Tribune libre

21 janvier, décollation de Louis Capet. Spéciale tête de veau (J. Servia)

par Jacques Servia, président du Comité Laïcité République Dordogne, membre du Conseil d’administration du CLR. 21 janvier 2022

[Les tribunes libres sont sélectionnées à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Le 21 janvier 2022 Ère Vulgaire

le primidi 01 du mois de Pluviôse An CCXXIX dans le calendrier républicain, officiellement dénommé « jour de lauréole » (parfois nommé auréole) .

Alors évidemment je vois poindre des calembours sur ce qui est une une des caractéristiques du monde mammifère et notamment humain... Gardez-vous en ? Je crains fort que vous ne dérapassiez. La moindre allusion à ce à quoi nous pensons nous ferait passer, aux yeux de certaines, pour des malotrus sexistes...

Le daphné lauréole, laurier des bois, laurier épurge, laurier purgatif (Daphne laureola L.) est un arbrisseau à tige dressée, à feuilles oblongues, les terminales en rosettes, vernissées, persistantes, de la famille des thyméléacées. Il est parfois appelé auréole.

La plante contient des résines (proches de celles des euphorbiacées). Le contact avec les différentes parties peut provoquer des dermites. La consommation des fruits entraîne des brûlures de la bouche et du tube digestif et, si les quantités ingérées sont importantes, il y a un risque de convulsions. Le daphné lauréole est de fait considéré comme toxique... Finalement, c’est rassurant de se dire que les saintes et les saints ont des dermites à force de se mettre de la lauréole sur la tête... J’en serai épargné !

Mais revenons-en à nos moutons ou aux blancs moutons de Marie-Antoinette...

J’avais envie de vous parler des Bourbons et j’ai jeté sur le papier ces quelques lignes.

Je me suis laissé dire que des royalistes ont célébré la mémoire de Louis Capet. Laissé dire, car je n’ai pas d’amis royalistes !

Des amis républicains, des libres penseurs, des Francs-Maçons se réunissent depuis des siècles autour d’une tête de veau.

Les premières célébrations telles que la notre eurent lieu dans la Perfide Albion après le raccourcissement de Charles premier par Cromwell.

Et ce soir, nous rajoutons notre écot à cette histoire, et une tête nappée à la ravigote, ça « ravigore ».

Il m’a été récemment reproché de « manquer de respect » à une figure royale. Ce qui m’a rappelé ce concept de majesté, de royauté, dont je vais dire quelques mots.

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Ceci étant, si vous me permettez cette digression, la Cinquième République est un bel aboutissement de la majesté et du Coup d’état permanent (comme disait Mitterrand, qui s’est empressé de devenir monarque ! [1]).

Parce que le Roi, dans l’Antiquité, ce n’était pas "ça", enfin pas ça, pas Capet plutôt.

Les rois de France ont bénéficié d’une construction de leur image, de leur cour, à partir d’Henri IV, en fait…

Le Béarnais avait d’ailleurs dit « Paris vaut bien une messe ». Indiquant ainsi que la triple alliance avait de beaux jours devant elle : le sabre, le goupillon et la couronne…

En effet, le 25 juillet 1593, en la basilique de Saint-Denis, il décide de faire un "saut périlleux", un salto et une triple vrille.

Pour une couronne en 1594, il abjure alors solennellement le protestantisme, devant l’archevêque de Bourges, se convertissant une nouvelle fois au catholicisme.

Il en avait déjà fait de même en 1572 pour échapper au massacre de la Saint-Barthélémy, avant de revenir à la religion réformée. Comme quoi la problématique de la girouette politicienne n’est pas de naissance et d’essence récente, elle n’est pas une spécificité républicaine ! [2]

Parfait, non, l’adorateur de la poule au pot, et pas qu’au pot d’ailleurs !

A ce propos, il s’est tenu un colloque, en 2010, « Autour d’Henri IV. Figures du pouvoir, échanges artistiques », qui a bien situé l’évolution du cérémonial et de l’image du roi au XVIe siècle.

Après tout, Sully est bien déjà UN Premier ministre… Ensuite, ça n’a fait que se "sur-cristalliser".

