"La rentrée laïque de Ferney-Voltaire" (6-7 sept. 19)

"La rentrée laïque de Ferney-Voltaire" (6-7 sept. 19) : compte-rendu

par Simone Blanc. 28 septembre 2019

Les 6 et 7 septembre a eu lieu "La rentrée laïque de Ferney-Voltaire", événement que cette collectivité a organisé avec le Comité Laïcité République pour la deuxième année consécutive. L’édition 2019 portait le titre : « Émancipation, liberté de conscience et droits culturels : la laïcité en actes".

Le vendredi 6 septembre, nous avons assisté à "Je change de file", spectacle de Sarah Doraghi, chroniqueuse culture de Télématin. Arrivée d’Iran en France, à 10 ans, elle nous fait partager son expérience tout en dénonçant le racisme et les clichés. Sa capacité à raconter son parcours à travers divers personnages avec une extraordinaire souplesse corporelle, une générosité et un humour léger ont réjoui les spectateurs.

Samedi matin, nous avons visité le château de Voltaire. La conférencière a su captiver notre attention en replaçant l’histoire du château dans le contexte de la vie et l’œuvre de Voltaire qui fit du petit hameau de Ferney un bourg prospère en favorisant l’artisanat d’art (horlogerie, soierie). De 1758 à sa mort, Voltaire a vécu vingt années dans son domaine où il a écrit une grande partie de son œuvre et reçu de nombreux hôtes européens.

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La visite fut ponctuée par des extraits de textes de Voltaire, lus avec sensibilité par la comédienne Florence Roche. Retenons un texte d’une brûlante actualité ("Traité sur la tolérance"), ainsi que l’admirable hommage à Voltaire, lors du centenaire de sa mort en 1878, écrit par Victor Hugo.

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Puis, le samedi après-midi, Daniel Raphoz, maire de Ferney-Voltaire, a salué les participants et remercié les organisateurs. Jean-Pierre Sakoun, président du CLR, a rappelé les noms des fondateurs, les actions de l’association et ses valeurs.

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La première table ronde, "Liberté de conscience, liberté de création et droits culturels", animée par Jean-Pierre Sakoun, a réuni Isabelle Barbéris, Maître de conférences en arts du spectacle à l’Université Paris-Diderot et Patrick Sommier, directeur de l’Art des Nations et ancien directeur de la MC93 Bobigny.

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I. Barbéris dénonce un nouvel académisme (suivi même par la Comédie française) et décrit la montée en puissance de l’idéologie "décoloniale". Elle souligne le retour d’un ordre moral par les "progressistes de gauche" et observe que le Collège de la diversité mis en place par le Ministère de la culture lui dicte sa politique.

Si l’art s’érige en tribune politique, il devient "politiquement correct" et influe sur les pratiques artistiques. Il existe une censure sur les auteurs suspects de racisme, d’antisémitisme, de sexisme qui aboutit à rejeter les pièces du répertoire classique. On arrive à l’interdiction des "Suppliantes" d’Eschyle, à la Sorbonne, sous prétexte d’une mise en scène jugée "raciste" parce que des comédiens blancs portent des masques et du maquillage noirs.

I. Barbéris est elle-même la cible d’une campagne de calomnies, en particulier de la part du collectif Décoloniser les arts.

P. Sommier dresse le panorama du théâtre en France. Depuis soixante ans, on détricote ce qu’a fait André Malraux. Il note la disparition des troupes apparues au moment de la création du Ministère de la culture. Bien que le théâtre soit une "cathédrale d’intelligence", on oublie les comédiens dans le budget qui répond strictement à des critères économiques.

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P. Sommier s’inquiète de la situation du théâtre public. Actuellement, il y a 5 théâtres nationaux et 38 centres dramatiques nationaux, mais 6 000 compagnies théâtrales dont certaines sont subventionnées. Cette profusion aboutit à une "foire d’empoigne". Par exemple, le festival off d’Avignon a proposé 1 800 pièces en 2019.

Aujourd’hui, il faut faire du chiffre. On méprise les intellectuels et on dénonce le théâtre des élites. Après le mépris vient la violence. P. Sommier cite comme exemple les intermittents du spectacle qui ont interdit à des comédiens de répéter au Festival d’Avignon en 2014. Il dénonce le fait qu’on doive "demander pardon" de la colonisation et regrette qu’il n’y ait plus de débat, mais seulement des slogans.

La seconde table ronde, 2019 : la laïcité dans tous ses états, fut animée par Patrick Kessel, journaliste, membre du Conseil des sages de la laïcité de l’Éducation nationale, président d’honneur du CLR et par Zineb El Rhazoui, militante laïque et universaliste et journaliste (en particulier à Charlie Hebdo de 2013 à 2016).

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P. Kessel souligne que nous sommes à Ferney-Voltaire, symbole fort pour les laïques. Voltaire, le philosophe des Lumières, a défendu la liberté, la tolérance et s’est élevé contre tous les fanatismes et obscurantismes. P. Kessel rappelle que la loi de 1905 fut une guerre contre l’Église et que les députés qui l’ont votée ont été excommuniés. Actuellement, certains remettent en cause l’universalisme et se réfugient dans le communautarisme. Nos ennemis prennent le pouvoir culturel pour obtenir le pouvoir politique. Le combat pour la laïcité est un combat de progressisme qui s’oppose aux forces de droite réactionnaires. P. Kessel constate qu’une partie de la gauche a basculé dans le communautarisme. La laïcité se défend d’être islamophobe, mais dénonce l’islamisme radical. Il faut relever la bataille des Lumières pour que les citoyens vivent libres et égaux et non pas entre communautés réclamant des droits différents.

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Z. El Rhazoui souligne qu’Emmanuel Macron a renoncé à remanier la loi de 1905. Mais certains, comme les Frères musulmans, veulent encadrer ce qu’ils appellent l’islam de France. Or, il n’y a pas d’islam de France, mais un islam en France. Elle s’oppose aux propositions de l’Institut Montaigne (dans « Un islam français est possible »).

Elle analyse et dénonce le rôle de divers organismes : l’UOIF (Union des organisations islamiques de France, proche des Frères musulmans), le CFCM (Conseil français du culte musulman), le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), ainsi que l’AMIF (Association musulmane pour l’islam de France).

Z. El Rhazoui insiste pour que nous protégions la laïcité, défendions nos idéaux. Nous avons le devoir de résister et de ne pas céder à la censure lorsque nous sommes attaqués et traités de "racistes". Elle est elle-même menacée de mort pour son combat.

J.-P. Sakoun conclut la journée en rappelant les principes défendus par le CLR : la laïcité, fondement institutionnel des libertés individuelles et de l’égalité des droits. Il souligne que, d’après l’enquête de la Fondation Jean-Jaurès, près de 90% de Français se déclarent laïques. Il rappelle l’importance de gagner la bataille de l’école publique et dénonce le fait que l’État subventionne les écoles privées sous contrat.

Ces journées, riches et militantes, en collaboration avec la mairie de Ferney-Voltaire, sont à continuer et, déjà, rendez-vous est pris pour l’année prochaine.

Simone Blanc
Comité Laïcité République



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