Tribune libre

Secte ou religion : quelle différence ? (K. Slougui)

par Khaled Slougui, consultant formateur, président de l’association Turquoise Freedom. 25 octobre 2018

[Les tribunes libres sont sélectionnées à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

D’emblée, il faut préciser qu’il s’agit d’une question de dosage.
Dans des pays qui ont vécu la tragédie de l’islamisme et de ses subversions en tous genres, un lien évident a été établi entre le sort de l’intégrisme religieux et celui de la secte en soi.
Le domaine de la foi abusée confine à la mentalité. Mieux encore, au système conceptuel de la secte avec sa logique propre : la croyance aveugle conduit au sectarisme.
L’intolérance est le concomitant d’une foi forte ; la tolérance apparaît seulement quand la foi perd de sa certitude ; la certitude est meurtrière.

Voici quelques implications pratiques du phénomène des sectes (extrait de mon livre) :

PRIMO. Une chose est sûre, on constate une certaine réticence à poser quelque proximité entre le processus de radicalisation et la notion de dérive sectaire.
Dès les débuts de l’apparition du phénomène de la radicalisation comme problématique nationale, suite aux événements sanglants que le pays a vécus, notre positionnement a été, on ne peut plus clair ; c’est ce que nous avons développé à maintes occasions, à savoir que la radicalisation s’apparente à une dérive sectaire, elle ne s’y réduit pas. L’islamisme sur lequel se fonde le processus de radicalisation est en outre un mouvement politique et idéologique mû par un enjeu de prise de pouvoir.
C’est au niveau des ressorts internes et des mécanismes de manipulation, de sujétion, voire d’exploitation, que l’on retrouve les mêmes formes, les mêmes techniques et les mêmes outils.

SECUNDO. Les religions ont quasiment toute débuté dans une forme de radicalité qui leur est propre, en réaction à une religion majoritaire ou une situation sociale et historique existante.
De ce fait, des groupes deviennent actuellement radicaux lorsque les sectaires qui les dirigent utilisent littéralement des textes sacrés anciens. Ils prétendent ainsi revenir à la pureté de la religion originelle, par opposition aux autres mouvements religieux qu’ils accusent d’avoir fait des compromis et des concessions sur la lettre de ces textes.
Les exemples s’appuyant sur la Bible (Témoins de Jéhovah), ou sur le Coran (Frères musulmans, Tabligh, Salafistes…), sont connus.
Ainsi, les sectes et les radicaux des religions monothéistes en particulier, s’appuient essentiellement sur les textes sacrés anciens pour justifier leurs idéologies, ce qui produit souvent des comportements anachroniques.
Aucune religion n’est anodine et inoffensive, elle comporte toujours dans ses textes sacrés de la radicalité, de la pensée extrême, parce qu’elle s’est constituée par rapport à une religion majoritaire qui l’a précédée et ses textes sont aussi à l’image de l’époque barbare qui l’a vue naître.

TERTIO. Dans ce cas, ce qui fait défaut chez les intégristes des religions c’est une contextualisation des textes, sans pour autant en trahir l’esprit.
La déformation des écritures est une pratique courante chez eux. Il ne faut pas perdre de vue que les initiateurs et les dirigeants des sectes fondent leurs doctrines non pas sur ce que dit la bible ou le Coran pour les musulmans, mais sur ce qu’ils aimeraient que ces textes disent. La tactique, voulue ou non, des groupes déviants est de citer un verset ou un passage totalement hors contexte induisant ainsi l’adepte en erreur, au niveau doctrinal et pratique.

Conclusion. L’emprise mentale sectaire est une forme très spécifique de mise en état de sujétion dont le processus peut se décliner en trois phases : séduction, endoctrinement, rupture.
Elle se réalise toujours dans le cadre d’une communauté, une communauté de conditionnement et non de conviction, concepts développés majestueusement par Mohamed Talbi (islamologue et historien tunisien) : "Dès qu’il y a atteinte à la personnalité, l’adhésion à la communauté cesse d’être un acte volontaire et on passe à une communauté de conditionnement. J’appelle cela une secte, qui tue l’esprit et robotise les Hommes".

Khaled Slougui


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