Revue de presse

H. Pena-Ruiz : "La République ne doit pas financer les cultes religieux" (Le Monde, 27 jan. 12)

28 janvier 2012

"[...] Initiateur du projet de loi-cadre du Parti de gauche destiné à refonder la laïcité dans notre pays, déposé au Sénat en juin 2011, Jean-Luc Mélenchon a pris date. Il rappelle que les principes de liberté et d’égalité de la République doivent valoir pour tous, croyants, athées et agnostiques. Il reprend à son compte la grande idée de Jaurès qui solidarise laïcité et justice sociale en soulignant que la suppression du financement public des cultes permet de mieux consacrer l’argent public à l’intérêt général.

Y compris en Alsace-Moselle, où le concordat napoléonien, survivance anachronique, oblige les contribuables athées à payer les salaires des prêtres par le truchement de l’impôt. L’indivisibilité de la République et la simple justice appellent l’abrogation de ce concordat et de toutes les dispositions qui ont bafoué la laïcité. Le projet laïque ainsi affirmé est clair et net.

François Hollande souhaite inscrire dans la Constitution les deux principes de la Loi de 1905. Il leur confère ainsi la plus haute place dans la hiérarchie des normes. Les deux premiers articles sont d’ailleurs indissociables. Liberté pour le premier, Egalité pour le second. L’article premier stipule : "La République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. "Garantit" ne veut pas dire "finance". Et la liberté de conscience ne se réduit pas à la "liberté religieuse".

C’est aussi la liberté athée ou agnostique. François Hollande a raison de vouloir consolider la laïcité. Les élus socialistes peuvent d’ailleurs l’y aider en appliquant les principes ainsi réaffirmés. Hélas ! ils ne le font pas toujours. Si bien que la laïcité souffre d’un double mal : attaquée avec vigueur par Nicolas Sarkozy et ses ennemis traditionnels, elle est souvent trahie par ses amis supposés.

Le gouvernement, quant à lui, n’a pas craint de rallumer la guerre scolaire en favorisant l’école privée, alors qu’il asphyxiait l’école publique par la suppression de dizaines de milliers de postes. M. Sarkozy n’a pas hésité à faire officiellement une discrimination entre croyants et athées ("La République a besoin de croyants", Discours du Latran). Peut-être a-t-il voulu par ce privilège public donner un supplément d’âme au monde sans âme qu’il fait advenir par sa politique antisociale. Pratiqué par la droite, le couplage entre le libéralisme au profit de la haute finance et la charité substituée à la justice sociale n’a que trop duré.

Il faut mettre un terme aux arguties juridiques comme celles des derniers avis du Conseil d’Etat qui invoque à mauvais escient la notion d’ "intérêt public local" et brouille la distinction entre cultuel et culturel afin de rétablir des privilèges financiers pour les religions. Quand l’Institut des cultures de l’islam, financé avec l’argent des contribuables parisiens, fait des soirées "culturelles" en initiant au ramadan, n’y a-t-il pas un mélange des genres suspect entre le culturel et le cultuel ? Quant au financement public de crèches confessionnelles loubavitch (courant juif ultraorthodoxe), également avec l’argent des contribuables parisiens, est-il acceptable ?

N’est-il pas temps par ailleurs d’abroger l’amendement pétainiste de 1942, qui permet de financer des lieux de culte sur fonds publics ? Quant à la loi Debré de 1959, qui détourne l’argent public vers des écoles privées pour l’essentiel religieuses, elle ne saurait sans trahison être consacrée définitivement, alors que l’école publique connaît la misère que l’on sait. Pour l’heure, le minimum serait que les élus des collectivités publiques s’engagent à ne pas dépasser les montants de subventions légaux, comme hélas cela se fait trop souvent. L’argent public à l’école publique.

Des élus habitués à pratiquer le clientélisme électoral vont craindre pour leur siège. Ils ont tort. L’honneur de la politique, c’est de mettre en oeuvre les principes auxquels on croit. Est-il si difficile d’expliquer aux électeurs croyants que la liberté et l’égalité des citoyens excluent tout privilège public des religions, et que la fraternité républicaine implique la dévolution aux services communs à tous des impôts payés par tous ? Le courage politique l’impose.

La République n’a donc pas à financer les cultes, ni les écoles privées, ni les manifestations religieuses. Elle n’a pas non plus à modifier le calendrier en faveur des seules religions. Eva Joly ignore-t-elle que l’égalité républicaine ne se réduit pas à celle des convictions religieuses ? La religion dotée d’un privilège public et l’humanisme athée confiné dans la sphère privée, cela s’appelle une discrimination.

La santé, l’instruction, la culture sont des biens universels, que la République sociale se doit de promouvoir, dans l’intérêt des plus modestes. Si un croyant a besoin de soins quand il est malade, un grand service public de santé lui permettra de les recevoir gratuitement. Il en va de même pour l’athée. Notons au passage qu’un croyant qui n’a pas à payer ses soins dispose de ressources accrues pour financer son lieu de culte, s’il le veut.

Les vases communicants ainsi mis en oeuvre restituent au public ce qui a été détourné vers le privé et au privé ce qui était mis indûment à la charge de la puissance publique. Une mesure salutaire pour éviter de gaspiller les deniers publics. La laïcité n’est pas antireligieuse : elle se soucie de tous. Jaurès, en proposant la suppression du budget des cultes, pensait déjà aux retraites ouvrières des croyants et des athées. "C’est seulement dans une grande politique de réformes sociales que peut être désormais le salut pour l’esprit de laïcité" (L’Humanité, 25 février 1911)."

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