Remise des Prix le 26 octobre 2015

Prix de la Laïcité 2015. Discours d’Anne Hidalgo

Maire de Paris 28 octobre 2015

Chers amis,

Je suis très heureuse d’être parmi vous ce soir pour célébrer ensemble la laïcité, cette valeur républicaine qui nous tient tellement à cœur.

Les 7, 8 et 9 janvier dernier, la barbarie frappait en plein cœur de Paris. 17 personnes ont été assassinées pour ce qu’elles étaient : journalistes, policiers, juifs. C’est la République qui a été attaquée ces jours-là. Ce sont nos valeurs de tolérance, de liberté et de laïcité qui étaient visées par ces meurtres abominables.

Je veux redire devant vous le soutien inconditionnel de notre Ville au combat mené par Charlie pour tenir tête au fanatisme et faire vivre nos valeurs.

C’est dans ce contexte douloureux que se tient aujourd’hui cette remise de prix. Je veux avant tout remercier chaleureusement le Comité Laïcité République pour l’organisation de cet évènement annuel et pour leur détermination quotidienne à défendre cette valeur essentielle qu’est la laïcité. Je salue également les personnalités connues et reconnues pour leur engagement ici présentes.

Alors que nous fêtons cette année le 110e anniversaire de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’Etat, la laïcité subit aujourd’hui attaques et critiques.

Nous devons porter avec force la laïcité en tant qu’elle est une condition même de la liberté. Elle est une condition du combat pour l’égalité, notamment entre les femmes et les hommes. Comme beaucoup de femmes, je suis devenue une militante laïque grâce au féminisme, avant même mon engagement syndical ou politique.

La laïcité est aussi fondée, comme disait Condorcet, sur « nos sentiments naturels et sur la raison » qui « appartiennent également à tous les hommes. »

En tant que telle, elle est à la fois un principe d’égalité – entre les individus, entre les religions – et un principe de liberté, celle de croire ou de ne pas croire, et de croire à la religion de son choix.

La laïcité, c’est le respect de l’autre et le respect de la loi commune, celle des hommes.

La laïcité doit d’abord nous permettre de lutter contre toutes les formes de fondamentalisme et d’intégrisme qui s’attaquent à nos valeurs et alimentent dans notre pays les dérives fanatiques, ces dérives qui nient l’humanité.

C’est en cela que la laïcité est universelle et non relative. La dignité humaine, l’égalité ne sont pas des valeurs relatives : elles sont constitutives de l’humanité.

Nous sommes aujourd’hui capables de mettre un nom sur les forces qui espèrent nous détruire.

Ce sont Daech, l’état islamique, ou Boko-Haram et tous les avatars d’organisations terroristes qui se sont jurés d’étrangler notre liberté. Ce sont les frères Kouachi, Coulibaly, et leurs semblables à la fois si loin et si proches de nous et qui se sont mis à haïr mortellement la société dans laquelle ils avaient grandi.

Ce fanatisme est une des conséquences du repli communautariste qui fragilise aujourd’hui notre vivre-ensemble républicain. C’est pourquoi nous devons réaffirmer la laïcité. La transmission des valeurs de la République à l’école et dans d’autres sphères, la lutte contre l’antisémitisme et le racisme sont plus que jamais des enjeux essentiels, concrets et quotidiens.

A l’heure de la résurgence des obscurantismes, la laïcité doit redonner toute sa force à l’esprit critique et à la République qui éclaire et émancipe, au risque de la provocation et de la liberté d’expression.

Mais nous le savons, le communautarisme se nourrit du racisme : ce sont les deux faces d’un même problème. C’est pourquoi, nous devons combattre, en France comme ailleurs ceux qui véhiculent le racisme, l’antisémitisme, la haine de l’autre car différent. L’extrême droite est cet extrémisme politique qui comme les extrémismes religieux, n’aime pas nous voir vivre ensemble.

Le FN veut donner des leçons de République mais c’est un Parti qui reste profondément antirépublicain, dans ses idées comme dans ses méthodes, comme l’a très bien dit Daniel Keller hier [1]. Le FN veut donner des leçons de laïcité et d’intégration républicaine mais ce n’est que pour diaboliser les musulmans, établir une hiérarchie entre français, les monter les uns contre les autres et jouer de l’antisémitisme.

En plaçant au cœur de son projet l’exclusion économique, sociale et démocratique des étrangers, en réduisant la citoyenneté au droit du sang contre le droit du sol, le FN cherche à nous diviser pour mieux prospérer sur ses idées de haine. Il est l’ennemi du vivre-ensemble.

