène n’est pas cantonné à la vieille Europe. En revanche, ces imposteurs ont de nombreux points communs dans leur recherche d’emprise psychologique, affective et parfois sexuelle, ce qui en fait un phénomène de type sectaire. [...]

Le plus ancien cas de fraude mystique est consigné dans les Actes des apôtres. Il s’agit d’un passage sur des exorcistes juifs invoquant abusivement le nom du Christ, alors qu’ils n’y croient pas. On peut également penser qu’un certain nombre d’antichrists mentionnés dans les Epîtres de Jean font référence à des imposteurs.

On observe plusieurs grandes époques dans la fraude mystique. Jusqu’au XIIe siècle, cela désigne une déviation essentiellement doctrinale, reposant sur une lecture abusive des textes. Un tournant a lieu à partir de la « stigmatisation » de François d’Assise, en 1224 (le saint aurait alors « reçu » les stigmates du Christ), sur fond de sensibilisation des chrétiens à l’humanité du Christ et aux douleurs de la Vierge. Son exemple va inspirer le cas le plus répandu d’imposture : la fausse stigmatisation de personnes prétendant avoir reçu leurs plaies d’une action divine.

A partir du XIXe siècle, un autre type de falsification émerge, avec l’essor des apparitions. On dénombre alors pléthore de visions de la Vierge autour de Lourdes [Hautes-Pyrénées] et de La Salette [Isère]. L’apparition mariale de Fatima, au Portugal, en 1917 (reconnue en 1930 par l’Eglise catholique), va à sa suite inspirer de nombreuses fraudes, des « mariophanies », c’est-à-dire de prétendues manifestations de Marie venant délivrer de faux secrets.

Le cas du capucin italien Padre Pio (1887-1968), canonisé en 2002, va de son côté relancer les fausses stigmatisations – lui-même aurait reçu les plaies sanglantes du Christ crucifié à l’issue d’une messe, en 1918. Puis les prétendues apparitions mariales de Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine, en 1981, marquent une nouvelle étape : on observe dans leur lignée un melting-pot mêlant stigmates, secrets, apparitions… [...]"


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