Revue de presse

"Rapport sur l’intégration : « Pire qu’une erreur… »" (N. Domenach, marianne.net , 15 déc. 13)

17 décembre 2013

"« C’est pire qu’une erreur, c’est une faute. » Même les plus proches de Jean-Marc Ayrault se montraient, en privé, accablés par la publication sur le site de Matignon « d’un rapport irresponsable » sur l’intégration. Ne parlons pas de François Hollande, « exaspéré et par la forme et par le fond de cette affaire débile », ni des députés socialistes ulcérés de se faire « engueuler sur les marchés et dans leurs permanences » par les derniers sympathisants laïcs qui ne leur avaient pas tourné le dos. Une faute donc, et même plusieurs !

Premier bilan catastrophique. Tout le bénéfice pour le premier ministre de sa contre-offensive sur la fiscalité qu’il a entrepris de « remettre à plat », semblait balayé. Voilà ses adversaires requinqués qui recommencent à rêver de son rapide remplacement et ses proches qui se torturent les méninges pour trouver des moyens de sortir de ce mauvais pas ; un sacré piège où le chef du gouvernement s’est embourbé. Comment ? Pourquoi ? Par quelles inconséquences et imprévoyances ?

Il faudra d’abord que Jean-Marc Ayrault réponde à ces questions et fasse le clair comme le ménage dans son équipe. Car le Premier ministre n’est absolument pas sur certaines des positions anti-laiques caricaturales développées par ce rapport qu’on croirait rédigé par des provocateurs extrême-droitiers de l’acabit Eric Zemmour ou Yvan Rioufol.

Au temps où il présidait à l’Assemblée nationale le groupe socialiste, l’alors député-maire de Nantes en fut l’orateur pour le vote favorable à l’interdiction du voile à l’école. Pas une seconde il n’envisage de revenir sur cette mesure assumée aujourd’hui et par la droite et par la gauche. Il n’en reste pas moins qu’on ne comprend pas, aussi bien à l’Elysée que chez les parlementaires socialistes pourquoi il a laissé faire sans contrôle ni directive politique des réflexions-élucubrations touchant à des sujets chauds en général, brûlants à l’approche des élection municipales. Comment n’a-t-il pas vu, lui et son cabinet, que la gauche de la gauche sociologique et politique, ce courant qui se retrouve chez Martine Aubry et Harlem Désir, allait en profiter pour avancer ses pions et laisser croire que le gouvernement était favorable à l’abandon de la culture française traditionnelle et républicaine pour « un faire France » communautarisé ?

Trois interprétations revenaient en coulisse devant tant d’impéritie.

« Le cynisme », pour commencer. Et comment ne pas s’arrêter un temps sur cette thèse ? D’un François l’autre, Hollande tel Mitterrand autrefois voudrait faire monter le Front national en agitant le chiffon noir de l’immigration, ce qui provoquerait aux municipales des triangulaires favorables à la gauche. Cette visée machiavélique s’accompagnerait de la stratégie élaborée par Terra Nova : puisque les socialistes ont perdu le peuple, changeons-le ! Et remplaçons-le par les immigrés qui ont choisi massivement le candidat de gauche à la présidentielle. Cette tentation existe sans aucun doute à gauche et… à droite : les sarkozystes eux-aussi tablent sur une montée de Marine Le Pen pour accréditer le retour de Sarkozy. Mais ce dernier n’est pas au pouvoir, et ce sont les hollandais qui ont les moyens de jouer avec les allumettes. Et de se brûler !
La plupart des ministres et responsables du PS jurent qu’ils ne jouent pas (consciemment) « à ce jeu de con ».

Ce qui renvoie aux autres interprétations plus prosaïques : « l’amateurisme et le parisianisme ». Ces explications-là étaient le plus souvent invoquées hier, ce qui n’en laisse pas moins pantois. Car on a du mal à concevoir un tel manque de professionnalisme de l’équipe Matignon après plus d’un an et demi d’exercice du pouvoir où les nombreux faux-pas auraient du apprendre à marcher et à anticiper les obstacles. Les technocrates bobos parsianistes auraient-ils pris le pouvoir au pouvoir ? Qui a choisi les sociologues et chercheurs de ces groupes de travail sans les travailler politiquement ? Qui a livré ces travaux sur le net avec l’imprimatur « Matignon », sans précaution ni pare feu ? Qui a contribué à rendre impossible le débat en étant incapable d’en mesurer les termes ni la portée ? Et c’est bien là le pire dans cette carabistouille : un sujet grave, l’intégration, l’est devenu plus encore tant désormais les arrières pensées semblent l’emporter sur les pensées. On ne paraît plus chercher à régler un problème réel mais à l’utiliser contre son adversaire. Or il faudra bien à un moment ou à un autre l’affronter.

Il semble n’y avoir désormais plus que deux solutions pour que l’opinion imagine que les pouvoirs publics veuillent prendre à bras le corps la question de l’immigration.
La solution extrémiste, illusoire, dangereuse et si peu française : « stop à l’invasion ». Il s’agit du pire des trompes l’œil, mais ne nous y trompons pas, l’impuissance des politiques donne du crédit à ce qui n’en a pas. Le renoncement, la résignation des gouvernants même masquée sous des opérations de com laisse chaque jour plus d’espace aux démagogues.
Ce qui nous conduit à la seul solution pour se sortir de ce marécage de soupçons et de procès d’intention : l’élaboration en commun d’une politique de l’immigration et de l’intégration. Quel contrôle voulons nous ? Qu’est ce qui fonctionne et qu’est ce qui grippe. Qu’est ce que la France peut et doit apporter aux immigrés, et inversement ? En quoi l’apport étranger rend notre identité plus forte et conquérante ? Quels échanges voulons nous avec les pays d’émigration ? Et où donc les Français émigrent-ils ? Etc…[...]"

Lire "Rapport sur l’intégration : « Pire qu’une erreur… »".



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