Revue de presse

N. Heinich : "L’universalisme consiste à encourager l’aspiration au bien commun" (marianne.net , 15 sept. 21)

Nathalie Heinich, sociologue, directrice de recherche au CNRS. 17 septembre 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Nathalie Heinich, Oser l’universalisme. Contre le communautarisme, éd. Le Bord de l’eau, sept. 2021, 168 p., 16 €.

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"[...] Une autre critique faite à l’universalisme est en effet d’affirmer qu’il ne serait qu’un point de vue occidentalo-centré, une invention de l’Occident – c’est ce que j’ai nommé dans mon livre le « sophisme de l’ethnocentrisme ». Or, c’est factuellement vrai, mais en quoi cela le délégitime-t-il en tant que valeur ? La même objection pourrait être faite à la valeur de liberté, ou à la valeur d’égalité, qui se sont imposées dans le monde politique grâce aux Lumières ; or on voit bien qu’elles ont des adeptes dans le monde entier.

Car une valeur n’a pas besoin d’être objectivement universelle pour être considérée comme une visée méritant d’être universalisée. Et le fait qu’elle soit davantage réalisée dans une culture particulière ne la rend pas moins désirable : est-ce un hasard si tant d’habitants de pays non occidentaux rêvent d’une société républicaine et universaliste, capable de les libérer des liens de dépendance communautaire ? Encore une fois, une telle critique repose sur une méconnaissance du fait que les valeurs, tel l’universalisme, sont des représentations de ce qui doit être et non des descriptions de ce qui est. Et qu’elles ne peuvent donc être disqualifiées ni par le constat de leur inachèvement, ni par celui de l’inégalité de leur distribution. [...]

"[La pente du communautarisme] tend à enfermer les citoyens dans des identités définies une fois pour toutes par leur appartenance à des communautés de race, de sexe, de religion, etc. (ce que j’ai nommé « identitarisme ») ; à ramener les hommes ou les femmes, en toutes circonstances, à une catégorie sexuée synonyme soit de position « dominante » soit de position « dominée » (comme le fait le « néoféminisme ») ; et à opposer comme des ennemis plutôt que comme de simples adversaires idéologiques les tenants de positions antagoniques, qu’il s’agit dès lors non de convaincre mais de réduire au silence (la « cancel culture »). [...]

Enfin, ces néoféministes se sont associées au courant « décolonial », consistant à opposer systématiquement « dominants » et « dominés » en fonction d’identités auxquelles les gens ne peuvent rien, comme le sexe et la couleur de peau. Cette morale de jeux vidéo – les bons contre les méchants, les victimes contre les bourreaux, les dominés contre les dominants – aboutit à cette faute politique et morale majeure qu’a été récemment l’absence de réaction des mouvements féministes dans l’affaire Mila : une jeune fille lesbienne condamnée à une mort sociale, voire à un risque d’assassinat, pour des propos antireligieux – vulgaires certes dans leur expression, mais parfaitement légaux – n’est même pas soutenue par des femmes qui prétendent lutter pour l’égalité entre hommes et femmes et entre homosexuels et hétérosexuels. [...] "

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