Revue de presse

"Acquittez le doyen Kazdaghli !" (Editorial, Le Monde, 16 jan. 13)

15 janvier 2013

"Le 14 janvier 2011, le président tunisien Ben Ali fuyait son pays, après quelques semaines d’une "révolution du jasmin" qui marquait le déclenchement des "printemps arabes". Jeudi 17 janvier, Habib Kazdaghli, le doyen de la faculté des lettres de la Manouba, à deux pas de Tunis, saura s’il est condamné par la justice de son pays.

Deux étudiantes, qui refusaient d’enlever leur niqab, le voile intégral, dans les salles de cours de l’université et avaient fait irruption dans le bureau du doyen pour protester contre ce règlement, l’accusent de les avoir giflées. M. Kazdaghli a toujours réfuté ces allégations. Mais il est accusé d’"acte de violence commis par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions" et encourt cinq ans d’emprisonnement.

Inquiétante parabole de la révolution tunisienne. De ses illusions perdues. Et de l’affrontement incessant dans lequel elle s’enfonce entre les salafistes, qui entendent imposer la loi religieuse la plus rigoureuse à l’ensemble de la société tunisienne, et les modernistes, qui tentent d’entretenir la possibilité d’une démocratie moderne et progressiste.

Car cette affaire est tout sauf anecdotique. M. Kazdaghli était une cible idéale : intellectuel de la gauche modérée, même s’il fut longtemps membre du Parti communiste tunisien, il incarne à la fois l’héritage du bourguibisme et une conception occidentale, ouverte et indépendante, des libertés académiques et de l’université.

La Manouba, ensuite. Lieu de résistance contre le régime de Ben Ali, elle est devenue, depuis plus d’un an, le symbole de l’opposition aux pressions croissantes exercées par les salafistes pour imposer leur loi. Depuis l’automne 2011, en effet, ils ont multiplié, sans succès, les incidents, provocations et occupations pour réclamer le port du niqab par les étudiantes, en classe et lors des examens, ainsi que la création, dans l’enceinte de l’université, d’un lieu de prière.

La condamnation de M. Kazdaghli serait, pour eux, une victoire hautement symbolique. Elle ne sanctionnerait pas seulement la liberté de penser et d’étudier en Tunisie. Elle démontrerait la faiblesse de la justice et de l’Etat de droit dans le pays et l’emprise croissante qu’y exercent les salafistes, sous l’oeil complaisant du parti islamique Ennahda, au pouvoir. [...]"

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