Revue de presse

"#LetUsTalk : le ras-le-bol des femmes sans voile" (charliehebdo.fr , 14 jan. 22)

18 janvier 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"C’est le #MeToo du harcèlement vestimentaire. Des voix de femmes du Moyen-Orient vivant en Occident - ou pas - qui ont dû porter le hijab - ou le porter encore - s’élèvent. Elles clament que le voile islamique n’est pas un vêtement anodin et encore moins une liberté pour les femmes. En espérant se faire entendre de certaines féministes qui répètent comme un mantra que le voile est un choix.

Inna Shevchenko

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Tout a commencé comme un nouvel épisode de lâcheté intellectuelle et de capitulation devant des accusations d’islamophobie. Après que le Journal de l’Association médicale canadienne a publié sur sa couverture une photo d’enfants dans laquelle une petite fille portait le hijab, le chirurgien pédiatrique Dr Sherif Emil, a adressé une lettre à l’équipe éditoriale intitulée « N’utilisez pas un instrument d’oppression comme symbole de diversité et d’inclusion ». Le médecin s’insurge contre l’utilisation banale de telles images dans la plus grande revue médicale du Canada : « Il est devenu « libéral » de voir le hijab comme un symbole de diversité et d’inclusion (…) Le hijab, le niqab et la burka sont des instruments d’oppression pour des millions de filles et de femmes dans le monde qui ne sont pas autorisées à faire un choix ». Le Conseil national des musulmans canadiens a demandé le retrait immédiat du texte sur le site web du journal. La lettre a été immédiatement supprimée et la rédactrice en chef a présenté ses excuses pour avoir rendu publiques les paroles « erronées, blessantes et offensantes » du médecin.

Cette fois, cependant, la lâcheté de certains a révélé, a contrario, la bravoure de tant d’autres. De nombreuses femmes du Moyen-Orient qui vivent en Occident ont réagi à l’incident, lançant une grande campagne sur les réseaux sociaux et exigeant qu’on les écoute sur les questions qui affectent leur vie, comme le code vestimentaire religieux. La campagne #LetUsTalk (Laissez-nous parler) est devenue virale en quelques jours.

« En Iran, on m’a dit que, si je ne portais pas le hijab, je serais renvoyée de l’école, emprisonnée, fouettée, battue et expulsée de mon pays. En Occident, on me dit que raconter mon histoire provoquera de l’islamophobie. Je suis une femme du Moyen-Orient et j’ai peur de l’idéologie islamique. Laissez-nous parler ». C’est par ce tweet que la célèbre militante iranienne contre le hijab obligatoire Masih Alinejad a réagi à la censure de la lettre du médecin. Avec ces mots, accompagnés d’une photo d’enfance d’elle-même portant un hijab, elle a inspiré une avalanche de confessions similaires. Son tweet a été liké par plus de 30 000 personnes et le hashtag #LetUsTalk a commencé à se répandre.

In Iran I was told if I don’t wear hijab, I get kicked out from school, I get jailed, lashes, beaten up, and kicked out from my country. In the West I’m told, sharing my story will cause Islamophobia.
I’m a woman from Middle East and I am scared of Islamic ideology. Let us talk. pic.twitter.com/SKQFh93M51

— Masih Alinejad 🏳️ (@AlinejadMasih) December 28, 2021

« J’avais l’habitude de retirer secrètement mon hijab juste pour sentir l’air dans mes cheveux. Cette idéologie m’a volé ma vie », a tweeté une Saoudienne en exil, Rana Ahmad. « Un autre jour en Allemagne, où je me promène sous le soleil sans ce hijab qui me fait me sentir comme une citoyenne de seconde zone, comme je l’étais quand j’étais en Arabie Saoudite… », écrit une autre saoudienne exilée, Loujain. « Au Yémen, j’ai été forcée de porter le hijab à l’âge de six ans et le niqab vers treize ans, et quand j’ai décidé de l’enlever, la moitié de ma famille m’a abandonnée, puis quand j’ai enlevé le hijab et l’abaya, j’ai tout perdu », confesse Basma Nasser, qui vit aujourd’hui en France.

