Revue de presse

"Aulnay-sous-Bois : pourquoi le maire pouvait empêcher la conférence des salafistes" (marianne.net , 29 fév. 16)

1er mars 2016

"Bruno Beschizza se retranche derrière le droit pour justifier le fait d’avoir prêté un gymnase à une association ayant invité des prédicateurs islamistes dans sa ville, le 31 décembre dernier. Pour lui, "c’est à l’Etat qu’il faut demander des comptes et non au maire". C’est faire peu de cas des prérogatives dont dispose ce dernier pour assurer l’ordre public.

[...] A la suite des révélations de Marianne sur le prêt par la mairie d’un gymnase à une association qui y a invité des prédicateurs islamistes, le 31 décembre dernier, Bruno Beschizza contre-attaque en livrant "sa vérité" à Valeurs actuelles. Développant peu ou prou le même propos qu’il avait tenu à Marianne lorsque nous l’avions interrogé, il s’abrite derrière le droit pour justifier son choix, celui de laisser se dérouler cette conférence aux invités très spéciaux. [...]

A entendre Bruno Beschizza, le simple maire qu’il est n’aurait pas les compétences nécessaires pour prévenir le fait que de tels prédicateurs s’expriment dans une salle municipale. "Il faut que l’Etat assume ses responsabilités. Les propos qui peuvent être tenus dans une salle ne relèvent pas des prérogatives du maire", nous avait-il déclaré. A Valeurs actuelles, il ne dit pas autre chose : "Je rappelle que seul l’Etat a le droit de mettre en rétention administrative une personne. C’est donc à l’Etat qu’il faut demander des comptes et non au Maire ! L’Etat doit assumer ses responsabilités."

Visiblement, Bruno Beschizza sous-estime l’importance de ses pouvoirs d’édile. Selon l’article L132-1 du code général des collectivités territoriales, "le maire concourt par son pouvoir de police à l’exercice des missions de sécurité publique et de prévention de la délinquance". Il est plus concrètement en charge de la police municipale, elle-même chargée "d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques", comme le précisent les articles L2212-1 et L2212-2 de ce même code.

Mais les propos tenus devant une assistance peuvent-ils relever de l’ordre public ? Oui, comme l’a montré récemment l’affaire Dieudonné. En janvier 2014, le Conseil d’Etat a validé l’interdiction du spectacle de l’humoriste à Nantes, précisément au nom du risque de troubles à l’ordre public. Depuis, plusieurs maires ont décidé d’interdire eux aussi le spectacle de Dieudonné. Dernièrement encore, le 11 février, le maire de Montpellier Philippe Saurel a pris un arrêté d’interdiction contre l’humoriste afin de "prévenir tout trouble à l’ordre public".

Certes, la justice administrative a plusieurs fois suspendu ce type d’arrêté, comme à Limoges l’été dernier. Mais au moins ces maires, garants de l’ordre public, auront-ils tenté de prendre des mesures contre un individu condamné plusieurs fois pour provocation à la haine raciale. Ce qui prouve qu’il leur est possible de ne pas rester sans rien faire lorsque des individus sulfureux s’apprêtent à intervenir dans leur commune, a fortiori dans une salle publique gracieusement prêtée par la mairie.

Bruno Beschizza aurait aussi pu intervenir contre les prédicateurs salafistes en s’appuyant sur une jurisprudence qui fait les délices des étudiants en droit : l’arrêt "Morsang-sur-Orge", rendu par le Conseil d’Etat en 1995. La plus haute juridiction administrative avait alors validé la décision du maire de cette commune de l’Essonne, qui avait interdit un spectacle de lancer de nain, en considérant que ce divertissement "porte atteinte à la dignité de la personne humaine". Ce précédent juridique confirme qu’il est possible pour un maire de prendre des mesures d’interdiction pour ce motif. Encore faut-il considérer que lorsqu’un prédicateur estime publiquement que "la femme ne sort de chez elle que par la permission de son mari", comme le fait dans une vidéo l’un des intervenants invités à Aulnay-sous-Bois ce 31 décembre, cela a quelque chose à voir avec la dignité humaine."

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