Etats-Unis : ""Vieux Blancs" et "jeunes issus des minorités", le contrat social à l’épreuve" (Le Monde, 29 août 12)

1er septembre 2012

"Ce n’est qu’un seuil statistique, mais ses conséquences sont immenses pour la société américaine : la majorité des bébés qui naissent désormais aux Etats-Unis ne sont plus "blancs". Le Census Bureau, chargé des études démographiques, l’a révélé à la mi-mai : pour la première fois dans l’histoire du pays, les "minorités" - "hispaniques", "noirs", "asiatiques" ou de "race mêlée" selon la typologie américaine - constituent 50,4 % des naissances.

Les démographes l’ont annoncé depuis plusieurs années et l’élection de Barack Obama l’a symbolisé : ces "minorités", qui, ensemble, forment aujourd’hui un tiers de la population américaine, deviendront majoritaires avant 2050. Le basculement statistique actuel en ce qui concerne les naissances ne fait qu’anticiper cette perspective.

L’événement annonce rien de moins que le passage d’"une culture de baby-boomers largement blanche à un pays plus multiethnique et mondialisé", selon William Frey, démographe à la Brookings Institution (l’un des plus prestigieux groupes de réflexion américain) cité dans le New York Times.

Les implications de ces changements ne sont pas évidentes, vues depuis une Europe moins multicolore, où l’immigration n’est pas constitutive de l’histoire et où les statistiques raciales évoquent des épisodes sinistres. Mais pour les Américains, la perspective est celle d’une rupture historique avec la domination des populations européennes qui ont fondé le pays.

Déjà, les Blancs ne sont plus majoritaires dans quatre Etats (Californie, Texas, Nouveau-Mexique et Hawaï) et dans le district de Columbia (l’agglomération de Washington), ainsi que dans plusieurs grandes villes comme New York, Las Vegas et Memphis.

Cette évolution va s’accélérer en raison de l’immigration et de la fertilité plus élevée des minorités, qui alimentent 92 % de la croissance démographique. Le fossé ethnique et racial (et parallèlement social) va coïncider de plus en plus avec un impressionnant différentiel d’âge : "vieux Blancs" d’un côté, "jeunes issus des minorités" de l’autre, pour simplifier. [...]

La population "blanche" est-elle prête à financer l’éducation, largement déficiente, de ces cohortes de jeunes qui ne lui ressemblent pas forcément ? Aujourd’hui, seuls 13 % des Hispaniques et 18 % des Noirs sont titulaires d’un diplôme universitaire, contre 31 % des Blancs.

Une autre question est celle de la charge de la dette publique faramineuse léguée par les baby-boomers blancs à des catégories de jeunes "colorés" au poids social plus faible et aux intérêts pas nécessairement convergents.

Bref, au-delà d’un glissement progressif de l’identité collective, c’est le contrat social de l’Amérique qui va être mis à l’épreuve."

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