Des centaines d’histoires similaires sont désormais postées et partagées sur Twitter, contredisant à la fois les défenseurs de l’islamisme, qui mettent en scène des procès en islamophobie, et certaines féministes occidentales, qui ont aveuglément adopté le mantra « le hijab est un choix ».

« Pour être honnête, je ne m’attendais pas à ce que mon message crée une telle vague dans le monde, confesse Masih Alinejad à Charlie. Cette fois, ce ne sont pas seulement les femmes iraniennes qui s’expriment. Je vois combien cette campagne a uni de nombreuses femmes de pays musulmans ou de communautés musulmanes en Occident. Toutes ces histoires sont pleines de douleur. Nous essayons de faire comprendre au reste du monde que nous sommes, nous les femmes qui avons vécu sous la charia, celles qui connaissons le mieux les idéologies islamiques et que nous avons le droit d’avoir peur de toutes les brutalités que nous avons subi. J’ai le droit de raconter mon histoire  ! »

Elles veulent pouvoir raconter leur histoire sans être accusées d’islamophobie. Mais elles veulent aussi être entendues par les féministes occidentales, dont beaucoup ont repris à leur compte les règles de pudeur religieuses sexistes et les ont déguisées en symboles d’« empowerment ». « #LetUsTalk s’adresse aux Occidentaux, en particulier aux féministes, pour leur demander d’être solidaires avec les femmes opprimées par la loi islamique », explique à Charlie une autre Iranienne, qui réside en France, Aghdas Khanoom (pseudonyme). « J’ai été réduite au silence dans mon pays, et maintenant dans le monde libre. Et c’est encore plus douloureux ». Un sentiment que partage également Shammi Haque, une journaliste bangladaise exilée en Allemagne : « J’ai décidé de participer à cette campagne dans l’espoir que les féministes occidentales comprennent notre souffrance et notre douleur, qu’elles comprennent ce que signifie réellement le voile/hijab et qu’elles cessent de le promouvoir. Au nom de la diversité ou pour protéger les minorités, les féministes allemandes sont aveuglées par leurs privilèges ». Basma Nasser, une étudiante yéménite exilée en France, insiste également sur le fait qu’« il y a certains courants politiques en France qui considèrent le hijab comme un choix et le voit comme une culture arabe, ce qui n’est pas vrai  ; comment peut-on dire que le hijab est un « choix personnel », s’il n’y a pas d’autres options, si la rébellion contre le hijab est un crime dans beaucoup de pays ».

Et même si en Occident la rébellion contre le hijab n’est pas un crime au regard de la loi, des confessions publiées via #LetUsTalk révèlent que de nombreuses femmes ne vivent pas non plus le hijab comme un « choix » dans les pays occidentaux. « Je me suis convertie à l’islam à 28 ans. J’ai pleinement accepté toutes les règles et pratiques. Le hijab n’a jamais été une option. Je ne l’ai jamais remis en question jusqu’à la fin de mon mariage, lorsque j’ai commencé à l’enlever parfois lorsque j’étais seule. Lorsque mon mari l’a découvert, il m’a dit que c’était un motif de divorce », tweete Deborah du Royaume-Uni. « Au Canada, on m’a forcée à porter le hijab à 9 ans, le niqab à 19 ans. J’ai été reniée et menacée de mort parce que je choisis ce que je porte sur mon corps », raconte Yasmine Mohammed, qui a échappé à un mariage forcé et est devenue une militante des droits des femmes. Elle souligne qu’en Occident, les femmes des communautés musulmanes peuvent être contraintes de se couvrir non pas par des lois, mais par des méthodes détournées, « y compris en s’entendant dire que seules les putes ne se couvrent pas et en se voyant menacée de brûler en enfer pour l’éternité ».

En effet, alors que des Iraniennes continuent d’être emprisonnées pour avoir enlevé leur hijab, alors que les Afghanes résistent aux Talibans qui effacent de nouveau les femmes de l’espace public, en Occident, nous sommes occupés à promouvoir le port du hijab, dans la mode, dans la publicité et dans les médias, tout en nous auto-congratulant pour notre tolérance… Et les femmes du Moyen-Orient en Occident qui osent s’exprimer contre le code vestimentaire de la pudeur sont réduites au silence par les islamistes à droite, et par les « progressistes » à gauche. Laissez-les parler  !"

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