Prix de la Laïcité 2005 : accueil d’Eric Ferrand

Adjoint au Maire de Paris chargé de la vie scolaire 2005

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Chers amis,

Je suis heureux, au nom du Maire de Paris, de vous accueillir ici, à l’Hôtel de Ville, pour que vive la laïcité. Le Comité Laïcité République mène un combat juste et nécessaire. Un combat porté par des femmes et des hommes qui font honneur à notre vie publique.

C’est donc avec grand plaisir que je vous souhaite la bienvenue, à vous Monsieur le Président du Comité Laïcité République, à vous Mesdames et Messieurs les Présidents, aux lauréats de grande qualité qui auront la joie, je le pense, de recevoir leur prix tout à l’heure des mains de ma collègue et amie Anne Hidalgo, première adjointe au Maire de Paris ; ainsi qu’à vous tous, intervenants et participants réunis aujourd’hui.

Vous savez combien notre municipalité est attachée à ce que vive la démocratie dans toutes ses dimensions. La laïcité est un des principes fondateurs de notre démocratie. Plus que toute autre valeur peut-être. Elle a donc toute sa place dans cette maison chargée d’histoire, d’histoire révolutionnaire aussi.

La laïcité a besoin de se faire entendre, elle a besoin de promoteurs enthousiastes et résolus, la laïcité a besoin aussi de pédagogues qui sachent transmettre aux plus jeunes générations, qui sachent dire haut et fort que l’idée laïque est une idée moderne. Une idée d’avenir, universelle, porteuse de liberté.

Vous avez choisi, avec beaucoup d’à propos, d’inscrire vos débats dans cette perspective. « La loi de 1905 et l’Europe », je ne doute pas un instant que vos débats démontreront et témoigneront de l’actualité et de la pertinence du concept de laïcité, pour aujourd’hui comme pour demain.

Entre la laïcité et la république le lien nécessaire est celui qui permet de construire et de former des citoyens, des êtres qui ont échappé à leurs déterminismes culturels, sociaux, qui ont échappé à leurs « communautés ».

« Contre le fameux droit à la différence, il y a le droit à être différent de sa différence, à n’être pas réduit à elle » . La formule de Catherine Kintzler vise juste. Elle touche un point sensible. Car la dérive communautaire n’est pas un fantasme laïcard. C’est une réalité dont nous mesurons les effets chaque jour, en France et en Europe. Quand des communautés vivent côte à côte, sans le plus souvent se connaître, elles ne vivent plus ensemble. Et c’est la démocratie qui est en danger.

La laïcité n’est pas seulement une idée, un concept abstrait, réservé à la réflexion. La laïcité c’est d’abord une pratique, c’est une pratique de la liberté dans l’espace public, une pratique qui garantit la liberté individuelle de chacun et permet de faire vivre les libertés collectives.

Pour beaucoup trop de nos concitoyens d’ailleurs la laïcité demeure un concept flou, un grand travail de pédagogie est aujourd’hui indispensable.

Il est vrai qu’on lui attribue parfois les qualificatifs les plus variés, ce qui ne contribue pas à éclairer le débat. Il y aurait la laïcité ouverte et la laïcité fermé, la laïcité bornée et la laïcité intelligente, la laïcité arrogante et la laïcité tolérante.

Je n’oublie pas Mirabeau. Une autorité qui tolère aujourd’hui, pourrait selon son bon vouloir, cesser de tolérer demain. 22 août 1789 : « Je ne viens pas prêcher la tolérance. La liberté la plus illimitée de religion est à mes yeux un droit si sacré, que le mot tolérance qui essaye de l’exprimer me paraît en quelque sorte tyrannique lui-même, puisque l’existence de l’autorité qui a le pouvoir de tolérer l’atteinte à la liberté de penser est tyrannique par cela même qu’elle tolère et qu’ainsi elle pourrait ne pas tolérer. »

Je ne veux pas abuser de votre temps, mais je voudrais cependant vous apporter mon témoignage d’élu responsable de la vie scolaire dans notre capitale.

L’école est évidemment au cœur du sujet qui vous réunit aujourd’hui puisqu’elle est un espace décisif pour la mise en œuvre de la laïcité. L’histoire de la laïcité et de l’école publique sont intimement liées. C’est la raison pour laquelle, quand la laïcité recule, ne s’impose plus, c’est l’école qui est fragilisée. Et vice versa !

Quand l’école est à l’épreuve des intégrismes religieux, qui tentent de substituer leurs dogmes à l’organisation sociale démocratiquement choisie par les citoyens, il y a là pour nous un combat essentiel à mener, que nous avons mené ensemble, que nous continuerons de mener ensemble.

Aujourd’hui la loi a tranché et il faut s’en féliciter. Car notre école a besoin de plus d’ égalité, elle a besoin de plus de mixité, elle n’a pas besoin de plus de ségrégation.

L’école n’est pas un service public comme un autre, l’école est une institution constitutive de la république et de notre vouloir vivre ensemble. Et avoir confiance dans l’école, pour nos concitoyens est devenu ces dernières années plus compliqué.

Quand on supprime des postes d’enseignants et des heures d’enseignements par milliers, ou lorsqu’on remet en cause la scolarisation des plus jeunes enfants on favorise le développement d’une école à plusieurs vitesses, on crée les conditions de la fractures scolaire, celle qui rendra d’autant plus difficile, voire impossible l’expression et la mise en œuvre des règles de la laïcité dans l’espace scolaire.

Si l’on veut redonner confiance dans l’école, et je crois que cela est devenu indispensable, il faut lui en redonner les moyens, financiers bien sûr, mais également politiques, par une reconnaissance plus forte et plus ferme des valeurs qui la fondent. Et qui sont les valeurs de notre démocratie, qui sont les valeurs de la laïcité !

J’ai pu constater, au cours des 4 dernières années passées à bâtir le projet éducatif parisien combien ces dernières étaient parfois bien loin des préoccupations de mes interlocuteurs. Par exemple il nous revient je crois, dans notre pratique de la laïcité, de mieux garantir l’école face aux assauts répétés des marchands du temple. L’espace scolaire doit rester un espace neutre, protégé des dogmes, quels qu’il soient.

Le message doit être bien compris et audible par tous, y compris par le monde scolaire. Je dis monde scolaire à dessein. Car depuis quelques années, il est commun de parler de communauté scolaire.

C’est le signe d’une dérive sémantique préoccupante. Une dérive qui laisse entendre que cette communauté pourrait être animée par des objectifs qui lui sont propres, qui ne seraient pas toujours au service de la seule communauté qui ait une légitimité démocratique : La communauté nationale.

Affaiblissant ainsi la vocation première et essentielle de l’école : transmettre les savoirs, former des citoyens libres, indépendants parce que capables de faire leurs propres choix, d’exprimer leur propre opinion, capables de penser par eux même.

« Laïcité de l’enseignement, progrès social, ce sont deux formules indivisibles, nous n’oublierons ni l’une ni l’autre » disait Jaurès qui rajoutait « et en républicains socialistes, nous lutterons pour toutes les deux. » Il faut lutter pour la laïcité. Parce que c’est un combat pour la liberté et pour la justice sociale.

Le projet humaniste qui nous réunit mérite d’être défendu. Il mérite d’être poursuivi. Je sais que nous pouvons compter sur le Comité Laïcité République pour prendre sa part, pleine et entière, dans cette noble et indispensable entreprise.

Je vous remercie.


Comité Laïcité République
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