1er mai : le CLR avec les martyres d’Hassi Messaoud

par Marie-Danielle Gaffric 18 mai 2010

1er mai 2010, nous fêtons les travailleurs et les travailleuses. Avec qui défiler ? Le choix est vaste, Siné tient un stand et vend ce qui reste de son hebdo. Il signe la fin d’une aventure. Les syndicats hurlent dans leur mégaphone et les partis politiques de gauche évitent de se côtoyer.

Militantes au CLR, notre choix est vite fait. Nicole Raffin et moi, nous défilerons en compagnie d’Annie Sugier, présidente la LIDF et de Wassila Tamzani, avocate et auteure d’Une femme en colère. Comme nous, elles sont aux côtés des femmes venues réclamer justice pour les travailleuses d’Hassi Messaoud. J.-L. Mélenchon abandonnera quelques instants son « front de gauche » pour venir les assurer de sa sympathie.

Qui sont les « travailleuses d’Hassi Messaoud » ? Des Algériennes pauvres, jeunes filles, mais aussi des femmes chargées de famille, parfois des épouses répudiées avec leurs enfants, exilées là-bas, loin de chez elles, en plein Sahara dans l’eldorado d’Hassi Messaoud, l’enclave pétrolière où brûlent nuit et jour, les torchères de l’or noir.

Elles se sont regroupées dans un quartier misérable, dans de sordides logements et travaillent dur. Elles sont femmes de ménage, cuisinières, secrétaires éventuellement.

Du haut de son pouvoir religieux, l’imam Amar Taleb a appelé au jihad contre ces femmes « fornicatrices », ces femmes nues et sans hommes, nues parce que certaines ne sont pas voilées.

Nuitamment, 300 à 500 hommes sont venus, armés de barres de fer, de couteaux, de gourdins. Ils sont venus au nom de la grandeur d’Allah, courageusement à cinq contre une, se livrer à un « pogrom » dans le quartier d’Al Haïcha. Aux cris d’ « Allahou akbar » et d’ « Al–jihad », ils ont battu, violé, défloré, poignardé, enterré vivantes ces femmes du diable, femmes sans homme et certaines sans voile. Dieu est grand en effet qui justifie à leurs yeux ces horreurs !!

Fatiha et Rahmouna, deux victimes, ont raconté cette traque des « impures », cette « nuit du massacre » comme l’intitule Rahmouna dans un livre témoignage rédigé par Nadia Kaci Laissées pour mortes. Livre insoutenable dit Wassila Tamzani qui avoue n’avoir pu le lire.

Une partie de ces martyres de l’intégrisme religieux ont eu le courage de demander justice.

Le quotidien arabophone El Khabar les ayant présentées comme des prostituées, c’est grâce au quotidien El Watan et à la journaliste Salima Tlemçani qu’elles ont pu obtenir qu’un procès soit ouvert. Six accusés étaient présents. Terrorisées et menacées de mort, les femmes n’arrivaient pas à témoigner. Fatiha seule eut le courage de raconter l’horreur en détail. Les peines de huit ans, six ans et trois ans de prison pour trois des six accusés présents semblèrent légères à ces « laissées pour mortes ». Trois furent donc acquittés et les autres, les absents, jugés par contumace. L’imam ne fut pas inquiété. Arrêté quelques heures, il fut relâché sur injonction d’Alger.

Dans beaucoup de pays, ce qu’on appelle barbarie pour un homme s’appelle coutume pour une femme.

Cette injustice, ces souffrances voient se dresser des héros au féminin, elles se prénomment Talisma, Fatiha, Wassila, Ramouna, Rayhana et tant d’autres. Elles se battent à mots nus !

En Algérie, c’est les armes à la main que leurs mères se sont battues au côté du FLN. En récompense, les hommes qui ont pris le pouvoir leur avaient promis l’égalité… plus tard ! En 1984, on leur a donné le « Code de la famille », texte largement inspiré de la charia. Modifié en 2005, ce code fait d’elles d’éternelles mineures qui peuvent être jetées à la rue avec leurs enfants si bon semble à l’homme qu’elles ont épousé.

Mais voici que la peur est revenue dans le quartier des travailleuses d’Hassi Messaoud. Le 11 avril 2010 les agressions ont redoublé. Terrorisées, ces femmes doivent supplier les policiers pour que leurs plaintes soient enregistrées.

Ces femmes « nues » parce qu’insuffisamment voilées sont maltraitées, entre autre, à cause de ce « bout de chiffon » ainsi qualifié avec négligence, par un de nos responsables politiques. Ce « bout de chiffon », symbole de soumission à Allah et aux hommes, a coûté leur vie à certaines de ces travailleuses et d’incalculables souffrances physiques et psychiques aux autres.

Inutile de démontrer, il faut se taire et déplorer la complicité coupable de ces politiques dépourvus de sens critique, inaptes à la compassion et à l’altruisme.

Le 1er mai, les militantes du CLR devaient être là, derrière la banderole dénonçant l’injustice faite aux travailleuses d’Hassi Messaoud. Elles devaient être là pour réclamer pour ces victimes, la liberté, l’égalité, la fraternité, valeurs universelles auxquelles ont droit les hommes mais aussi toutes les femmes. Elles devaient être là afin que la laïcité, autre valeur universelle, ne permette plus que des prêcheurs fanatiques ne désignent des « coupables imaginaires » à la vindicte de fous de quelque dieu que ce soit.

Marie-Danielle Gaffric



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