Revue de presse

Riss : "On ne refait pas le match" (Charlie Hebdo, 21 déc. 22)

Riss, directeur de "Charlie Hebdo". 21 décembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "On ne refait pas le match".

"[...] Tout le monde avait promis-juré de boycotter cette infâme Coupe du monde organisée par le Qatar, dont les stades avaient été bâtis avec le sang de milliers d’ouvriers décédés pendant leur construction. Mon cul  ! Au bout d’une semaine, tout le monde avait oublié ses belles promesses, tous enfoncés dans leur fauteuil pour suivre la compétition.
Comme l’avait dit un jeune supporter à propos de ces ouvriers disparus : « Au moins, si je regarde le Mondial, ils ne seront pas morts pour rien. » Que vaut la vie de ces pauvres bougres à côté d’un but de Messi ou de Mbappé  ? Même pas le prix du ballon. Cette Coupe du monde nous aura fait comprendre pourquoi l’esclavage a perduré pendant des siècles à travers les continents : pour que l’on puisse régaler nos palais de sucre, se vêtir d’étoffes en coton, se goinfrer de chocolat, des millions d’hommes sont morts à la tâche. Le Mondial du Qatar nous a mis dans la même position que les privilégiés du XVIIe siècle, qui saupoudraient leur thé de sucre récolté avec le sang de ceux qui l’avaient produit. Merci à cette belle Coupe du monde et à tous les footballeurs qui se sont dépensés sans compter pour elle de nous avoir fait connaître le plaisir d’être dans la peau d’un négrier.

Le foot a toujours tendance à péter plus haut que son cul. C’est-à-dire à se parer de vertus qu’il n’a pas, afin de faire oublier son archaïsme. On nous a ainsi expliqué que le match entre le Maroc et la France serait une revanche des anciens pays colonisés sur les anciens pays colonisateurs. Le football prenait soudain une dimension quasi révolutionnaire : sur le terrain, 11 joueurs allaient réparer les injustices du passé subies par tout un continent. L’équipe d’un pays anciennement colonisé allait faire plier celle de celui qui l’avait colonisé. Qu’en ont pensé les joueurs de l’équipe de France dont les familles de certains sont originaires d’ancien pays d’Afrique-Équatoriale française  ? Avaient-ils l’impres­sion qu’en défendant le maillot tricolore ils trahissaient leurs ­ancêtres et leurs racines  ? C’est tout juste si on ne nous a pas expliqué que France-Maroc allait opposer des rebelles du Rif marocains à des harkis et à des tirailleurs sénégalais à la botte de leur oppresseur. [...]

La dimension primaire du foot – un ballon disputé sur un pré par 22 joueurs – nous revient toujours en pleine figure, malgré les efforts des journalistes sportifs pour lui donner une profondeur qu’il n’a pas. C’est un jeu distrayant, et puis c’est tout. [...]

En dépensant 210 milliards d’euros pour le plaisir de quelques millions de personnes, à grand renfort de climatisation et de gaspillage d’énergie délirant, pendant que d’autres survivent dans des contrées où plus rien ne pousse, cette Coupe du monde a démontré, une fois de plus, que les belles valeurs du foot ont toujours été bidon."



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