Revue de presse

"Valéry Giscard d’Estaing est-il vraiment le « père » du regroupement familial ?" (lefigaro.fr , 4 déc. 20)

6 décembre 2020

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"[...] Le regroupement familial n’est pas né à l’initiative de Valéry Giscard d’Estaing : cette pratique, l’une des composantes de l’immigration familiale, a été mise en place à partir des années 1920. Elle a été encadrée après la Seconde Guerre mondiale, par une circulaire du 20 janvier 1947.

À peine élu à l’Élysée, « VGE » a d’abord voulu mettre un coup de frein à l’immigration. En juillet 1974, sur fond de crise économique, son premier ministre Jacques Chirac décide de suspendre provisoirement l’immigration de travail et l’ensemble de l’immigration familiale. Mais celle-ci est réautorisée en décembre.

« (Le gouvernement) a en fait été empêché de mettre fin à l’immigration familiale extra-européenne », explique Muriel Cohen, historienne spécialisée dans l’histoire de l’immigration française. Deux obstacles l’ont entravé : « l’existence de règlements européens qui garantissent le droit des immigrés à vivre en famille » et à « la mobilisation d’associations telles que le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) », détaille-t-elle dans la revue Plein Droit, éditée par cette association pro-immigration.

Pratique courante, le regroupement familial est reconnu officiellement par un décret du 29 avril 1976, signé non par Valéry Giscard d’Estaing... mais par Jacques Chirac et quatre de ses ministres. En une trentaine de lignes, le premier ministre reconnaît le droit d’un étranger régulier à faire venir son conjoint et ses enfants mineurs en France - les familles algériennes sont toutefois exclues du dispositif -, tout en y posant des conditions (un an de résidence, ressources « stables, suffisantes », logement « adapté », ordre public, santé). Objectif affiché : encadrer l’immigration familiale et faciliter l’intégration des étrangers.

Ce texte, rappelé à Valéry Giscard d’Estaing pendant toute sa vie politique, marque une « rupture » : non « en termes de pratiques », mais « en ce qu’il marque la reconnaissance du droit au regroupement familial », indique Muriel Cohen. Des recours auprès de la justice administrative peuvent désormais être formulés par les familles, en cas de refus.

Le gouvernement fait toutefois marche arrière en 1977. Via un deuxième décret, le nouveau premier ministre Raymond Barre entend restreindre le regroupement familial aux seuls membres de familles ne demandant pas l’accès au marché de l’emploi. Mais cette mesure est annulée l’année suivante par le Conseil d’État, saisi par le Gisti.

Dans son arrêt, la plus haute juridiction administrative française consacre le « droit de mener une vie familiale normale » comme un principe général du droit, résultant du préambule de la Constitution de 1946. Ce principe est « l’acte fondateur de la transformation de l’immigration de travail en immigration de colonisation, selon la formule du sociologue Abdelmalek Sayad », juge Jean-Louis Harouel, professeur émérite d’histoire du droit à l’université Paris Panthéon-Assas, pointant une « trahison du peuple français par le Conseil d’État » dans un entretien au Figaro publié en 2016.

Le « droit de mener une vie familiale normale » sera conforté par le Conseil constitutionnel en 1993, par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), et par le droit de l’Union européenne. Il deviendra une pierre d’achoppement des tentatives de limiter le regroupement familial.

D’où un mea culpa tardif de « VGE » sur « l’application » du regroupement familial. « L’idée en soi était juste et généreuse (...) Mais elle a été mal appliquée, et j’ai eu le tort de ne pas plus surveiller l’application ; j’en ai donc la responsabilité », admet-il dans sa biographie écrite par l’historien Éric Roussel (Éditions de l’Observatoire, 2018). « Nous visions le noyau familial tel que nous le connaissons et nous avons vu arriver des noyaux familiaux totalement différents. »

Il a toutefois fallu attendre le septennat de son successeur, François Mitterrand, pour que l’immigration familiale augmente. Sous Giscard d’Estaing, celle-ci n’a cessé de diminuer, passant de 51.800 entrées légales annuelles en 1975 à 42.020 en 1980 (hors familles originaires de la Communauté économique européenne), selon l’Office national d’immigration.

Ce flux a ensuite varié au gré des changements de la législation. Aujourd’hui, l’immigration familiale reste le principal mode d’entrée des étrangers en France. En 2019, sur 275.000 entrées légales, elle a concerné plus de 90.000 personnes, dont quelque 27.000 membres de famille d’étrangers."

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