“Pour un sursaut laïque” (G.-M. Benamou, Nice Matin, 10 oct. 10)

31 octobre 2010

La loi sur l’interdiction de la burqa vient d’être validée par le Conseil constitutionnel. Après des années de polémiques, de surplace, d’hésitation, la nouvelle ne fait pas les gros titres des journaux ; le fait ne mobilise pas outre mesure la gauche, ni la droite ; à l’exception notable de Jean-François Copé pour l’UMP, et de Manuel Valls pour le PS, qui - eux - eurent le courage de défendre cette loi laïque.

Pendant que tous les autres étaient aux abris, avaient ouvert le parapluie, et se réfugiaient derrière ce méchant Conseil constitutionnel, ou cette sévère Europe, qui ne manquerait pas de nous sanctionner. En vérité, tous ceux-là avaient peur. Oui, la trouille. Peur de décider, de voter, de légiférer. Peur de la réaction du Conseil constitutionnel et de l’Europe, c’est vrai. En fait, ils avaient peur de défendre notre civilisation, nos libertés, celles de la femme, et tout un modèle culturel démocratique et occidental. Et peur aussi de « stigmatiser » tel ou tel - ah, « stigmatiser », voilà le grand mot de l’époque !

Peur de leur ombre, peur de ce que nous sommes, peur tout simplement d’affirmer, une nouvelle fois, la laïcité en France.

C’est un paradoxe en effet que le pays de la Révolution de 1789, de la visionnaire séparation entre l’Église et l’État en 1905, que la patrie de la laïcité ait tant de mal à assumer cette conquête toujours ô combien moderne.

La laïcité, invention française. Tous les autres modèles occidentaux d’intégration conduisent à l’échec ou à l’impasse. Le modèle multiculturel anglo-saxon a volé en éclats après le 11 septembre ; les Anglais en sont revenus. Le modèle allemand, essentiellement ethnique, est lui une impasse qui ne permet pas d’intégrer les populations allogènes, les Turcs essentiellement. La France elle tient le moins mauvais modèle d’intégration. Il a su depuis des siècles, intégrer, assimiler des peuples et des communautés venus de tous horizons.

Or, curieusement, au moment où il est le plus utile, la plupart des politiques français semblent en avoir peur. Ils sont gênés. Ils sont fuyants. Ils n’osent pas la laïcité. La « gauche Aubry », pionnière il y a un siècle, délaisse la laïcité depuis bien longtemps. La droite, selon Nicolas Sarkozy, est obligée d’y accoler des adjectifs comme « positive », comme pour l’enrober, ou en amoindrir la portée.
C’est curieux, à l’heure où la laïcité est menacée, tous les jours érodée, de plus en plus souvent contestée par les voiles, les niqabs, les piscines pour femmes, mais aussi - car il n’y a pas que l’islam - le créationnisme des évangélistes qui prétend interdire les cours de science, et plus généralement tous les intégrismes religieux qui se faufilent dans l’époque, voilà qu’ils ont honte de ce pilier du temple républicain !

Non, Messieurs les Représentants du peuple, il ne faut pas avoir peur, ou honte, de cette invention de l’universalisme français.

Ce vote contre la burqa est un événement considérable pour les valeurs de la République. Il doit être le début d’une réaffirmation.

MARDI

A la une de Libération, un dossier sur le scandale des papiers d’identité, pour les Français nés à l’étranger, dans les colonies ou les anciens départements français. Malgré les promesses d’Hortefeux, malgré trois circulaires et un décret, ce scandale au cœur de la République continue.

Tous les jours, ces Français nés, le plus souvent en Algérie alors française, doivent prouver leurs origines, là où la guerre est passée, où les archives ont brûlé, et les parents disparus.

Cela provoque des drames intimes, violents et quotidiens - ces ronds de cuir s’en rendent-ils compte ? Serons-nous tous bientôt, et moi qui suis né dans cette Atlantide que sont devenus les départements français d’Algérie, serons-nous tous bientôt des « roms roumains » ?

JEUDI

La fausse sortie de Kouchner.

Tout le monde ne parle que de cela. La lettre de démission du flamboyant Bernard Kouchner, publiée dans Le Nouvel Observateur. D’ailleurs, existe-t-elle vraiment cette missive contestée ce soir par l’Élysée ?

Elle est trop belle pour être vraie, cette lettre de démission. Je crois en la version de l’Élysée, qui prétend qu’elle n’a jamais été envoyée.

Non, Kouchner, ce n’est pas son genre, cette lettre : pas assez courageux, pas assez ferme, pas assez envie de quitter de lui-même les ors de la République.
Lui et madame bien sûr, nommée, comme on ne le fait plus en Afrique, patronne de l’Audiovisuel extérieur.

Cette lettre est un leurre. Elle est uniquement destinée à se préserver une glorieuse sortie du Quai d’Orsay. Elle est faite pour ses amis du VIIe arrondissement de Paris. Elle est faite pour la galerie, pour continuer à plaire au Nouvel Observateur. Kouchner n’aurait jamais eu le courage de dire cela à Nicolas Sarkozy directement. Ainsi, sachant qu’il allait être viré, il a pris les devants. Maladroitement. Il a inventé cette lettre-de-démission-qui n’existe-pas. Seulement, à trop malin... Il joue là un jeu dangereux. Une carotte, ou plutôt un fromage, un de ces beaux fromages de la République, l’attendait à la sortie. “Défenseur des droits” : un job qu’il avait négocié sur mesure, avant d’être sorti du gouvernement. Comme le bon monsieur Hirsch. Mais cette « démission virtuelle », a, dit-on, déplu à l’Élysée.


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