Ah, Sully, et son délicieux « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France… ». Transgressons Sully, parodions-le.

  • « République et laïcité sont les deux charmes de Marianne ! »
  • « Robespierre et Danton sont les deux pâtres de la République »
  • Ou bien « Macron et Philippe sont les deux ostensoirs de la réaction »…

Et Danton disait en 1793 dans son discours sur l’instruction
« C’est dans les écoles nationales que l’enfant doit sucer le lait républicain.
La République est une et indivisible. L’instruction publique doit aussi se rapporter à ce centre d’unité. »

Alors, construction d’une majesté à partir de quoi ?

Sous les Mérovingiens et les Carolingiens, c’est un chef de guerre. Au Moyen-Âge, c’est le plus haut suzerain de vastes ensembles terriens et sa Cour est constituée de nobles, invités à demeurer dans sa proximité et sa toute puissance…
Il est Magistrat suprême, il est adulé, Sacré, oint…

Oint à l’huile d’arachide… à Bourges à Orléans, puis plus tard à l’arrivée du chemin de fer il sera oint aux Aubrais, Orléans n’en voulant plus.

En Provence il s’oint à l’huile d’olive, il se raconte (mais est-ce vraiment une légende ?) qu’en Périgord il eût été oint à l’huile de noix.

Et du coup, en prime, le monarque est thaumaturge…
Du temps de nos amis les bêtes, de nos amis les grecs, le thaumaturge faisait des tours d’adresse, mais le Vatican apostolique et romain aidant, la majesté thaumaturge au sang bleu accomplissait des miracles et des guérisons par le contact de ses mains.

Ah, ces chères écrouelles que guérissaient les Capet, les Bourbon et les Parme…

Autour de cette majesté, progressivement, il va y avoir des "Grands" qui veulent être reconnus comme tels. C’est la course aux surenchères, bientôt aux snobismes, aux étiquettes et protocoles…

Bien sûr, ils vont se faire représenter en Super Majesté par des peintres...

Images, images… Personne n’aurait eu l’idée de les rendre "responsables" de la marche de l’Histoire (au sens de Hegel).

Ils n’avaient pas ce pouvoir. Ils n’étaient que des rejetons dynastiques, des symboles surtout, et leurs décisions étaient pitoyablement limitées. Même les derniers arrivés, à l’aube du XIXe, ne furent que des seconds rôles vacillants, des fantoches, des oisifs du Jockey Club.

D’ailleurs, on ne leur demande rien, aux couronnés qui continuent de "régner" aujourd’hui dans certains pays. Ils sont des principes, des icônes des ménagères de plus de 50 ans. Et c’est tout ce qui leur est demandé.

Vendredi, l’anniversaire du décès du Tyran Capet, comme il fut appelé, nous a donc un peu rappelé que l’Europe fut avant tout une terre de rois, de la verticalité des lumières « un dieu un roi un sujet ».

Terre des monarques de droits divins en évolution d’un long processus débuté au néolithique avec l’invention de la pyramide sociale (si, si) !

Il reste ainsi d’ailleurs nombre de rois en Europe, et même des ducs, des princes, et un grouillement de post-aristocrates qui ne donnent pas l’exemple, ni de la chevalerie dévouée, ni d’un clergé honnête, parce qu’ils sont stupides comme des buses, assis sur des chicots pourris, et surtout conservateurs d’une morgue qui fut les dehors d’une fierté qui se prétendait honneur.

J’ai eu l’occasion, de temps à autres, de discuter avec des royalistes.

Avec ce 21 janvier, nous trempons dans les histoires de règnes, de trône et d’autel. Comme il y a tout le temps des relectures, voire des compassions, pourquoi ne pas glisser mon grano salis ?

Bon, pour la question de Louis Capet, il a été une des victimes de la Terreur, mais pas que.

Alors il nous faut cesser de larmoyer et se souvenir qu’il y a eu Restauration, les mêmes causes produisant les mêmes effets… Les projets politiques royaux n’ont jamais été pensés, réfléchis, parce que la monarchie était de droit divin, de père en fils… parce que le projet n’était qu’arc-bouter pour la jouissance de peu, au détriment de tous.

