Le retour de la dictée dans l’enseignement supérieur (Le Monde, 20 déc. 06)

27 décembre 2006

La dictée fait un retour dans les amphis. L’institut universitaire de technologie de Grenoble, département gestion des entreprises et des administrations, a fait sensation à la rentrée en accueillant ses étudiants par cet exercice, qui disparaît normalement après le collège.

« Un nombre significatif de grandes écoles » s’attaque à ce problème, assure Pierre Aliphat, directeur de l’Ecole supérieure d’informatique électronique automatique et président de la commission formation de la Conférence des grandes écoles. Le phénomène concerne en premier lieu les écoles d’ingénieurs, le Chapitre des écoles de management précisant qu’« il n’y a pas eu de remontées », et que « le niveau n’est pas inquiétant ».

A l’Institut supérieur du management public et politique (Ismapp), qui recrute à bac + 2 ou + 3, la conjugaison de la phrase « "Nous avons (déguster) la galette que grand-mère nous avait (apporter)" » amène son lot de surprises. « Les règles du participe passé ont volé en éclats », assure la directrice pédagogique, Laurence Lemouzy.

De tels exercices sont jugés inévitables. « Un quart des élèves ont des problèmes dans l’utilisation de la langue », évalue M. Aliphat. Il a même identifié un objet verbal non identifié (qu’il surnomme le « pluriel renforcé ») dans les écrits de ses étudiants : « Ils pensents. »

Ceux-ci auraient aussi tendance à mélanger écrit et oral : « Quand ils ne font pas attention, ils écrivent comme ils parlent, ou de la même manière qu’ils écrivent des SMS », déplore Bruno Raibon, directeur des études de l’IUT de Grenoble. Pourtant, deux tiers de ses étudiants ont obtenu une mention au bac, avant de surmonter « une sélection assez féroce », rappelle Marie-Jo Saillen, professeur d’expression-communication à l’IUT.

ECRIT DÉCRÉDIBILISÉ

M. Aliphat estime que l’« on paye les quinze, vingt ans d’errance dans la manière d’enseigner l’orthographe et la grammaire en primaire et dans le secondaire ». Pour Mme Saillen, le problème réside dans l’attitude des étudiants. Les nouveaux modes de communication (chats, textos, courriels...) « décrédibilisent l’écrit plus formel », les étudiants lisent peu et manifestent une certaine « désinvolture » vis-à-vis de l’écrit : « Ce n’est pas important pour eux. »

Pour certaines entreprises, ça l’est... Et leurs plaintes ont contribué à faire réagir ces établissements. « L’écrit sera au coeur de leur métier », relève Mme Lemouzy. L’Ismapp a mis au point un module "Protocoles de l’écriture", censé aider à réapprendre les règles de base pour savoir « exprimer un raisonnement construit et mature »...

L’école de M. Aliphat propose, le cas échéant, un soutien individualisé. A l’Ecole spéciale des travaux publics, ou à l’INSA-Lyon, toute occasion (demande écrite à l’administration, rapport de stage...) est saisie pour souligner l’importance de la maîtrise des règles. Et l’Ecole polytechnique féminine a introduit dans ses épreuves « une réelle épreuve de français » d’une heure et demie à la place d’un QCM de vingt minutes.

Benoît Floc’h


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