Tribune libre

J.-P. Sakoun : « Qousque tamdem abutere Khosrokhavar, patientia nostra ? » (15 sep. 16)

Réponse à Farhad Khosrokhavar, par Jean-Pierre Sakoun, président exécutif du Comité Laïcité République. 15 septembre 2016

Jusqu’à quand, Khosrokhavar, abuseras-tu de notre patience ? Librement adapté de Cicéron

Réponse à la tribune publiée le 8 septembre 2016 par Farhad Khosrokhavar sous le titre « Le fondamentalisme laïc fragilise la France des droits de l’homme et de la femme ».

J’avais cinq ans. Nous habitions, mes parents et moi en Algérie. Mes parents étaient de ces citoyens républicains, partisans de la « Troisième voie » tracée par Albert Camus, entre amour de la France et solidarité maghrébine et humaniste.

Un jour de l’été 60, un de leurs amis m’apporta en cadeau une panoplie de parachutiste de la Légion. Mes parents m’interdirent formellement de porter cette tenue respect pour leurs amis et collègues arabes, médecins ou professeurs, pour qui cette panoplie aurait représenté une insulte profonde, en ces temps de ratonnades et d’OAS… Ce fut ma première prise de conscience réelle des bienfaits de la loi et de l’obligation de respect des autres…

Depuis 2015, deux cent cinquante êtres humains sont morts en France, pour la France, du fait de la guerre que l’obscurantisme islamiste a déclarée à notre pays, cette France, trop libre, trop laïque, trop égalitaire, faisant une place trop grande aux femmes...

Et c’est le moment que choisissent des militantes islamistes, sur cette Côte-d’Azur meurtrie et traumatisée, pour exhiber leur burqa de plage, en toute innocence bien sûr, comme moi j’aurais porté cette jolie panoplie... C’est vrai, la loi française, libérale, ouverte, généreuse, leur en donne le droit. Comme moi, enfant, j’avais le droit d’endosser mon petit treillis léopard…

Derrière la lettre de la loi qu’exhibent tous les pervers – je pèse mes mots – qui profitent de la République et de la démocratie pour promouvoir, contre l’immense majorité de la population française, des règles sociales rétrogrades, barbares, inégalitaires, il y a l’esprit.

Oh c’est un mot très surfait pour certains, comme M. Khosrokhavar et ses amis. Eux, à la manière de petits bureaucrates papelards, s’accrochent au texte, quitte à le pervertir un peu, à l’interpréter quand même, pour justifier l’injustifiable, nous convaincre, jour après jour, que la burqa à la plage ou en ville n’est qu’un choix vestimentaire, que les assassins qui tuent le peuple français sont assassins à cause du peuple français, que l’islamisme n’a rien à voir avec l’islam, que c’est la faute de tout le monde SAUF précisément des assassins et de l’idéologie qu’ils brandissent…

Dans quel monde vivons-nous pour qu’on nous explique aujourd’hui que les coupables ne sont pas les assassins islamistes fanatisés mais…. les laïques et les républicains !

Ces mêmes gens viennent donner des leçons aux femmes qui se battent en France contre l’emprise des barbares, les Sérénade Chafik, Nadia Remadna et tant d’autres, à Kamel Daoud, Ghaleb Bencheikh et à tous ceux qui se tiennent aux côtés de celles qui luttent chaque jour au péril de leur vie dans les pays où l’islamisme est au pouvoir.

Jusqu’à quand faudra-t-il supporter que les faux amis de la République et de la laïcité se parent des vertus de celles-ci pour mieux les étouffer ? Quousque tandem abutere, Khosrokhavar, patientia nostra ?

Car non contents de justifier l’injustifiable au nom de ce droit à la différence qui, comme le prédisait Régis Debray, aboutit aujourd’hui à la différence des droits, ils veulent en plus nous faire porter le chapeau !

