Revue de presse

Dérives sectaires : « Il y a une floraison de petites structures », alerte Marlène Schiappa (leparisien.fr , 10 oct. 20)

28 décembre 2020

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"La ministre auprès du ministre de l’Intérieur et en charge de la Citoyenneté annonce auprès de notre journal toute une batterie de mesures pour s’attaquer plus efficacement aux dérives sectaires.

Par Marcelo Wesfreid

Le projet de loi sur la laïcité et les séparatismes prévoit plusieurs volets permettant de renforcer les moyens de l’Etat face aux multiples phénomènes sectaires. Marlène Schiappa qui sonne l’alarme face à une recrudescence de ces pratiques annonce que l’Etat va « utiliser les mêmes méthodes d’action contre les groupements sectaires que contre l’islamisme radical » notamment par la mise en place de contrôles inopinés dans des associations qui pourront, le cas échéant, être dissoutes plus facilement.

Enfin, la ministre révèle qu’elle a demandé à la police nationale et à la gendarmerie « d’évaluer les nouvelles pratiques (NDLR : sectaires), en particulier en ce qui concerne l’ Eglise de Philadelphie, celle qu’aurait créée la mère de Xavier Dupont de Ligonnès. Les pouvoirs publics doivent savoir s’il y a d’autres familles comme celle des Ligonnès, sous l’emprise d’un tel groupement. »

Quelles sont les nouvelles formes de dérives sectaires ?

MARLÈNE SCHIAPPA. Dans l’inconscient collectif, une secte renvoie par exemple à l’Ordre du temple solaire ou à de grandes organisations. Or, ce qu’on observe depuis quelques années, c’est la floraison de petites structures. En France, ont été identifiés environ 500 groupes de déviance sectaire. Ils touchent 50 000 adultes et 90 000 mineurs. Avec l’épidémie, on assiste à une recrudescence du phénomène dans le secteur du développement personnel, des soins alternatifs, du bien-être ou du sport. Sous couvert d’activités bienveillantes, la finalité est le gain financier, mais aussi l’emprise sur les personnes. La fragilité générale, sanitaire, économique et sociale du moment offre un terreau favorable.

Les outils actuels pour lutter contre les sectes sont-ils à la hauteur ?

Je renforce la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Elle ne fera plus simplement de la veille ou de l’analyse. Elle sera dirigée par une magistrate. Cette structure, qui est désormais rattachée au ministère de l’Intérieur et sous mon autorité, sera davantage liée aux forces de sécurité intérieure. Je vais lui associer un nouveau conseil d’orientation. Le magistrat et ancien élu Georges Fenech, la députée du Nord Brigitte Liso, la présidente de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADFI) Joséphine Lindgren-Cesbron ou encore la psychologue spécialiste de l’emprise morale Marie-France Hirigoyen en feront notamment partie. Parallèlement, j’adresse une circulaire aux préfets leur demandant d’accroître leur vigilance et d’augmenter la détection, en systématisant les signalements aux autorités judiciaires et en lançant des dissolutions administratives. Celles-ci seront aussi facilitées après la loi séparatisme.

Pourquoi ?

Dans le projet de loi sur la laïcité et la lutte contre les séparatismes, deux nouveaux motifs de dissolution d’une association ou d’un groupement de fait vont être créés. Ils seront ajoutés au code de la sécurité intérieure. D’abord, les « agissements portant atteinte à la dignité de la personne humaine ». Ensuite, le fait d’exercer contre des individus « des pressions psychologiques ou physiques dans le but d’obtenir des actes ou des abstentions qui leur seront gravement préjudiciables ».

Quel est le rapport avec le séparatisme et la radicalisation ?

Les procédés sont parfois similaires, notamment en matière d’emprise morale, de pression psychologique. Surtout, nous allons utiliser les mêmes méthodes d’action contre les groupements sectaires que contre l’islamisme radical avec des contrôles ciblés. C’est d’ailleurs pour cela que la Miviludes rejoint le secrétariat général du Comité interministériel de lutte contre la délinquance et la radicalisation. A sa tête, le président de la République a nommé le préfet Christian Gravel.

L’islam radical doit-il être considéré comme une dérive sectaire ?

Quand, dans un groupe de personnes, les femmes sont obligatoirement entièrement couvertes, qu’elles ne peuvent pas adresser la parole aux hommes, qu’il est interdit d’écouter la musique ou de porter un maillot de bain, qu’on observe des phénomènes d’emprise, cela a beaucoup de critères d’une dérive sectaire. On veut s’attaquer aux zones grises de la loi comme les mariages forcés, la polygamie et les dérives sectaires. Mais aussi les thérapies de conversion…

De quoi s’agit-il ?

Le principe d’une thérapie de conversion, c’est de vouloir changer l’orientation amoureuse ou sexuelle d’une personne par la violence, l’emprise voire le viol. Le Parlement européen a d’ailleurs exhorté les Etats à agir contre cette tendance en recrudescence. Certains groupes sectaires envoient des adolescents se faire exorciser auprès d’un soi-disant prêtre ou d’un marabout. L’Allemagne l’interdit déjà pour les mineurs. La Belgique et les Pays-Bas s’apprêtent à le faire. Le gouvernement français veut interdire ces thérapies de conversion, comme le demandent des associations de protection des jeunes LGBT +. Des députés de la majorité nous ont fait part de leur souhait de le proposer par amendements via la loi sur laquelle nous travaillons : nous les soutiendrons avec Gérald Darmanin.

On parlait moins de sectes, ces dernières années…

Oui, or on n’en a pas fini avec le phénomène ! Il a fait l’objet d’enquêtes journalistiques qui apportent de nouveaux éclairages. J’ai donc confié une mission conjointe aux directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale ainsi qu’à la Miviludes pour évaluer les nouvelles pratiques, en particulier en ce qui concerne l’Eglise de Philadelphie, celle qu’aurait créée la mère de Xavier Dupont de Ligonnès. Je suis respectueuse de la séparation des pouvoirs. Des enquêteurs sont actuellement mobilisés à Nantes (Loire-Atlantique) et à Paris pour résoudre cette affaire de quintuple meurtre qui passionne les Français. Mais les pouvoirs publics doivent savoir s’il y a d’autres familles comme celle des Ligonnès, sous l’emprise d’un tel groupement. Cette entité a été identifiée dans les Yvelines. Nous voulons quantifier le phénomène, mieux comprendre son fonctionnement et son implantation en France. Il s’agit aussi d’alerter l’opinion."

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Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique Sectes (note du CLR).


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