Revue de presse

Henri Pena-Ruiz : “La laïcité ouverte est insultante” (Libération, 23 av. 11)

23 avril 2011

“Opposé au débat lancé par la droite et l’extrême droite, le philosophe Henri Pena-Ruiz raconte la collusion du politique et du religieux à travers les âges. Et réaffirme les principes de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

La laïcité et donc les religions sont revenues sur le devant de la scène politique. Beaucoup a été dit et écrit qui plonge l’opinion dans une grande confusion. Sous prétexte d’un envahissement des musulmans pratiquants en France, la droite et l’extrême droite affirment nécessaire de redéfinir la laïcité. Une manipulation dénoncée par de nombreux intellectuels, qui craignent une remise en cause de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les Eglises ne sont pas en reste, qui accusent le gouvernement d’une entreprise de stigmatisation de l’islam. « Double manipulation », s’insurge le philosophe Henri Pena-Ruiz, qui voit dans cet œcuménisme des religieux un stratagème pour rétablir leurs privilèges. En particulier pour récupérer un financement public, proscrit par la loi de 1905, celle qui définit l’Etat laïque censé gouverner la France, souvent malmenée au gré des politiques et de l’actualité.

« Tenons-nous en aux principes de cette loi qui est très claire, estime Pena-Ruiz. Elle dit que la religion n’engage que les croyants, l’athéisme n’engage que les athées, et la puissance publique doit faire vivre ensemble les croyants et les athées. Elle ne peut pas donner plus aux uns qu’aux autres. Si elle le fait, sous une forme symbolique de reconnaissance ou sous une forme pécuniaire, elle crée des privilèges. Voilà pourquoi il n’appartient pas au président en exercice de la République française laïque de dire que "la République a besoin de croyants". Il aurait été aussi aberrant s’il avait dit qu’il est mieux d’être athée que croyant. »

Et qu’en est-il de la laïcité dite « ouverte » qui revient aujourd’hui dans le débat ? Explication de Pena-Ruiz : « Dans son livre d’entretien avec le père Verdin, dominicain très antilaïque [1], Sarkozy appelle laïcité ouverte ou positive le fait que la puissance publique, laïcisée par la loi de 1905, doit réintroduire une meilleure considération pour les religieux. Et donc redonner un statut public à la religion. Pensez-vous que Sarkozy soit mystique ? La République qu’il défend est ultralibérale et il la dessaisit de ses missions sociales, qu’il a besoin de transférer au religieux sur le mode caritatif. On fait appel à la charité pour compenser les effets de la destruction des droits sociaux, des services publics, comme l’a fait Mme Thatcher en Angleterre. Ce principe de laïcité ouverte ou positive remonte aux années 60, il a été inventé par des théoriciens au sein de la Ligue de l’enseignement. Pour moi, cette notion est parfaitement insultante pour la laïcité tout court, car elle suppose qu’il pourrait y avoir une laïcité fermée. Quand on parle des droits de l’homme, on ne dit pas des droits de l’homme ouverts. De même, quand on défend la justice, on ne parle pas d’une justice ouverte. Toute l’histoire montre que ceux qui défendent la laïcité dite ouverte ou positive sont partisans de privilèges publics pour la religion. » [...]"

Lire “La laïcité ouverte est insultante”.

[1La République, les religions, l’espérance, de Nicolas Sarkozy, éd. du Cerf, 2004.


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