De la laïcité, ils font le laïcisme, de la République, ils font le républicanisme parce que nous portons au-dessus de tout l’idéal des Lumières, la liberté absolue de conscience, l’égalité de tous devant la loi, l’égalité de tous les citoyens entre eux, hommes et femmes, blancs et noirs, Français d’origine chinoise, juive, arabe, qu’ils soient croyants ou athées.

Comble du ridicule, M. Khosrokhavar prétend que la voix des « intellectuels laïques modérés » est étouffée dans notre pays alors qu’on n’entend, on ne voit, on ne lit dans nos journaux, sur nos écrans, dans nos radios, du matin au soir, que les vaticinations de M. Khosrokhavar et de ses amis.

Il est vrai toutefois qu’ils ne sont pas entendus, encore moins écoutés. Ils ne sont pas interdits de parole, d’antenne ou d’exercice de leur magistère ; tout simplement inaudibles, à être à ce point en dehors des réalités. L’immense majorité des Français savent que leur pensée marche sur la tête.

Il est temps que tous ceux qui veulent garantir l’heureuse harmonie d’une société solidaire et libre, disent leur manière de penser à ces quelques intellectuels hargneux, qui de leurs sinécures insultent chaque jour, à tribune ouverte, notre République.

Non, nous ne sommes pas des laïcistes, nous ne sommes pas des républicanistes, nous sommes les enfants de Marianne, une femme au sein nu et généreux, entraînant derrière elle un peuple de raison, de sentiment mais certainement pas de souche, quelle que soit la souche.

Nous ne sommes pas des « féministes éradicatrices, la droite populiste, l’extrême droite pure et dure française et européenne [ou] des intellectuels laïcistes », nous sommes des citoyens représentés par un Premier ministre incarnant sur ce point l’honneur de la gauche et qui maintient, bien seul, par ses positions claires, le cap de notre intégration républicaine, expression tellement plus riche et noble que ce « vivre-ensemble » dont vous nous rebattez les oreilles tout en soutenant des menées séparatistes…

Allons-nous encore nous laisser jour après jour retirer notre dignité et notre liberté de citoyens, par le PIR, petite phalange aux relents racialistes, par les féministes dévoyées qui préfèrent le voile militant à la lutte de celles qui meurent pour l’arracher, par ces sociologues de l’EHESS qui saturent les médias, par ceux qui, comme le disait récemment Jean-François Colosimo, ont « tourné l’Observatoire de la laïcité en une officine d’agréable fréquentation pour salafistes », par le CCIF, bras armé des frères musulmans dans notre pays ?

La récréation est finie, Mesdames et Messieurs les « collabos », comme l’a si bien écrit Jacques Julliard récemment, vous qui préférez être dans le camp du bien qui tue les juifs, les pédés, les journalistes, les flics, les citoyens, qui veut l’asservissement des femmes, qui veut que la loi de dieu soit au-dessus de celle des êtres humains, plutôt que de risquer que l’on dise de vous que vous êtes islamophobe ou raciste…

Rassurez-vous, chers capitulards, il n’y a que dans votre tête mal faite que le fait de s’opposer en républicains laïques aux menées barbares des obscurantistes s’apparente à du racisme. Nous, les laïques et républicains, l’immense majorité des Français, nous ne faisons aucun amalgame, contrairement à ce que vous tentez sans cesse de faire croire pour mieux asseoir votre terrorisme intellectuel. Nous ne confondons pas nos concitoyens d’origine arabe ou de confession musulmane avec les fauteurs de haine dont vous êtes les petits télégraphistes.

Les vrais Républicains se moquent de savoir de quelles identités sont faits leurs concitoyens. Nous sommes indifférents à l’essence. Ce qui nous importe c’est la seule communauté qui vaille, la communauté de destin des citoyens égaux et fraternels.

Nous voulons une France républicaine et laïque, où ce ne sont pas les barbares obscurantistes et leurs séides, dont vous êtes, M. Khosrokhavar, qui font la loi, mais les hommes et les femmes libres.

Jean-Pierre Sakoun
président exécutif du Comité Laïcité République



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