“Nicolas Sarkozy veut remettre la religion au cœur de la vie de la cité” (Le Monde, 22 déc. 07)

23 décembre 2007

"Le discours prononcé jeudi soir par le président français à la basilique du Latran, lors de la prise de possession - toute symbolique- de son siège de "chanoine d’honneur", est un acte politique d’une autre ampleur, une tentative d’enterrer la "guerre des deux France" (cléricale et révolutionnaire) et de réconcilier, pour de bon, la République laïque et l’Eglise catholique.

C’est la première fois que Nicolas Sarkozy en tant que président -il avait déjà affiché ses convictions comme ministre de l’intérieur- choisissait aussi nettement son camp, sans complexe ni dogme préétabli, sur un terrain aussi miné.

Le discours du Latran est, d’abord, une relecture de l’histoire de France à partir de ses "racines" chrétiennes, d’évidence inspirée par Henri Guaino et Max Gallo, qui faisaient partie de la délégation française à Rome. "Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes, martèle M. Sarkozy. J’assume pleinement le passé de la France et ce lien particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Eglise."

Nicolas Sarkozy rappelle comme le christianisme a façonné la nation française, sa culture, son éthique, ses arts et cite Pascal, Bossuet, Péguy, Claudel, Bernanos, Mauriac, Maritain, Mounier, René Girard et des théologiens comme de Lubac et Congar.

Il ne craint pas d’évoquer les "souffrances" infligées au clergé par la loi de séparation de 1905 (expulsion des congrégations, querelle des inventaires). L’interprétation aujourd’hui consensuelle de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 relève, dit-il habilement, d’une "reconstruction rétrospective". Mais on ne bâtit pas l’avenir d’une nation en ressassant les "blessures du passé".

C’est un ton nouveau. Pour Nicolas Sarkozy, la religion n’est plus un tabou, alors que, pour François Mitterrand ou Jacques Chirac, elle relevait d’abord de la conviction privée. Sur les "racines" chrétiennes, le président de la République prend ostensiblement ses distances avec Jacques Chirac, avec Lionel Jospin et aussi Valéry Giscard d’Estaing, ex-président de la Convention européenne, qui avaient invoqué la laïcité "à la française" pour faire obstacle à la mention des racines chrétiennes de l’Europe dans le préambule du traité constitutionnel. On doute cependant que Nicolas Sarkozy relance la polémique dans l’Union sur cette épineuse question.

"SACRIFICES"

La laïcité, selon Nicolas Sarkozy, n’est pas en péril, mais le discours du Latran en propose une autre pratique. Il n’est pas question de remettre en cause les "grands équilibres" de la loi de 1905, dont Jacques Chirac disait qu’elle était un "monument" inviolable.

Mais, à contre-courant des campagnes hostiles à la religion liées à la montée des intégrismes, puis d’un "antichristianisme" si souvent dénoncé par René Rémond, enfin d’un nouvel athéisme revendiqué par le philosophe Michel Onfray, le président affirme que la France a tout à gagner à une "laïcité positive", à une reconnaissance effective de la place des courants spirituels dans la vie publique, à leur concours dans la définition d’une "morale" pour le pays.

Des allusions à une laïcité "épuisée" ou guettée par le "fanatisme" vont faire des vagues. Ne craignant pas de choquer, M. Sarkozy dit que l’intérêt de la République est de compter des populations qui "croient" et "espèrent" et qu’il n’est pas de bonne politique sans référence à une "transcendance"."

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