Revue de presse

"Cinq ans après Charlie, deux gauches toujours plus irréconciliables" (lefigaro.fr , 6 jan. 20)

12 janvier 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"C’était le 16 janvier 2015, d’une voix tremblante, Jean-Luc Mélenchon prononçait l’éloge funèbre de Charb devant le cercueil du journaliste tué dix jours plus tôt par les djihadistes. « Nous qui te comptions parmi nos éclaireurs », déclamait le chef de La France insoumise, « Tu as été assassiné par nos anciens, nos plus cruels, nos plus constants, nos plus bornés ennemis, les fanatiques religieux […] Ils n’auront jamais le dernier mot, tant qu’il s’en trouvera pour continuer notre inépuisable rébellion […] Merci camarade. »

Cinq ans après ces mots bouleversants, Jean-Luc Mélenchon semble avoir quitté le camp de la rébellion, troquant sa ligne laïque et républicaine pour des positions contraires : le 10 novembre 2019, il défilait avec une bonne partie de la gauche (seul le PS, dirigé par Olivier Faure avait résisté aux sirènes communautaristes) aux côtés du CCIF et de militants indigénistes contre l’« islamophobie ». Un mot que récusait fermement Charb dans son dernier texte posthume : Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes.

« Une trahison » pour la militante laïque Caroline Fourest. Pour la journaliste et réalisatrice, soutien historique de Charlie Hebdo, cinq ans après l’attentat, « la fracture est de plus en plus claire et identifiée » entre les « deux gauches irréconciliables » jadis théorisées par l’ex-premier ministre Manuel Valls. « Parfois, il y a des positions irréconciliables à gauche et il faut l’assumer […] Je ne peux pas gouverner avec ceux qui vont à des meetings avec [le prédicateur, NDLR] Tariq Ramadan, c’est-à-dire aux antipodes de ce que nous sommes », affirmait-il en février 2016.

La confrontation fut particulièrement violente en novembre 2017 entre l’hebdomadaire et le fondateur de Mediapart Edwy Plenel. Ce dernier avait été caricaturé se cachant derrière sa moustache en une du journal avec ce commentaire : « Affaire Ramadan, Mediapart révèle : “On ne savait pas”. » Ulcéré, Edwy Plenel eut cette phrase sur France Info : « La une de Charlie Hebdo fait partie d’une campagne générale […] de guerre aux musulmans. » « Cette phrase, nous ne l’oublierons jamais », « nous ne la pardonnerons jamais » réagit alors Riss, le directeur de Charlie Hebdo, accusant Plenel de lui mettre une cible dans le dos.

Hier, les deux gauches irréconciliables étaient la révolutionnaire, celle qui voulait renverser le capitalisme, et la réformiste qui acceptait l’économie de marché. La deuxième fracture - qui ne se superpose pas toujours avec la première - oppose désormais les tenants d’un héritage universaliste hostile aux religions et favorable à la laïcité à ceux qui voient dans les musulmans des « damnés de la terre » de substitution, que ce soit par idéologie de revanche postcoloniale ou par progressisme « intersectionnel ». La gauche Charlie et la gauche Mediapart en somme, engagées dans un duel à mort.

« Je reste convaincue que la gauche Charlie reste majoritaire dans l’opinion », confie Caroline Fourest « mais elle est orpheline politiquement. Le plus gros contingent des aveugles est parti du PS avec Benoît Hamon. Il y a un espace pour construire une gauche plus sociale qu’Emmanuel Macron, mais aussi sociale laïque et républicaine. C’est un boulevard qui demande à être repris ! », veut croire la polémiste. Ce boulevard a déjà été ouvert par tout un « tiers-parti » intellectuel, qui d’Alain Finkielkraut à Élisabeth Badinter en passant par Jacques Julliard, subit une véritable désaffiliation et ne se retrouve plus dans sa famille politique de gauche.

Ce clivage intellectuel ne se retrouve pas dans les urnes pour le moment, malgré la tentative du Printemps républicain, créé en 2016 par d’anciens du PS pour incarner cette ligne républicaine. Dans une interview au Figarovox, son président, Amine El Khatmi assumait le fait qu’il n’y ait « plus de dialogue possible » entre les deux gauches irréconciliables. Il promet « la défaite et le déshonneur » à ceux qui comme Jean-Luc Mélenchon ont renié leur héritage."

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