CLR, Libres MarianneS, LDIF

Patrick Kessel : introduction du Colloque "Place aux femmes !" (18 juin 16)

Président du Comité Laïcité République 19 juin 2016

Bienvenue à ce nouveau colloque du CLR organisé avec nos amies de Libres MarainneS et de la Ligue pour le Droit international des Femmes.

Depuis des années, le CLR livre le combat culturel contre cette confusion qui s’installe dans les têtes, à droite et à gauche, qui, d’accommodements en renoncements, fragilise la République et ses principes fondateurs.

Disons-le tout net, la République n’est pas une association de communautés aux droits différents. Elle est l’ensemble des citoyennes et des citoyens qui, quelles que soient leur naissance, la couleur de leur peau, leur sexe, leurs appartenances philosophiques, religieuses, politiques sont des femmes et des hommes libres et égaux en droit.

Ces principes, issus de la philosophie des Lumières, portés par la Révolution française, par le printemps européen de 1848, la Commune, le Front Populaire, le programme du Conseil national de la Résistance, ne sont pas négociables.

Depuis des années nous essayons de montrer que la montée des revendications communautaristes fragilise la République. Car la déchirure culturelle qu’elle engendre ne se réduit pas à la fracture sociale

Elle suscite une peur de l’autre qui, à son tour, nourrit une extrême-droite qui a tenté un véritable hold-up sur la laïcité, un détournement, stigmatisant l’ensemble des musulmans alors que ces derniers sont les premières victimes de l’« islamo-fascisme ».

Nous essayons de montrer que ceux qui, dans le déni, affirment qu’« il n’y a pas de problème de laïcité en France » [1] se trompent lourdement. Ils croient lutter contre l’extrême-droite. A leur corps défendant, ils en font le lit. Des pans entiers de l’électorat populaire qui vivent au quotidien les méfaits des revendications communautaristes, ont rejoint le Front national. Cette question n’est plus théorique quand les sondages montrent que dans presque tous les cas de figure, l’extrême-droite pourrait être présente au second tour de la prochaine élection présidentielle.

C’est au lendemain des attentats barbares, après l’assassinat de Charb, ancien président du jury du prix de la laïcité, que le CLR décerne chaque année, de nos amis de Charlie hebdo, de policiers dans l’exercice de leurs fonctions et de juifs qui avaient le tort d’être juifs, que s’est révélé ouvertement l’ampleur d’un mouvement communautariste qui s’attaque à tous les fondements de l’universalisme républicain. Un universalisme qui a permis à la Gauche d’écrire les plus belles pages de son histoire mais que certains semblent avoir oubliées.

Après un sursaut émouvant du peuple de France, certains intellectuels ont susurré qu’« ils l’avaient un peu cherché » ces caricaturistes qui menaçaient le monde avec leurs petits feutres de toutes les couleurs. Dans un second temps ils ont dit plus haut qu’ils « n’étaient pas Charlie », voire qu’ils étaient « anti-Charlie ». Au nom du relativisme, toutes les traditions devaient être reconnues au même titre que les principes républicains. Parfois à leur place. Un think tank de gauche n’avait-il pas déjà proposé de négocier certains principes de la République afin de mettre en place une citoyenneté à géométrie variable, adaptée aux origines de chaque communauté [2] ? Régis Debray l’avait pronostiqué : le droit à la différence avait engendré la différence des droits.

Et puis, certains différencialistes revendiqués ont enclenché la vitesse supérieure, accusant d’ « islamophobie », de racisme, de colonialisme ceux pour qui la laïcité doit s’appliquer à tous, chrétiens, juifs, bouddhistes, athées, agnostiques mais aussi aux musulmans. Des musulmans qui, en France, dans leur grande majorité, ne demandent qu’à vivre en citoyens avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les autres citoyens.

Ainsi la laïcité qui garantit la liberté de conscience et l’égalité en droit entre tous, et en premier lieu entre femmes et hommes, a-t-elle été accusée d’être « liberticide » alors que ce sont les autorités cléricales qui, le plus souvent, se sont opposées à l’école laïque, au divorce, à la contraception, à l’IVG, à la PMA, à l’égalité hommes-femmes, à l’émancipation des femmes, à la liberté de conscience, à la recherche scientifique, à l’abrogation du délit de blasphème et encore tout récemment au mariage pour tous !

