Note de lecture

Briser le tabou de l’euro (E. Marquis)

par Eric Marquis 1er juin 2014

Franck Dedieu, Benjamin Masse-Stamberger, Béatrice Mathieu et Laura Raim, "Casser l’euro pour sauver l’Europe", Les liens qui libèrent, 232 pages. 2014, 19 €.

Né d’un projet politique, l’euro « est devenu au fil des années une doctrine, une religion, avec tout ce que cela implique : des docteurs, un cadre de réflexion, des tabous infranchissables, un déni de la réalité ». Il est temps d’« abandonner la monnaie unique dans sa forme actuelle », préconisent quatre journalistes.

Déjà, Aurélien Bernier (La gauche radicale et ses tabous, Seuil [1]) soutenait que la « gauche de la gauche » a laissé l’électorat populaire à l’extrême droite parce qu’elle n’a pas voulu affronter le tabou européen. C’est ici deux rédacteurs en chef adjoints de L’Expansion, un grand reporter au service Economie de L’Express et une journaliste indépendante qui invitent « souverainistes et pro-européens » à « se réconcilier autour d’une France intégrée dans une Europe resserrée, plus agile, mais aussi plus respectueuse des peuples et de leur diversité ».

Il est vrai que le bilan de la monnaie unique est accablant : plus d’une décennie après son lancement, « la convergence tant attendue des économies n’a pas eu lieu, les modèles sociaux ont été détricotés et la spéculation s’est déchaînée ».

Il faut donc « faire machine arrière », en revenant aux devises nationales, mais réunies au sein d’une monnaie commune, avec des mesures de « re-régulation ». De façon remarquablement pédagogique s’agissant d’un sujet assez technique, les auteurs livrent un véritable mode d’emploi du processus et répondent aux principales objections.

Si des francs-maçons ont joué un rôle décisif dans la construction européenne, c’est peu dire que le débat et la liberté de conscience ont été négligés. Mais « la carence démocratique, à laquelle le peuple européen peut s’accommoder par temps faste, devient flagrante et insoutenable lorsqu’elle se traduit par l’obligation de payer le prix d’une crise financière. »

Aujourd’hui, tout ce que les créateurs de ce monstre n’ont pas voulu voir leur explose à la figure. Il faudra bien que notre intelligentsia se plie à ce « débat interdit », avant que « nos concitoyens, écoeurés, ne se jettent dans les bras des véritables extrémistes, qui, autour de Marine Le Pen et d’autres, se frottent les mains en voyant ce renoncement à l’exercice normal de la délibération démocratique ». N’est-il pas déjà trop tard ? Espérons.

Eric Marquis


Ce texte est paru dans Humanisme n°303, mai 2014.


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