Nous devons donc défendre la laïcité contre cette pensée du FN qui ne vise qu’à exclure, à stigmatiser, à diviser, à hiérarchiser, à nous couper des valeurs universelles qui sont nées à Paris.

A Paris, pour Paris, la laïcité est cœur de la ville inclusive, combattive et respectueuse que nous construisons pas à pas.

Promouvoir la laïcité doit donc s’inscrire dans un combat plus large pour l’intégration de tous à la République, que ce soit par l’accès aux droits sociaux et économiques concrets, par la lutte contre le chômage, par la modernisation des services publics ou encore par l’aménagement du territoire et la politique de la ville afin d’endiguer les phénomènes de ghettoïsation et de favoriser toutes les mixités.

Nous le savons, il ne suffit pas de réaffirmer les valeurs républicaines, il nous faut aussi lutter contre la relégation territoriale, économique, sociale et culturelle qui favorise la perte de repères et le repli identitaire, religieux ou communautariste et qui au commencement s’attaque toujours à la liberté des femmes.

Dans ce cadre, la laïcité doit permettre le dialogue entre nos différences, « la rencontre des cultures et des convictions opposées ».

C’est elle aussi qui permet que Paris soit cette grande ville, cette ville-monde où on se construit et où on progresse par le contact, le commerce avec l’autre. Les Parisiens ont toujours su se projeter vers ce qui est étranger, se prolonger dans et par lui. Aucune menace ne doit nous faire oublier que la porte de l’avenir s’ouvre vers l’extérieur.

C’est finalement cela qu’il faut sécuriser : non pas seulement nos vies mais notre vie commune, non pas seulement nos libertés mais l’espace de paix et de justice que dessine leur dialogue.

C’est cette laïcité que les dessinateurs de Charlie à leur manière aimaient et célébraient.

Leur combat est le nôtre. Nous devons le poursuivre.

Comme la République de 1792 est « une et indivisible », la laïcité de 1905 est non négociable. Nous ne devons pas nous demander s‘il faut appliquer la laïcité ou pas. Nous devons dans chaque situation concrète, déterminer quelle forme peut et doit prendre son application la plus pertinente.

Toutes celles et ceux qui mènent ce combat sont des héros – des héros du quotidien que nous devons reconnaître et honorer.

C’est le sens de l’hommage rendu aujourd’hui aux victimes du 7 janvier et à ceux qui continuent aujourd’hui de faire vivre Charlie Hebdo.

C’est le sens également du Prix de la laïcité attribué aujourd’hui à deux lauréats.

Sans rien dévoiler, je salue en particulier l’attribution d’un prix international, en soutien à tous ceux qui, militants, artistes, intellectuels, se battent partout dans le monde pour promouvoir la laïcité, dans des contextes difficiles et parfois au péril de leur vie.

Nous devons garder en mémoire que la laïcité, parfois décrite comme une valeur purement française et étriquée, est un combat brulant aux quatre coins de la planète.

C’est le sens enfin du grand cycle que Paris consacre pour les années 2015-2016 aux valeurs de liberté et de laïcité.

Le 9 décembre aura lieu la journée nationale de la laïcité. Ce sera l’occasion de dévoiler un nouvel aménagement Place de la laïcité, qui a aujourd’hui une valeur d’exemple pour toutes les autres rues de la capitale.

En matière de laïcité, Paris doit être exemplaire au sein même de son administration.

Nous sommes ainsi très attentifs à faire respecter la laïcité et à l’adapter aux situations concrètes, par la publication prochaine d’un guide de la laïcité, des stages de formations et des sessions de sensibilisation, la mise en œuvre de sanctions proportionnées enfin.

La République que nous avons en partage, c’est la Révolution française et la Commune de Paris, c’est le Front populaire et les belles avancées de la République sociale. C’est le programme du CNR fait par des femmes et des hommes qui ont survécu à la guerre, à la haine, à la Shoah.

Mais la République, c’est surtout la France qui s’est enrichie au fil du temps des apports d’hommes et de femmes de toutes les origines.

Ce sont ces hommes et ces femmes, qui athées ou croyants, et quelque soient leurs croyances, sont capables de vivre et de rêver ensemble, sans effacer leurs différences mais en les conjuguant dans le projet républicain.

Au cœur de notre identité républicaine comme elle est au cœur de notre Ville, la laïcité doit rester une langue vivante, et non une langue morte, pour que continuent de s’ouvrir à nous de nouveaux possibles.

Je vous remercie.


Comité Laïcité République
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