“Le débat s’apaise après les vives polémiques sur la discrimination positive” (Le Monde , 6 fév. 10)

6 février 2010

"Matignon n’espérait qu’une chose : que le rapport du Comité pour la mesure de la diversité et l’évaluation des discriminations (Comedd), rendu public vendredi 5 février, soit suffisamment nuancé pour apaiser le débat. Après le fiasco du débat sur l’identité nationale, le gouvernement se passerait bien, à deux mois des élections régionales, d’une nouvelle polémique sur cette question, aussi sensible, des " statistiques ethniques ".

Depuis le début des années 2000, où les pouvoirs publics français – sous la pression des instances européennes - ont commencé à affiché leur volonté de lutter contre les discriminations, le sujet, qui n’agitait guère jusque là que les démographes, n’a en effet cessé de rebondir, suscitant de vives controverses, à droite comme à gauche.

Peut-on distinguer les Français en fonctions de leurs origines ? Au nom des valeurs de la République, une et indivisible et de son principe constitutionnel d’égalité devant la loi, les "républicains" des deux camps s’opposent farouchement à tout ce qui pourrait aller dans cette direction, redoutant un morcellement de la société.

Ceux qui à l’inverse sont partisans d’avancer dans cette voie, estiment qu’il est indispensable de disposer d’un outil de mesure pour avoir une connaissance précise de la réalité et de l’ampleur des discriminations, et ainsi mieux les combattre. Ceux-ci ont beau insister sur les multiples précautions qui seraient prises (anonymat, volontariat, auto-déclaration) et assurer que la finalité n’est ni de ranger les individus dans des catégories ethno-raciales, ni de les ficher, mais de mieux lutter contre les discriminations, rien n’y fait.

Longtemps Nicolas Sarkozy entretiendra l’ambiguïté sur la question, n’aidant pas à clarifier le débat. En 2003, ministre de l’intérieur, il se déclare favorable à la discrimination positive – une politique inspirée de l’ " affirmative action " développée dans les années 1960 par les Etats-Unis afin de favoriser l’accession des Noirs aux universités et à certains emplois et s’appuyant sur le comptage ethnique.

Puis en 2007, lors de sa campagne présidentielle, il se replie sur une approche plus classique de la discrimination positive fondée sur des critères territoriaux. Cependant, une fois élu, le chef de l’Etat relance la controverse en demandant à Simone Veil de réfléchir à la possibilité d’introduire la " diversité " dans le préambule de la Constitution.

Mais fin 2008 Mme Veil remet au chef de l’Etat son rapport excluant toute réécriture du préambule de la Constitution qui permettrait d’instaurer une politique de discrimination positive sur des fondements ethniques. Rapport qui le conduit à faire une mise au point. "Répondre au défi de la diversité en recourant à des critères ethniques ou religieux conduirait à prendre le risque de dresser les unes contre les autres des communautés rivales et enfermer chacun dans son identité et son histoire", déclarait ainsi le 17 décembre 2008 le président dans un long discours sur " l’égalité réelle " à l’Ecole polytechnique.

Et d’affirmer : " C’est par le critère social qu’il faut prendre le problème ". Pour autant, il jugeait nécessaire que la France " se dote d’outils statistiques ", qui " sans traduire une lecture ethniques de notre société ", " permettent de mesurer sa diversité, pour identifier précisément ses retards et mesurer ses progrès ".

Ce faisant, le même jour, Nicolas Sarkozy nommait Yazid Sabeg commissaire à la diversité et l’égalité des chances, lequel allait rallumer de plus belle la polémique en proposant de doter la France d’un cadre visant à " rendre licite la mesure de la diversité ", reposant sur le recueil du " ressenti d’appartenance ". Proposition qui ne manqua pas de faire resurgir les chiffons rouges d’une " assignation ethno-raciale " des individus, du " fichage ethnique ", de " l’étiquetage communautaire " et même d’un " retour à l’étoile jaune ".

Si certains continuent de vouloir clore le débat, un consensus semble pourtant peu à peu se dessiner sur la nécessité de définir des outils appropriés. Parmi les plus fervents républicains, de plus en plus reconnaissent, à l’instar du président UMP du Sénat Gérard Larcher, qu’il faut cesser de " se draper dans les principes " et " prendre à bras le corps " la question des discriminations, " en regarder toutes les facettes ".

Fervent détracteur des " statistiques ethniques " depuis longtemps, le démographe Hervé Le Bras admet lui-même aujourd’hui que dans le cadre de " monographies de recherche ", le recours à des critères ethno-raciaux " peuvent aider à mieux connaître les phénomènes discriminatoires ".

Le chemin parcouru par certains socialistes, restés longtemps ambigus face à la lutte contre les discriminations, est lui aussi significatif. 19 février 2009 était ainsi discuté une proposition de loi socialiste instituant un cadre à des enquêtes pouvant comporter des questions sur le ressenti d’appartenance. Il ne s’agit pas " d’enfermer certains citoyens dans une identité particulière, de spéculer sur leur victimisation, mais de permettre à ces identités diverses qui façonnent notre pays de le rende plus fort ", soutenait , ce jour là, le fabusien Daniel Golberg."

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