Revue de presse / vidéo

VIDEO "Comment l’intégrisme religieux gagne du terrain dans les clubs de sport amateur" (JT F2, 27 mars 18)

29 mars 2018

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Voir "Comment l’intégrisme religieux gagne du terrain dans les clubs de sport amateur" et "JT de 20h du mardi 27 mars 2018".

"Que se passe-t-il dans certains clubs de sport français ? Des notes confidentielles des services de renseignement décrivent des "dérives communautaires", "des prières sur la pelouse ou dans les vestiaires", "des individus radicalisés". "L’Œil du 20 heures" a enquêté pendant plusieurs mois sur ces clubs de sport amateur où la religion tente des incursions.

Nous nous sommes notamment rendus à Toulouse, où un club de lutte est sous la surveillance des services de renseignement. L’un de ses membres serait lié à la mouvance islamiste radicale. Un repli communautaire se serait installé dans le club, créé fin 2016 par les membres d’un ancien club dissous. Nous avons demandé de filmer un entraînement. Sans succès. Selon nos informations, depuis quatre ans, le nombre d’hommes qui ont obtenu leur licence en lutte dans l’ancien, puis le nouveau club, augmente. Le nombre de femmes, lui, a été divisé par dix.

Julie s’est entraînée plusieurs fois par semaine dans ce club en 2015. Elle nous explique pourquoi elle en est partie : "Le président du club m’a dit : ’Quand quelqu’un relève ton tee-shirt quand tu luttes, on voit ton ventre, on voit ta peau, il y a des gens que ça dérange ici.’ Petit à petit, [les responsables du club] nous ont demandé de mettre des tee-shirts de moins en moins échancrés avec des pulls ras du cou."

Au lieu de porter le tee-shirt officiel vendu par la Fédération française de lutte, Julie a dû se couvrir les bras en mettant des manches longues, à la demande des responsables du club. Et porter un bas de jogging à la place du short. Pour elle, c’est le fait même d’être une femme qui a posé problème.

”Un petit garçon, qui au début voulait bien lutter avec moi, après n’a plus voulu. Il m’a dit : ’Non ma religion m’interdit de toucher aux femmes.’”
— Julie, lutteuse à Toulouse

Pour comprendre, un de nos journalistes s’est rendu au club de lutte en caméra cachée. Nous avons prétendu vouloir suivre un entraînement. Ce soir-là, sur le tapis, une vingtaine d’hommes et une seule femme. Ses jambes sont couvertes. Ses bras, non. Nous interrogeons l’un des entraîneurs.

"C’est la seule femme ici ?
Oui. C’est la seule fille.
Qui combat avec la fille pour qu’elle progresse ?
Les petits, ceux pour qui ça ne pose pas de problème par rapport à la religion, parce qu’ils sont petits. Et après, ceux qui ne sont pas musulmans.
Toi tu luttes avec elle ?
Non."

A l’issue de cette rencontre, nous sollicitons à nouveau le club. Cette fois en tant que journalistes. Nous rencontrons l’un de ses membres. Il nous livre une version très différente. Il dément tout communautarisme. Il affirme que la religion n’a pas sa place dans le club. Nous lui demandons : "Si on vous dit : ’à cause de ma religion, je ne peux pas lutter avec une femme’. On vous le dit ça, dans votre club ?" Il nous répond que personne ne dit ça : "Ça n’existe pas."

Le club ne reçoit pas de subventions municipales. Les cours ont lieu dans une salle d’un gymnase, gracieusement mise à disposition par la mairie. Nous contactons Laurence Arribagé, maire adjointe LR chargée des sports à Toulouse : "Si tout ce que vous me dites était avéré, la ville prendrait ses responsabilités."

”Encore une fois, un gymnase, un terrain de sport n’est pas un lieu pour faire du prosélytisme et encore moins pour faire prévaloir la religion sur la pratique sportive tout simplement.”
— Laurence Arribagé, maire adjointe LR de Toulouse chargée des sports

Replis communautaires, mixité mise à mal, radicalisation. Dans les clubs de sport, un millier de personnes ont été signalées aux services de renseignement pour proximité avec les thèses jihadistes. Notamment en Rhône-Alpes, autour de Paris et dans le sud de la France. Pour quelles raisons la religion s’immisce-t-elle dans le sport ? Les services de l’Etat avancent une explication : "Après le prosélytisme sur internet, puis au travers des associations culturelles, les adeptes du salafisme ont stratégiquement ciblé les salles de sport."

Confrontée à ce phénomène, une région a décidé de réagir. En Ile-de-France, animateurs sportifs, entraîneurs et patrons de club sont formés à détecter les signes de repli communautaire et de radicalisation. Patrick Karam, le vice-président LR du Conseil régional, chargé de la jeunesse et des sports, nous explique : "Nous avons des demandes sur des salles de prière effectivement dans les vestiaires ou des salles de prière ad hoc pour le foot, il y a eu également des demandes de modifications des horaires d’entraînement avec la prise en compte du ramadan ou de la prière du vendredi."

”Aujourd’hui, la ligne rouge, ce sont les valeurs de la République.”
— Patrick Karam, vice-président LR de la région Ile-de-France chargé des sports

En région parisienne, cette ligne rouge a été franchie dans un club de judo. Il y a quelques mois, un judoka que nous appellerons Grégory veut devenir professeur, comme en atteste sa convention de formation. Le judo est une discipline aux règles strictes. Au début d’un cours, avant et après chaque prise, le salut est obligatoire. Les combats sont mixtes, mais Grégory refuse de se plier à ces rituels.

Le directeur de la formation, Michel Godard, s’en inquiète. Il convoque Grégory en commission de discipline. Dans son rapport, celle-ci détaille les arguments du judoka. "Il considère que dans sa religion, un homme n’a pas le droit de toucher une femme étrangère." Grégory reste inflexible. La commission décide de l’exclure de la formation pour éviter tout prosélytisme sur le tatami. "On pense qu’il va chercher l’adhésion d’autres, essayer de toucher d’autres personnes pour justement développer son mouvement, sa religion, comme il nous l’a dit. On était inquiets", relate Michel Godard.

Nous avons rendu visite à Grégory, à son domicile. Il n’a pas souhaité nous répondre : "J’ai rien à dire. Que chacun fasse ce qu’il a à faire, moi je continue à être ce que je suis."

Contactée, la ministre des Sports, Laura Flessel, nous renvoie au nouveau plan anti-radicalisation du Premier ministre : les cadres techniques des fédérations sportives et les éducateurs seront formés pour détecter les signes de radicalisation et les signaler aux préfets."



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