“Péché catholique, péché protestant” (lavie.fr , 17 mai 11)

18 mai 2011

“L’affaire DSK révèle un choc des cultures. Le catholicisme et le protestantisme n’ont pas la même façon de gérer la faute et le péché. Questions de théologie et d’histoire...

Depuis la faute originelle, l’humanité "boite", et particulièrement sur le registre de la sexualité. L’Eglise catholique accepte cela comme une réalité ineffaçable qu’il s’agit de guérir et croit notamment à la puissance des sacrements. Elle affirme même sa compétence pour "gérer" au mieux les fautes et la culpabilité, et notamment à travers le sacrement de pénitence, où le prêtre prononce le pardon de Dieu au pénitent en lui donnant l’absolution, après l’aveu sincère des fautes et la promesse de ne plus recommencer.

L’Eglise catholique estime que la personne peut toujours s’amender avec la grâce de Dieu qui agit dans l’âme. Elle défend une vue complexe du péché et de la question de la liberté en regard de la faiblesse humaine. La faiblesse étant plus ou moins grande selon la nature des individus, la liberté étant plus ou moins sûre selon l’histoire et la psychologie de la personne, rien n’est absolu.

Cela a donné lieu à la casuistique, c’est à dire la culture de la jurisprudence face à la faute. L’Eglise peut s’enorgueillir d’un certain raffinement dans le genre, et c’était même ce que l’on a reproché aux Jésuites. C’est ainsi que l’on est venu à distinguer entre les péchés véniels et mortels, afin de prendre en compte la plus ou moins grande gravité d’un acte. Car on peut faire le mal sans que ce soit un péché.

Par exemple, j’écrase en voiture un piéton qui se jette sous mes roues, sans le vouloir. Si je roulais à faible vitesse, en faisant attention, il n’y a pas péché. Si j’étais en état d’ébriété, c’est autre chose... Cette vision a d’ailleurs inspiré la catégorie juridique, en droit pénal, des circonstances aggravantes ou atténuantes. L’univers catholique est marqué par une gestion souple et individuelle du péché. Il y a une loi, mais l’Eglise a toujours vécu l’adaptation à chacun selon la loi de gradualité (voir les déclarations récentes du pape sur le préservatif dans son livre Lumière du Monde).

Le "bon" prêtre est un lion en chaire mais un agneau au confessionnal, comme disait le pape Pie X... Dans le secret du confessionnal, le prêtre s’adapte et fixe une pénitence juste et supportable. Dans le cas de fautes publiques impliquant des puissants - le roi peut être excommunié par le pape - il y a toujours la possibilité de réparer et d’être réintégré dans la communion moyennant des sanctions graves - d’où la naissance des indulgences qui sont des réparations "rapides" et alternatives du péché.

Avec la perversion suivante : on a pu "acheter" au XVIe siècle sa pénitence sans qu’il n’y ait ni remords ni sincère repentance. C’est ce que Luther a violemment dénoncé en 1517 dans ses 95 thèses contre les indulgences. La culture protestante ne voit qu’hypocrisie dans la gestion catholique du péché, à qui elle reproche un côté "épicier", marchand de tapis.

La vision calviniste est qu’il faut passer la religion à l’eau de javel, la purifier de ses scories. C’est le sens du puritanisme (une forme de calvinisme radical), qui n’a pas d’abord de visée sexuelle, mais qui veut débarrasser la relation de l’homme à Dieu de tous les petits arrangements mondains, pour donner la seule gloire et puissance à Dieu. La noble idée est que l’Eglise n’a pas à s’immiscer dans la gestion du péché, qui relève exclusivement de Dieu, à moins de s’arroger une puissance indue. On refuse donc la confession, et tout ce qui va avec... car on pense que cette médiation de l’Eglise est illégitime, qu’elle s’interpose indûment entre le croyant et son Dieu.

Les Américains se sont construits sur la vision "puritaine" au sens historique : Les Pilgrim Fathers ont quitté l’Angleterre où le protestantisme s’était à leurs yeux dévoyé (à la fois par la collusion avec une influence catholicisante dans l’anglicanisme, et aussi par l’alliance entre le trône et l’autel, d’où le 1er amendement de la constitution étatsunienne qui instaure la laïcité des institutions).

Cette vision protestante se couple aux Etats Unis d’une approche anglo-saxonne volontiers binaire : tout est noir et blanc, il n’y a pas de zone grise comme dans le catholicisme. On ne prend pas la personne dans sa globalité, comme dans le catholicisme, mais on la séquence en morceaux. D’où la force du phénomène du "born again" : "J’étais un pécheur, je me suis converti et je suis devenu pur. Puisque je suis ancré en Dieu, je suis mort au péché."

Le catholicisme au contraire postule que la voie vers la sainteté est progressive et se compose d’étapes où l’on chute puis l’on se relève et où l’on avance ainsi par étapes ; sans que l’on puisse jamais se considérer totalement pur. Rien de tel dans la culture protestante évangélique américaine où l’on survalorise la rupture entre l’avant et l’après de la conversion, entre le péché de jadis et la pureté d’aujourd’hui. Mais le réel est moins simple... On reste pécheur...

Ceci encourage ensuite le phénomène du clivage, entre une vie peccamineuse cachée et une vie publique impeccable. L’actualité récente des USA regorge d’affaires où des hommes politiques militant contre l’homosexualité se font prendre en flagrant délit de relations gays. On peut citer encore le cas du gouverneur de l’Etat de New York qui a été impliqué dans un réseau de call girls alors qu’il avait comme priorité de lutter contre la prostitution. Qui veut faire l’ange fait la bête, disait Pascal. Mais le phénomène de clivage est aussi présent dans le catholicisme, si l’on pense aux affaires de pédophilie impliquant des prêtres, ou au fondateur de la Légion du Christ, Marcial Maciel."

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