Note de lecture

Jean-Louis Touraine : une approche de la bioéthique respectueuse de la liberté de conscience de chacun (G. Durand)

par Gérard Durand. 14 décembre 2019

Jean-Louis Touraine, Donner la vie, choisir sa mort. Pour une bioéthique de liberté, éd. Eres, 176 p., 12 e.

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Si vous demandez à Jean Louis Touraine quelle est sa profession, il vous répondra qu’il est médecin. Et c’est la vérité, enfin juste une partie de la vérité, car il est professeur de médecine et ses travaux en immunologie lui ont valu une renommée internationale. Il est aussi fortement impliqué dans la vie de la cité, député du Rhône depuis 2007, conseiller municipal de Lyon et vice-président de la Fédération hospitalière de France. En 2019 il s’est fait confier la rédaction du rapport sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

Dans la préface de son livre, le professeur Emmanuel Hirsch décrit l’homme. « Jean Louis Touraine défend ses convictions avec un enthousiasme, une honnêteté et une certaine candeur qui peuvent surprendre ses détracteurs… C’est ne pas comprendre la rigueur d’une pensée et cette envie de servir un idéal, celui du bien commun. Son exigence de vérité est parfois risquée. Il assume la confrontation, argumente ses points de vue et enrichit ainsi l’indispensable concertation en démocratie, qu’il prend, pour ce qui le concerne, au sérieux. »

Jean Louis Touraine est aussi un excellent pédagogue. Dans ce petit ouvrage il parvient à traiter la complexité des problèmes liés au plus intime, de la naissance à la mort, à nous les décrire dans un langage simple - et si parfois le lecteur hésite devant un terme médical ou un sigle, il en trouvera l’explication dans un glossaire précis en fin de livre. Au final, ce livre rend son lecteur non seulement plus intelligent mais aussi plus ouvert à la compréhension de l’autre.

De quoi parlons-nous ? De choses très réelles. Dès le premier chapitre, l’exemple nous est donné des difficultés de l’expérimentation avec le cas de Sergio, « l’enfant bulle ». Nous sommes dans l’hôpital avec l’équipe soignante, ses espoirs et ses déceptions, car il faudra dix-huit mois pour un résultat positif.

En 1988 il réalise la première greffe mondiale in utéro sur un fœtus humain.

« Comment pourrait-il être acceptable qu’une personne athée soit obligée aujourd’hui d’appliquer les règles dictées par une religion mais non reconnues par les autres croyances ou par les philosophies laïques…et inversement. »

La bioéthique est une discipline nouvelle qui va souvent se heurter aux croyances établies et surtout aux religions. Jean-Louis Touraine est un laïque et l’affirme clairement. « Certains, adeptes d’une religion, ou d’une philosophie ne désirent pas s’appliquer les dispositions rendues possibles par la loi. Ce choix est respectable aussi longtemps qu’il ne déborde pas sur le droit et la dignité des autres. Comment pourrait-il être acceptable qu’une personne athée soit obligée aujourd’hui d’appliquer les règles dictées par une religion mais non reconnues par les autres croyances ou par les philosophies laïques…et inversement. »

Les techniques médicales sont complexes et variées - aide médicale à la procréation (AMP), fécondation in vitro (FIV), don de gamètes, fécondation post mortem etc… - mais elles posent aussi des questions sociétales. Ces techniques doivent-elles être réservées aux couples hétérosexuels ou être étendues à toutes les femmes, couples de lesbiennes, ou femmes seules ? La réponse est oui, il n’y a pour notre auteur aucune raison d’entretenir une discrimination devant le désir d’enfant, Y compris pour la prise en charge des traitements par la sécurité sociale.

La lecture se révèle de plus en plus passionnante quand sont abordés les sujets prêtant le plus à contestation, la GPA évidemment, mais aussi l’accès aux origines, les recherches sur les embryons et les cellules souches.

Puis vient la fin de vie, et Jean Louis Touraine nous parle de liberté. Liberté si nécessaire car les positions sur le sujet sont extrêmes et souvent caricaturales. L’idée de choisir sa fin de vie se heurte à toutes les religions monothéistes. Elles se font entendre, notamment la plupart des autorités catholiques, alors même que près des trois quarts de catholiques pratiquants y sont favorables, rejoignant en cela près de 90 % des Français.

Dès 2017, Jean-Louis Touraine a déposé un projet de loi sur la légalisation de l’aide active à mourir. Elle a pour but de combler les lacunes de la loi actuelle. Mais, pour qu’elle soit débattue, il faut qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée. Le plus tôt sera le mieux. Jean-Louis Touraine rassure les impatients avec cette phrase de Victor Hugo : « Rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue ».

Ce livre à une merveilleuse qualité, il nous concerne tous, sans exception, nous devrions tous le lire et en assurer la promotion dans notre entourage.

Gérard Durand


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