Revue de presse

H. Peña-Ruiz : "Hidjab de course : la loi et la critique" (Marianne, 15 mars 19)

Henri Peña-Ruiz, philosophe et écrivain, Prix de la Laïcité 2014, auteur de "Dictionnaire amoureux de la laïcité" (Plon). 17 mars 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Où et quand la laïcité fait-elle valoir une exigence légale de neutralité vestimentaire ? La loi est claire. Ne devant énoncer aucune norme arbitraire, elle n’interdit que ce qui nuit à l’ordre public. Celui-ci, en pays laïque, se fonde sur les droits humains et non sur un particularisme coutumier ou religieux. La régulation de la tenue est juste quand une personne remplit une fonction qui la requiert, ou joue un rôle public officiel.

Elle est injuste lorsque ce n’est pas le cas. Une sportive intégrée à une équipe nationale représente tout un peuple. Elle ne peut donc arborer une tenue partisane, notamment religieuse. L’esprit universaliste de la compétition olympique impose aussi cette neutralité, car l’idéal de paix qui l’inspire ne valorise que ce qui unit les peuples. Mais, quand une personne pratique un sport collectif à titre privé, dans le contexte de la vie civile où elle ne représente qu’elle-même, elle a le droit de s’habiller comme elle veut. A condition de respecter la pudeur et la visibilité du visage, qui interdisent la nudité totale et le voile intégral.

Cependant, le libre choix d’une tenue vestimentaire peut être exposé à la critique. L’espace civil est en effet le lieu du débat, où l’on a le droit de dénoncer le caractère aliénant et sexiste d’une tenue, et d’en réprouver l’usage. D’où le droit de mettre en cause le voile, imposé ou consenti. L’éducation populaire, par ailleurs, permet d’émanciper les consciences. Il s’agit de déconstruire la domination possessive exercée sur la femme, voire l’avidité sans scrupule d’une marque qui fait du fric en l’encourageant.

La distinction des contextes est donc décisive. Selon les cas, une tenue relève de l’interdiction légale, ou de la critique émancipatrice, ou des deux. On ne peut interdire à une étudiante majeure, syndiquée à l’Unef, de porter un voile, mais on a le droit de réprouver ce fait au nom des valeurs de l’Unef, comme Charlie l’a fait. Il en va de même pour le hijab « running » (bienvenue à la complicité du capitalisme anglophone !).

Même type d’analyse pour le burkini de bain, interdit dans une piscine comme la soutane ou la kippa, mais libre dans la mer où il ne compromet pas l’hygiène. Ne caricaturons pas la laïcité par des normes indues. Mais n’abdiquons pas pour autant l’esprit critique et sa vertu, si essentielle pour l’émancipation !"

Lire "Hidjab de course : la loi et la critique".


Voir aussi le communiqué CLR et LDIF Ce que cache le "hijab running noir", ou comment Decathlon se fait le promoteur de l’apartheid sexuel (CLR, LDIF, 24 fév. 19), dans la Revue de presse les autres articles de la rubrique rubrique 686 (note du CLR).


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