Bon, il y a plus horrible que la monarchie, disent certains, alors du coup on tolère un peu mieux les royalistes, mais quand même, ce n’est pas ni ne fut jamais "crédible". Leurs orateurs, leurs penseurs, furent des Maurras, des Daudet, des cagoulards, des Camelots du roi, et mêmes des cons ultra-dramatiques, des mecs comme-ci comme-ça, des réacs, quoi.

Pour faire court, parce que je ne suis pas là pour pondre un manifeste, je pense que la pensée et la philosophie politiques, les fameux prolégomènes, sont souvent faussés par des vénérations, des idolâtries, des uns ou des autres. Et comme nous faisons semblant de confondre critiques et propositions constructives, les castrations, les refoulements, les frustrations ne font qu’empirer. Faut-il épiloguer… ?

Non, pas d’épilogue. Quant aux peintres. ils ont bien peint des bonnes mines, des altesses, en pied, à cheval, en voiture, de face de profil, de ¾, en culottes bouffantes, fraises autour du cou, string en peau de sanglier retournée.

Ils furent dupes ou pas dupes, serviles ou non, achetés ou non… Parce que ce sont les peintres qui rendent le regard, l’orgueil, le mépris quand même. Nous en avons une collection, une brochette de toiles de Bourbons, de Parme, de Capet évoquant ces figures qui ont pillé racketté, « droit de cuissage » le cadre de vie de nos ancêtres.

Alors, au-delà des petits marquis, des nobliaux épuisés par la consanguinité, des tapisseries des riches heures du Duc de Berry, des tapisseries de Pénélope, permettez moi de citer quelques phrases de Danton.

Ces quelques mots, juste avant l’échafaud, remettent dans l’ordre des choses et la réalité de la Révolution …

« Il n’y aurait pas eu de Révolution. Sans moi.
Il n’y aurait pas eu de République. Sans moi.
Non, vous ne me traînerez pas vers la mort, je suis vivant !
A jamais !
Le monde nous regardera et se demandera quel genre d’hommes nous étions.
Ne laissons pas dire que nous n’étions pas meilleurs que ceux que nous avons chassés.
Nous sommes tous condamnés à mourir.
Je connais cette Cour, c’est moi qui l’ai créée, et j’en demande pardon aux hommes.

Et ceux qui plus tard nous jugeront, verront bien que moi, Danton, je n’ai pas voulu cela.
Si je parle aujourd’hui, c’est pour défendre ce que nous avons réalisé, c’est pour tout ce que nous avons atteint, et non pour sauver ma vie.
Nous avons brisé la tyrannie des privilèges, nous avons tué le ver dans le fruit, en abolissant ces pouvoirs auxquels n’avait droit aucun homme.
Nous avons mis fin au monopole de la naissance et de la fortune, et cela dans tous ces grands offices de l’État : dans nos églises, dans nos armées, dans ce vaste complexe d’artères et de veines qui fait vivre ce corps magnifique de la France.
Nous avons déclaré que l’homme le plus humble de ce pays est désormais l’égal des plus grands.
Et cette liberté acquise pour nous-mêmes, nous l’avons offerte aux esclaves, et nous confions au monde la mission de bâtir l’avenir sur l’espoir que nous avons fait naître.
Ceci, c’est plus qu’une victoire dans une bataille, plus que les épées et les canons et tous les escadrons de cavalerie de l’Europe, et cette inspiration, ce souffle pour tous les hommes, partout, en tout lieu, cet appétit, cette soif, jamais on ne pourra l’étouffer.
Nos vies n’auront pas été vécues en vain. »

Longue vie au rock n’ roll et à la musique de chambre !

Vive la Sociale
Ni dieu ni maître
A bas les calottes.

J’ai dit

Jacques Servia

[1« Les institutions n’étaient pas faites à mon intention. Mais elles sont bien faites pour moi », François Mitterrand, 2 juillet 1981 (note du CLR).

[2« Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent », Edgar Faure (note du CLR).


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