Revue de presse

André Gerin : "Les gouvernements successifs ont renoncé à combattre le mal" (lepoint.fr , 20 jan. 15)

21 janvier 2015

"L’ancien député-maire de Vénissieux est à l’origine de la loi proscrivant le voile intégral dans les lieux publics. Il déplore 30 ans d’inaction.

André Gerin, l’ancien député-maire de Vénissieux, fin connaisseur des banlieues et figure emblématique du Parti communiste, n’est pas étonné des attentats terroristes qui viennent de frapper la France. Il explique qu’il tire la sonnette d’alarme depuis des années sans être entendu.

Le Point.fr : Vous dénoncez depuis des années ceux que vous appelez "les talibans français". Qu’entendez-vous par là ?

André Gerin : J’ai eu deux électrochocs. Le premier en 2002 quand je me suis retrouvé avec deux gamins de Vénissieux enfermés à Guantánamo. C’étaient des jeunes intégrés qui ne posaient pas de problèmes. Ils étaient du même quartier. J’ai cherché à savoir qui pourrissait la tête de nos gamins et s’il y avait des têtes de réseau. Le second électrochoc, c’est 2005 et ses trois semaines d’émeutes. Je me suis demandé ce qui s’était passé entre le drame dans le transformateur électrique et, huit jours après, la grenade à proximité de la mosquée. La situation a changé de nature. Il y a eu huit cents communes concernées avec, en ligne de mire, les lieux de la République, les écoles, etc. À côté de ces deux déclencheurs, j’ai eu aussi des échos de la part des enseignants, dans les collèges, qui me décrivaient des ados qui se lèvent pour contester les cours de bio, de sciences naturelles, d’histoire, etc.

C’est pour cette raison que vous êtes parti en guerre contre le port du voile intégral en 2009 ?

J’ai toujours dit que, pour moi, le voile intégral était la partie émergée de l’iceberg. À la base, je voulais une enquête sur la question du voile intégral dans l’espace public, le problème que cela posait chez les musulmans, les conflits dans les services sociaux, à l’état civil, dans les hôpitaux. Je voulais aussi pointer du doigt les problèmes que rencontraient les jeunes filles dans certains territoires de la région parisienne et ailleurs. Pour être dispensées de sport au collège, elles se présentaient avec des certificats de complaisance. Il était impossible pour des jeunes filles d’aller au planning familial de leur quartier.

Vous avez l’impression d’être seul à gauche sur ces sujets ces dernières années ?

Politiquement, oui, mais, en réalité, pendant ces six mois de mission sur le voile, j’ai reçu quelque cinquante mille messages, dont seulement 5 % qui m’insultent, et le reste, surtout des femmes, qui me soutiennent. Quand j’ai remis mon rapport à l’Assemblée, il y avait une trentaine de télévisions étrangères, j’ai fait plus de deux cents interviews, du Japon au Pakistan, en passant par l’Angleterre, le Canada. C’était un sujet géopolitique. Pourtant, le problème n’a jamais été pris au sérieux du point de vue politique, je le regrette. Ensuite, on est passé à autre chose, comme on le fait depuis trente ans.

Pour quelles raisons ?

Parce qu’il y a une sorte de paralysie par rapport au Front national. Il y a des sujets tabous. Aussi à cause de l’angélisme de la gauche, qui continue, du côté du PC, de Mélenchon, du PS. J’ai quand même l’impression que Manuel Valls a compris : il fait exactement ce que j’ai dit. Mais on va voir la suite. Il va maintenant y avoir débat au PS sur ces questions, c’est obligatoire.

Où ces attentats islamistes prennent-ils racine, selon vous ?

On se trompe en considérant que ces événements n’ont pour origine que des problèmes économiques et sociaux. Il s’agit aussi d’une guerre culturelle. Il y a vraiment des gens qui mènent une guerre culturelle contre la République, contre un art de vivre, contre ce qu’il y a de meilleur dans les valeurs occidentales. Le fond du problème est là. On se souvient de l’imam Bouziane qui incitait à la lapidation des femmes, avec un discours anti-République, anti-Blancs et anti-France. Le discours des fondamentalistes est un discours de culpabilisation de la France, de l’Europe, de l’Occident.

Vous dénoncez un racisme anti-français ?

Bien sûr, et je n’hésite pas à le dire. Il faut dénoncer le racisme anti-arabe, anti-musulman, l’antisémitisme. Mais le racisme anti-Blancs, anti-France, fait aussi partie de ce que vivent les gens dans les quartiers populaires. Des quartiers qui ont changé de figure en vingt ans. Aujourd’hui, les Français "de souche" n’y sont presque plus présents parce que ça devient invivable pour eux pour cette raison, mais aussi parce qu’il y a une nouvelle forme de banditisme, de voyoucratie, qui s’y installe.

Vous reliez le banditisme à la montée de l’intégrisme religieux ?

Il est évident qu’il y a une prise de pouvoir commune de certains territoires par les trafiquants de drogue, les mafias et les fondamentalistes. Il y a une connivence entre eux pour la prise de pouvoir sur les gamins. Cela explique pour une part les violences, contre les pompiers, la police. J’en ai maintenant la certitude, ces trafics de drogue et autres sont une source de rémunération pour les intégristes qui ont besoin d’argent pour financer leurs activités. C’est un des sujets qu’il faudra aborder très vite : faire la guerre à la drogue, avec de la police d’investigation.

Vous dénoncez le manque de réponses politiques ?

Les gouvernements successifs ont renoncé à combattre le mal par la racine. On est dans une logique purement économiste et cette question de la sécurité a été négligée. Je dénonce tous les discours sur la victimisation des musulmans, sur l’excuse, qui deviennent insupportables. Si on parle de la question de l’islam, si on n’est pas capable de dire qu’il y a un islam de paix et un islam de guerre, un islam politique, on va se préparer des lendemains encore plus douloureux. Il faut encourager le dialogue avec les Français de confession musulmane, mais en même temps mener un combat impitoyable avec tous ceux qui pourrissent la vie de nos quartiers.

Quelles sont les solutions à apporter, selon vous ?

Elles passent par l’école et par la sécurité. Pour l’école, on a complètement oublié le rapport Obin remis en 2004 à François Fillon qui dénonçait déjà une montée du communautarisme dans les établissements. L’école doit redevenir un sanctuaire. Il faut sortir de l’illusion de l’école portes ouvertes, comme on le fait depuis quarante ans. On a considéré que les problèmes de la société devaient aussi venir dans l’école. Il faut désormais que la laïcité soit totalement respectée, qu’il y ait une séparation entre l’école et la société, et un retour à l’autorité. Commençons à appliquer les vingt propositions de la commission Stasi. Il faut peut-être aussi interdire le port du foulard à l’université. Il faut que les enfants puissent manger ensemble à la cantine, de tout. Pourquoi y aurait-il une interférence entre le religieux et l’école ? Il faut en finir avec ça, c’est terminé. Il ne faut pas que ça devienne un élément de séparation entre les enfants. Il y a comme ça de nombreux principes simples à respecter. On a sous-estimé l’endoctrinement des gamins. Et pour la sécurité, il faut s’attaquer aux mafias et aux trafics dans les territoires. Là, il faut mettre en place une stratégie nationale. Il faut les toucher là où ça fait mal : l’argent. [...]"

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