Revue de presse

"La construction de nouveaux minarets interdite en Suisse" (Le Monde, 1er déc. 09)

3 décembre 2009

"Les musulmans ne pourront donc plus construire de minarets en Suisse. Dimanche 29 novembre, les électeurs suisses ont adopté, à 57,5 %, l’initiative populaire de la droite dure préconisant d’inscrire dans la Constitution l’interdiction de construire ces édifices religieux. Pour le Conseil fédéral (gouvernement) et les milieux politiques et économiques qui avaient majoritairement appelé à voter contre cet "objet" susceptible de mettre en péril la paix religieuse et d’écorner sérieusement l’image du pays, la surprise est grande. Les derniers sondages donnaient le non gagnant à 53 %.

Lancée par l’Union démocratique fédérale (UDF), une petite formation évangélique, et par une partie de l’UDC, la droite nationaliste populiste, cette votation populaire a vite dépassé le cadre strict de l’édification des minarets - au nombre de quatre en Suisse - pour déboucher sur un débat autour de l’extrémisme musulman.

Dimanche, recevant certains médias étrangers dont Le Monde, Micheline Calmy-Rey, la ministre des affaires étrangères, était visiblement ébranlée. Elle a estimé que la campagne avait été polluée par des "choses fausses et des amalgames", jugeant "irresponsable" l’engagement de l’UDC, un parti représenté au gouvernement : "On a fait croire qu’on se trouvait à la veille de la construction de centaines de minarets et qu’islam était égal à violence."

Mais ce vote, acquis avec une participation de 53 %, est aussi, selon elle, "l’expression de craintes, d’inquiétudes que nous avons peut-être sous-estimées". "C’est une réaction de repli par rapport au monde globalisé qui est le nôtre, dans un contexte de crise économique", a-t-elle ajouté, réaffirmant que la démocratie directe helvétique n’était pas en cause.

Durant toute la campagne, les anti-minarets ont proclamé qu’interdire ces "symboles et glaives de l’islamisation politique", c’était "opposer un refus sans équivoque à l’islamisation de la Suisse", "à titre préventif". Le problème de la burqa, inexistant en Suisse - mis à part pour quelques riches touristes des pays du Golfe l’été à Genève -, s’est invité au débat, par le biais d’affiches où l’on voyait une musulmane voilée devant un drapeau suisse transpercé de minarets en forme d’obus. Dans les réunions électorales, les questions du public ont aussi porté sur les mariages forcés et l’excision, des phénomènes qui restent, ici, très marginaux. La Suisse compte 400 000 musulmans (dont quelque 50 000 pratiquants disposent de 150 centres culturels et lieux de prière), une communauté en majorité bien intégrée et principalement originaire des Balkans et de Turquie. Mais les arguments du Conseil fédéral ont été balayés, seuls les cantons de Genève, Vaud, Neuchâtel et Bâle-Ville ayant voté contre l’interdiction.

Dimanche soir, les réactions affluaient. Une large majorité des politiques ont estimé que ce vote envoyait "un message catastrophique" à l’étranger. Farhad Afshar, le président de la Coordination des organisations islamiques en Suisse, a jugé le résultat indigne du pays. "Les musulmans ne se sentent pas acceptés en tant que communauté religieuse", a-t-il expliqué. Interrogé par Swissinfo, Babacar Ba, ambassadeur de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), a exprimé sa déception. Le parti des Verts a déclaré envisager un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour violation de la liberté religieuse, garantie par la Convention européenne des droits de l’homme.

Certains défenseurs de l’initiative semblent un peu dépassés. Oskar Freysinger, député de l’UDC, a déjà annoncé qu’il allait "demander une protection policière".

Pour l’heure, personne ne peut évaluer les dommages, aussi bien dans le domaine économique, touristique que diplomatique. Dans un communiqué, rédigé également en arabe, le Conseil fédéral précise que les quatre minarets existant ne sont pas concernés et que le vote "ne constitue pas l’expression d’un rejet de la communauté musulmane, de sa religion ou de sa culture". Micheline Calmy-Rey a expliqué qu’"un travail d’explication auprès des pays musulmans a déjà commencé"."

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