Nouvelle mais ô combien désopilante version de l’arroseur-arrosé ! L’antiracisme qui demeure un combat essentiel, se trouve détourné tandis que le racisme, historiquement porté par l’extrême-droite, fait son retour sous le masque du racialisme lequel légitime la ségrégation des individus selon leurs origines..

C’est l’universalisme des Lumières qui est désormais dénoncé en tant que tel . La situation est grave car cette idéologie différencialiste a gagné des positions fortes en particulier dans le monde politique et médiatique, à droite mais aussi à gauche qu’on pouvait imaginer prémunie contre une telle dérive.

C’est avec le souci de réveiller les consciences sur la montée des périls que le CLR a organisé toute une série de colloques sur la situation dans les écoles, les crèches, dans certaines universités, dans des hôpitaux, dans des entreprises, dans les prisons, interpellé les pouvoirs publics afin que des solutions soient trouvées et que le terrain ne soit pas abandonné aux populismes.

Mais le ver est désormais dans le fruit.

La situation des femmes révèle toujours le degré d’avancement démocratique d’une société. Il aura fallu des siècles de combat pour que le principe d’égalité entre hommes et femmes en droits et en devoirs, en dignité, soit enfin reconnu.

La laïcité, mettant à distance le politique du religieux, séparant la Foi et la Loi, est le nécessaire levier de cette égalité. Ce n’est pas par hasard si, à la façon des instituteurs de la IIIe République, les femmes, en France mais aussi bien loin de nos frontières, sont devenues les « nouveaux hussards noirs » de la laïcité.

Cette égalité est encore loin d’être une réalité concrète au coeur même de notre République. C’est le moment choisi par certains pour attaquer le féminisme, dès lors qu’il affirme qu’aucun motif cultuel ou culturel ne peut justifier une restriction du droit des femmes. La liberté des femmes à disposer d’elles-mêmes ne serait qu’une lubie occidentale, une arme post-coloniale contre les peuples opprimés ! Les mêmes qui revendiquent le port du voile, partout, n’ont pas un mot pour ces millions de femmes qui , quotidiennement, risquent leur vie pour avoir le droit de ne pas le porter !

Une telle dérive n’est plus acceptable ! A quelques coudées de l’élection présidentielle, le sursaut constitue une mesure de salubrité publique. Car la confusion, la perte des repères, le relativisme sont toujours propices à la montée des conservatismes et des extrémismes.

C’est la raison pour laquelle nous avons organisé ce colloque et que les trois associations , Libres marianneS, la Ligue pour le Droit international des femmes et le Comité Laïcité République ont décidé de lancer un nouvel appel du 18 juin, un appel à la Résistance et au sursaut, que Marianne publie ce jour sur son site et vendredi prochain dans sa version magazine. Cet appel dont j’ai cité certains passages vous sera remis à l’issue de cette réunion [3].

Merci à Marianne, aux trois modérateurs, Joseph Macé-Scaron, président du comité éditorial de Marianne, Martine Gozlan, rédactrice en chef et Alexis Lacroix, directeur adjoint, dont les plumes courageuses défendent chaque semaine notre éthique commune de la citoyenneté.

Le danger est là. Certains, heureusement en ont pris la mesure. Le Premier ministre, Manuel Valls, à deux reprises, a participé à la cérémonie de remise du Prix de la Laïcité que décerne le CLR. Il a dit clairement son engagement en faveur de la laïcité.

Cet après-midi, nous accueillerons Gilles Clavreul, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme dont on sait l’engagement en faveur des principes républicains.

Ce matin, nous avons l’honneur et le plaisir de recevoir Mme Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes.
Madame Rossignol, vous êtes ministre mais vous êtes aussi et d’abord une femme courageuse. Vous avez essuyé les foudres des différencialistes. Nous vous avons alors témoigné notre soutien et notre sympathie [4]. Je souhaite réitérer ce message et vous dire combien nous sommes à vos côtés .

Madame la ministre, merci d’avoir répondu à notre invitation.
Vous avez la parole.



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