Revue de presse

M. Bret et G. Dumont : "Programmer les mots de Mohammed Merah et refuser ceux de Charb relève d’un choix politique" (liberation.fr , 30 juil. 17)

Marika Bret, DRH à "Charlie Hebdo", et Gérald Dumont, du Théâtre K, metteur en scène et comédien. 31 juillet 2017

"Droit de réponse." "Suite à la parution du portrait de Pascal Keiser, directeur du Théâtre la Manufacture à Avignon dans "Libération" du 21 juillet, Marika Bret, DRH à "Charlie Hebdo", et Gérald Dumont, du Théâtre K, metteur en scène et comédien, nous demandent de publier ceci."

« Nous sommes rentrés d’Avignon, après cinq représentations, au Théâtre de l’Oulle, d’extraits du livre posthume de Charb, Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes, heureux d’avoir accueilli des invités prestigieux et d’avoir rencontré un public nombreux - plus de six cents personnes - et chaleureux.

Mais la lecture de votre article portrait de Pascal Keiser directeur de la Manufacture d’Avignon et surtout les propos qui nous sont indûment attribués nous a sidérés nous obligeant à réagir.

Nous citons [les propos rapportés de Pascal Keiser] : "On a reçu un mince dossier de trois pages, sans voir de teaser, sans même pouvoir rencontrer les porteurs du projet, lesquels ont fini par nous lancer : "Si vous ne donnez pas une réponse dans la semaine, on s’engage avec un autre théâtre." Ce n’est pas comme ça qu’on construit notre programmation ! Aujourd’hui ils nous accusent en plus d’antisémitisme. Ça frise la manipulation."

Même si ces phrases mériteraient un grand nombre de rectifications, l’important n’est pas là. Un mot est lâché, et pas n’importe lequel : antisémitisme. Pascal Keiser, amoureux du théâtre et à ce titre conscient de l’importance des mots, prétend que nous l’avons accusé d’être antisémite. Et c’est publié dans Libé, tel quel, comme si cette accusation relevait d’une simple banalité. Ce qu’affirme indûment Pascal Keiser nous est insupportable parce qu’il se réfère à une idéologie des plus odieuses. La lutte acharnée qu’il faut mener contre tous ceux qui promeuvent la haine du juif ne mérite pas une telle dérive dont on ose espérer dans ce cas précis qu’elle ne soit que sémantique. Elle n’en reste pas moins grave parce qu’elle permet de faire taire toutes contestations et toutes critiques. Accusation d’autant plus stupide que le livre posthume de Charb est véritablement un hymne aux combats contre le racisme et l’antisémitisme et un plaidoyer pour la laïcité.

Programmer les mots de Mohammed Merah et refuser ceux de Charb relève d’un choix politique. C’est ce que, nous, les porteurs du projet, avons très exactement dit. Ce projet existe grâce au Théâtre K, compagnie qui n’est ni conventionnée, n’a pas demandé de subvention pour ce spectacle et a voulu réagir face aux accusations rapidement proférées après le 7 janvier, notamment contre Charb, avec ces "oui mais, ils l’ont quand même bien cherché " ! Chercher quoi ? Aucunes excuses, qu’elles soient sociales, politiques ou culturelles, ne sauraient justifier les actes d’extrémistes, fondamentalistes et fanatiques au service d’une idéologie qui tue pour s’imposer, distillant ainsi la peur, et qui ne peuvent qu’être confortés par ces "oui mais", très utiles pour renforcer le malaise social.

D’abord présenté dans les écoles et centres sociaux, il nous a semblé judicieux de proposer ce spectacle lecture à tous publics tant ce texte posthume participe pleinement à ce débat du "oui mais" qui précisément fracture notre société. Une discussion s’ensuit toujours après la représentation. Pour parler des valeurs de notre République, échanger sur notre démocratie certainement perfectible dont sont issus des Mohammed Merah, frères Kouachi, Amedy Coulibaly mais qui n’en sont pas pour autant des otages.

Nous avons proposé les mots de Charb à Avignon, Lille, Arras, etc. - près de 20 représentations sont d’ores et déjà prévues d’ici décembre - parce qu’ils sont percutants de bon sens : ils disent que ni la haine, ni la violence, ni la menace ne font partie des valeurs humaines, que ceux qui prônent des revendications identitaires au nom du vivre-ensemble sont des escrocs et qu’aucun modèle communautariste, qui en réalité achète une paix sociale, ne fonctionne nulle part.

A l’heure où la société tout entière est attaquée, nous sommes tous en état d’urgence. Devrions l’être. Porter ce projet est un choix politique. Le programmer aussi. A la décharge de Pascal Keiser, ce n’est hélas pas la première ni la dernière fois que ce nécessaire débat est refusé en oubliant un peu vite que réduire au silence toute approche critique facilite le pire et permet de rendre coupables les victimes. Une manipulation très en vogue qui rend service à qui ? »

Lire "Réponse à « Libé »".



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