Revue de presse

Affaire Lambert : l’Eglise catholique "met en scène sa propre pluralité" (Le Monde, 25 juil. 15)

24 juillet 2015

""Terrorisme catholique", "talibanisme intégriste catholique"… Marie et François Lambert, la sœur et le neveu de Vincent Lambert, ont eu des mots très durs, jeudi 23 juillet, à leur sortie de l’hôpital, à Reims, pour dénoncer les "pressions" exercées, selon eux, depuis plusieurs semaines, par les militants pro-vie. Ils avaient auparavant rappelé la proximité de Pierre et Viviane Lambert, les parents de Vincent Lambert, avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, un mouvement catholique intégriste.

La forte mobilisation de mouvements pro-vie comme Alliance Vita ou la fondation anti-IVG Jérôme Lejeune (qui participe au financement des frais d’avocats des parents) ne rend pourtant pas compte de la position plurielle de l’Eglise française sur cette situation.

Mardi 21 juillet, l’ "appel aux autorités politiques, juridiques et médicales" pour s’opposer à un arrêt des traitements de Vincent Lambert, lancé par le cardinal Philippe Barbarin et les évêques de Rhône-Alpes, a bénéficié d’un important relais médiatique. Pas étonnant pour le sociologue Yann Raison du Cleuziou, il incarne "une ligne développée au moment de La Manif pour tous à travers un soutien explicite au mouvement".

Plusieurs évêques ont abondé dans le sens du primat des Gaules, comme Mgr Thierry Scherrer, l’évêque de Laval, ou Thierry Jordan, l’archevêque de Reims. "Ce sont les représentants d’un catholicisme classique, qui va des traditionnels aux charismatiques, attachés à des combats identitaires", dit l’universitaire.

L’institution ecclésiale a, elle, choisi de rester en retrait. "La Conférence des évêques de France invite à la pudeur et à la modération", a expliqué son porte-parole, Mgr Olivier Ribadeau Dumas, dans un communiqué publié jeudi. Une attitude qui doit se lire à la lumière de la mobilisation forte de l’épiscopat en faveur de La Manif pour tous. "Cet engagement a provoqué des déchirements très forts dans les paroisses", explique le sociologue Philippe Portier. Pour lui, l’institution ne semble pas vouloir réitérer aujourd’hui ce qui a été "la tentation d’unifier la parole de l’Eglise autour d’une doctrine morale ferme". D’autant que la fin de vie mobilise moins que le mariage homosexuel.

La dernière prise de parole "officielle" de la Conférence, le 12 juin, en témoigne. Dans un entretien à La Croix, Mgr Pierre d’Ornellas, l’archevêque de Rennes, chargé des questions de bioéthique pour les évêques de France, jugeait que "lorsqu’une personne choisit de ne pas subir des traitements qu’elle juge inutiles ou disproportionnées, il faut respecter sa liberté. Dans tous les cas, le médecin agit en conscience. Et l’Eglise ne peut que respecter une conscience".

Une analyse qui ne renie en rien la farouche opposition de l’Eglise à l’euthanasie, mais qui témoigne d’une certaine ouverture. "Mgr d’Ornellas fait exister le concept de liberté, tout en s’inscrivant dans une doctrine morale", reprend Philippe Portier. En reconnaissant par ailleurs l’existence de positions plus fermes au sein de l’épiscopat, l’Eglise "met en scène sa propre pluralité, qu’elle avait tue pendant La Manif pour tous"."

Lire "Affaire Lambert : l’Eglise catholique préfère rester discrète".


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