Revue de presse

Meurtre de Lola : "Abolition du discernement politique" (Riss, Charlie Hebdo, 26 oct. 22)

Riss, directeur de "Charlie Hebdo". 26 octobre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Abolition du discernement politique".

"Le crime atroce commis à Paris contre une adolescente de 12 ans par une jeune femme de 24 ans ne peut que soulever l’écœurement et un sentiment de révolte. Mais passé le dégoût, on ne sait plus très bien quoi dire d’autre d’un tel acte. Pourtant, à peine le crime rendu public, ce fut un déferlement de certitudes et de sentences définitives. Il faut dire que la présumée coupable est algérienne, en situation irrégulière et sous le coup d’une reconduite à la frontière.

Et voilà revenus sur le devant de la scène tous les débats sur l’immigration, les flux migratoires et le « grand remplacement ». On en oublierait presque la victime. Pour certains charognards, elle n’aura servi que de prétexte à des débats qui n’ont rien de nouveau. Ainsi, au début des années 1980 existait en France une association appelée Légitime défense, qui militait pour la peine de mort et dénonçait déjà « la pratique du droit d’asile et de l’extradition » [1].

C’est un phénomène récurrent : les questions de violence et d’insécurité sont souvent amalgamées avec celles liées à l’immigration. En Grèce, dans les années 1990, les immigrés albanais étaient accusés de tous les crimes possibles et imaginables commis contre des Grecs. En 2012, lors d’un reportage à Athènes, à l’époque où le parti néonazi Aube dorée était en pleine ascension, je pensais qu’on me parlerait de l’immigration albanaise, mais on me répondit que c’était de l’histoire ancienne, car désormais c’était les réfugiés afghans qui étaient accusés de violer et d’assassiner en nombre. L’immigration change, le populisme, jamais.

Dans cette affaire se pose la question du discernement de la présumée coupable, puisqu’on évoque des comportements et des propos incohérents qui pourraient le laisser supposer. Les psychiatres qui vont l’examiner vont avoir sur les épaules une charge bien lourde. Pour savoir si elle simule ou pas, si elle est réellement dérangée ou franchement manipulatrice.

Des manipulateurs, ce crime en a déjà mis un en évidence. Zemmour a profité de ce fait divers sordide pour nous refourguer son « grand remplacement » et tenter de populariser son concept de « francocide », par analogie avec le « féminicide ». N’ayant pu imposer ce thème pendant la présidentielle, il utilise ce crime comme session de rattrapage de sa campagne électorale calamiteuse.

Depuis, les populistes n’ont cessé de dénoncer l’impuissance de la justice face à l’immigration illégale. Ils ont oublié un autre aspect de ce drame : dans l’hypothèse – qui reste à confirmer – où cette personne souffrirait de troubles mentaux, comment se fait-il qu’elle n’ait jamais été prise en charge par les institutions psychiatriques  ? Pourquoi  ? Parce que ces structures sont de plus en plus démunies, quand elles ne sont pas carrément fermées et que la politique à l’égard de ce genre de malades est souvent de les renvoyer chez eux par manque de moyens, et ainsi de les laisser livrés à eux-mêmes.

Dans un certain nombre de dossiers criminels, on s’aperçoit que des meurtres auraient pu être évités si la personnalité dérangée de leurs auteurs avait été mieux prise en compte.

Mais parler de l’état de la psychiatrie en France n’est pas un thème qui rapporte des voix aux élections. L’immigration, si.

Même si cette Algérienne avait été expulsée vers son pays d’origine, et dans l’hypothèse où elle est réellement victime de troubles mentaux, elle aurait probablement pu y tuer de la même manière. La vie humaine aurait donc moins de valeur de l’autre côté de la Méditerranée pour qu’on renvoie cette femme là-bas sans tenter de la soigner avant  ?"

[1Journal télévisé d’Antenne 2 du 27 novembre 1982.



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