"Les chercheurs et la menace Bogdanov" (Le Monde, 21 av. 12)

24 avril 2012

"Nombre de physiciens, d’astronomes, de cosmologistes n’en ont pas cru leurs yeux. Ce n’est pourtant pas un canular, mais une véritable dépêche de l’Agence France-Presse qui circule depuis la fin mars, et selon laquelle Alain Riazuelo, chercheur (CNRS) à l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP), a été condamné pour "contrefaçon", après une plainte de Grichka Bogdanov. L’astrophysicien avait publié sur son blog - pour en faire une vigoureuse critique - une "pré-thèse" de l’animateur et auteur à succès. Il a été condamné à verser 1 euro de dommages et intérêts au plaignant pour violation de ses droits d’auteur et à une amende de 2 000 euros avec sursis. [...]

L’affaire inquiète d’autant plus que d’autres chercheurs, également critiques, témoignent de pressions ou de menaces voilées de poursuites. "Entre novembre 2004 et février 2005, j’ai participé à un forum en ligne où certains se sont mis à parler des "travaux" des frères Bogdanov. Ces derniers sont intervenus, me demandant de lire un de leurs papiers, ce que j’ai accepté, raconte le mathématicien Damien Calaque (université Lyon-I, Ecole polytechnique fédérale de Zurich). Je l’ai ensuite durement critiqué, ajoutant qu’à mes yeux la thèse (en mathématiques) de Grichka relevait de l’escroquerie intellectuelle. Ils m’ont dit de faire attention et de replacer mes propos dans un contexte juridique..."

Les deux animateurs demandent ensuite à rencontrer le mathématicien pour le convaincre. La rencontre a lieu fin 2010 à Paris. "Ils m’ont expliqué qu’Alain Riazuelo serait "châtié", dit Damien Calaque. Je leur ai répondu que s’ils poursuivaient en justice un membre de la communauté scientifique, je n’hésiterais pas à témoigner contre eux.

Le cosmologiste Alain Blanchard, professeur à l’université Paul-Sabatier à Toulouse, avait pour sa part dit, dans un article publié en novembre 2004 sur le site d’Acrimed (acrimed.org), ressentir un "malaise profond" à l’idée que les thèses des deux animateurs, soutenues en 1999 et 2002, aient bénéficié d’"une validation institutionnelle de l’Université". Cette situation représentant à ses yeux un "dégât irréparable". "Pendant plusieurs jours, j’ai reçu, de la part des jumeaux, des coups de téléphone à mon bureau et à mon domicile pour que je retire mes propos, raconte M. Blanchard. Ils m’expliquaient en substance vouloir me protéger, puisque, selon eux, France 2 menaçait de poursuivre l’auteur de l’article en question et que je pourrais en faire les frais devant la justice... Il ne s’est finalement rien passé."

Sous la pression, l’astronome Jean-Louis Heudier avait, lui, demandé le retrait des propos qu’il avait tenus dans le même article... "J’y disais que l’intervention que j’avais accepté de faire dans leur émission avait été manipulée au montage, pour me faire faire l’éloge de leurs travaux, témoigne-t-il aujourd’hui. Vu l’ampleur prise par cette affaire, j’ai en effet demandé le retrait des propos qui m’étaient attribués dans l’article d’Acrimed. (Les frères Bogdanov) ont ensuite utilisé cela pour dire que ce retrait était la preuve que j’étais d’accord avec eux. C’est une autre de leurs manipulations." [...]

En toile de fond de cette nouvelle affaire, une autre se profile. En octobre 2010, Marianne révélait l’existence et la teneur d’un rapport - anonyme et d’une nature inédite -, commandé par le Comité national de la recherche scientifique (CoNRS), selon lequel les thèses accordées aux deux animateurs sont scientifiquement ineptes.

Là encore, les deux animateurs demandent à des scientifiques cités par l’hebdomadaire de retirer leurs propos. Et, là encore, l’affaire finira dans les prétoires."

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