Revue de presse

Une actrice noire choisie pour interpréter Cléopâtre dans une série documentaire sur Netflix (leparisien.fr , 16 av. 23)

18 avril 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Adele James a été choisie pour incarner la célèbre reine de l’Antiquité dans la série documentaire « Queen Cleopatra » sur Netflix. Il n’en fallait pas plus pour lancer une polémique sur l’apparence de Cléopâtre, qui, malgré les études archéologiques, demeure un mystère.

Par Marianne Chenou

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Lire "Cléopâtre interprétée par une actrice noire sur Netflix : le débat sur le physique de la reine d’Égypte relancé".

Mais à quoi ressemblait Cléopâtre ? Cette question, même les plus grands spécialistes de la reine égyptienne n’ont pas réellement la réponse. Pourtant, depuis que Netflix a dévoilé la bande-annonce d’une série documentaire à son sujet, toute l’attention s’est focalisée sur cette interrogation. La raison : la productrice de la série « Queen Cleopatra », Jada Pinkett Smith, a choisi Adele James, une actrice noire, pour l’incarner.

De quoi s’attirer les foudres de certains qui accusent Netflix de « cancel culture » ou de vouloir « réécrire l’histoire », en dépeignant Cléopâtre sous les traits d’une personne noire. Une pétition a même vu le jour pour demander l’annulation de la série. Elle réunissait dimanche plus de 14 000 signatures.

Mais les spécialistes ne sont pas tous d’accord sur l’apparence qu’avait l’Égyptienne aux origines grecques. Des doutes subsistent notamment sur son ascendance.

Ce qu’il reste d’il y a 2000 ans pour définir le physique de Cléopâtre est assez maigre. « Les textes ne disent pratiquement rien de son aspect physique, insistait notamment en mars 2021 Maurice Sartre, professeur émérite à l’université de Tours, spécialiste de l’Antiquité et du monde romain oriental, auprès du magazine Géo. Les pièces de monnaie sont un document archéologique sur lequel on peut se fonder, même si le portrait peut être totalement fictif. »

Reste à s’appuyer sur le peu de certitudes que les études ont permis d’établir. Cléopâtre est avant tout une reine grecque, fille de Ptolémée XII et donc issue de la dynastie lagide, dont le règne sur l’Égypte remonte à -323 et au général macédonien Ptolémée Ier. « À partir du deuxième roi, la dynastie a été tellement soucieuse de préserver la pureté ethnique qu’ils se sont mariés entre frères et sœurs. (…) Donc imaginer que Cléopâtre ait eu du sang égyptien, c’est une absurdité totale », défendait Maurice Sartre.

« Quand on sait qu’Alexandre le Grand était probablement blond, on ne peut pas exclure que Cléopâtre ait été une blonde aux yeux bleus, puisque les Macédoniens sont plutôt des gens au teint et aux yeux clairs. Ce n’était peut-être pas une blonde oxygénée, mais on peut l’imaginer avec des cheveux clairs, ou alors bruns avec des reflets roux », expliquait en octobre Anne Bielman Sánchez, professeure d’histoire ancienne à l’Université de Lausanne (Suisse).

Cependant un mystère demeure : celui de l’identité de la mère de Cléopâtre. « On ne sait pas si c’était la femme du roi ou une concubine égyptienne », précisait Anne Bielman Sánchez.

Des recherches révélées en 2009 ont apporté un nouvel éclairage, mais ne font pas l’unanimité. Selon l’Académie autrichienne des Sciences, citée par la BBC, l’analyse des restes d’Arsinoé IV, une sœur de Cléopâtre, dont le tombeau a été retrouvé en Turquie, permet d’affirmer que leur mère était « africaine ». Difficile donc d’écarter avec certitude une ou plusieurs hypothèses quant à l’apparence de la reine égyptienne.

Ainsi, aux mêmes qui s’insurgent de l’attribution du rôle à Adele James, on peut répondre qu’Elizabeth Taylor, Monica Bellucci ou encore Sarah Bernhardt n’avaient pas non plus le physique de l’emploi. « C’est comme s’il y avait deux reines : une Cléopâtre de l’histoire, et un univers de romans, de films et de BD qui s’inspire de Cléopâtre, mais qui n’a rien à voir avec l’histoire », résumait Maurice Sartre dans Géo.

De la Petite Sirène à Porthos, des dizaines de polémiques

Au-delà du cas particulier de la reine d’Egypte, ce n’est pas la première fois que l’interprétation par un acteur noir d’un personnage historique (réel ou fictif) déchaîne les foules. Il n’y a qu’à voir les tombereaux de critiques, voire insultes, qu’a essuyées Halle Bailey, interprète de la Petite sirène lors de la sortie de la bande-annonce du film en septembre. Une « appropriation culturelle à la sauce woke de Disney », taclait par exemple un internaute.

Quelques années plus tôt, la BBC avait également subi son lot de critiques outre-Manche. D’abord, avec Howard Charles, choisi pour interpréter le mousquetaire Porthos dans la série « Musketeers » en 2014. Puis, en faisant appel à des acteurs noirs pour jouer Achille, Patrocle et Zeus dans une série sur Troie en 2018. Et l’idée d’un James Bond incarné par un acteur noir pour succéder à Daniel Craig fait déjà ressurgir le spectre d’une nouvelle polémique. Lucien Lavinscount (« Emily in Paris ») est notamment pressenti, après qu’Idris Elba a décliné le rôle.

De l’autre côté, d’autres observateurs soulignent que peu de voix se sont élevées pour critiquer le fait que Marion Cotillard interprète Talia al Ghul, personnage originaire du Moyen-Orient, dans « The Dark Knight Rises » en 2012 ou le casting caucasien de « Gods of Egypt » en 2016, qui mettait en scène les figures mythologiques égyptiennes."



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