Revue de presse

"Asia Bibi, un Noël en semi-captivité" (La Croix, 24 déc. 18)

25 décembre 2018

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"La jeune Pakistanaise de confession chrétienne condamnée à mort pour blasphème avant d’être acquittée fin octobre n’a pas quitté son pays. Libre, elle vit recluse pour échapper à ceux qui veulent la tuer.

Mais que devient-elle ? Où vit-elle ? Comment vit-elle ? La vie d’Asia Bibi est sans doute l’un des secrets les mieux gardés au Pakistan. Depuis le 31 octobre 2018, date à laquelle elle a été libérée, la jeune femme, accusée d’avoir blasphémé contre Mohammed, vit dans la plus grande discrétion pour échapper à ceux qui la menacent.

Dès le jeudi 1er novembre, soit au lendemain de son acquittement, des milliers de manifestants et fanatiques étaient descendus dans la rue. Emmenés par les leaders du TLP – le Tehreek-e-Labaik Pakistan, parti islamiste et extrémiste –, ils avaient bloqué les principales artères des grandes villes pakistanaises durant trois jours. Face à la colère et à la violence des protestations, le gouvernement a interdit à Asia Bibi de quitter le pays afin de ne pas envenimer la situation. Selon plusieurs sources, la jeune femme vivrait actuellement dans la région d’Islamabad en attendant d’obtenir un visa lui permettant de quitter le territoire.

« Asia et son mari vivent dans une résidence sous-haute surveillance située aux alentours de la capitale et gardée par les autorités pakistanaises » confie Anne-Isabelle Tollet, journaliste et auteur de deux ouvrages sur Asia Bibi. « Pour des raisons de sécurité évidentes, il leur est totalement impossible de sortir de chez eux », ajoute-t-elle.

Pour John Newton, membre du bureau de la section anglaise de l’Aide à l’Église en détresse, qui avait accueilli le mari d’Asia ainsi que sa fille aînée en octobre 2018, difficile de parler d’Asia comme d’une femme affranchie malgré son acquittement. « Dans les faits, elle reste prisonnière des individus qui lui ôteraient la vie si elle s’aventurait dehors. Autrement dit, elle n’est libre qu’en théorie », analyse-t-il.

Il en va de même pour ses proches, a commencé par ses filles. « Les enfants sont tout autant menacées par certains extrémistes que leurs parents », souligne Anne-Isabelle Tollet.

Un avis partagé par John Newton. Et pour cause : « D’après nos informations, des petits groupes sillonnent quotidiennement le pays afin de retrouver les proches d’Asia Bibi », affirme-t-il. « Leur technique est toujours la même : ils sonnent aux portes des habitants avec des photos. Si Asia et les siens n’obtiennent pas rapidement une autorisation de quitter le territoire, ils risquent d’être rattrapés. »

Saiful Malook, l’avocat emblématique d’Asia Bibi, se trouve lui aussi dans un endroit tenu secret. Le 3 novembre 2018, il a quitté le Pakistan en raison des menaces de mort dont il faisait l’objet. Avant d’embarquer à bord d’un avion en direction des Pays-Bas, il avait déclaré qu’il lui était « impossible de rester au Pakistan dans le scénario actuel. » Depuis, il aurait migré vers un autre pays occidental. Pour l’avocat, il s’agit désormais d’être dans un lieu sûr afin de poursuivre à distance la bataille judiciaire qui mènera à l’autorisation d’Asia de quitter le territoire.

Le 4 novembre 2018, Ashiq Masih, le mari d’Asia Bibi, a demandé l’asile à plusieurs chefs d’Etat. Dans une déclaration filmée et transmise aux médias internationaux, il sollicite l’aide de plusieurs pays dont les États-Unis, du Royaume-Uni et le Canada.

Selon un proche de la famille, ces destinations ont été choisies en raison des communautés importantes de chrétiens pakistanais y résidant. Si Londres s’est montré plutôt frileux à l’annonce de cette requête, d’autres pays ont pour leur part envoyé des signaux plus positifs comme la France.

« À cette heure, la famille pencherait plutôt pour le Canada, qui se trouve en pleines négociations avec Islamabad », indique Anne-Isabelle Tollet.

À noter toutefois que même si Asia Bibi et les siens obtenaient une autorisation de quitter le territoire pakistanais ainsi qu’un droit d’asile au Canada, la jeune femme resterait très exposée. Selon des proches de la famille, rien que le trajet menant de la résidence d’Asia à l’aéroport représenterait un risque mortel.


Repères : Asia Bibi, une affaire sans fin
14 juin 2009. Asia Bibi, 38 ans, travaille dans un champ du Pendjab, une région de l’est du Pakistan. Après avoir plongé son verre dans un seau d’eau pour le remplir, elle est accusée par une ouvrière musulmane de souiller la boisson de sa main de chrétienne. En réponse, elle avance que Mohammed n’aurait sûrement pas cautionné ce discours.
8 novembre 2010. Asia Bibi est condamnée en première instance à la peine de mort pour avoir violé le Code pénal pakistanais en blasphémant le prophète.
31 octobre 2018. Au terme de huit ans d’emprisonnement, Asia Bibi est acquittée en appel par la Cour suprême du Pakistan.

Anouk Helft"

Lire "Asia Bibi, un Noël en semi-captivité".


Voir aussi la rubrique Asia Bibi (note du CLR).


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