Revue de presse

"L’Irlande s’interroge sur sa loi sur le blasphème" (Le Figaro, 14-15 fév. 15)

7 mars 2015

"Une campagne d’opinion pousse un référendum sur l’abrogation d’un texte jugé désuet, qui a été mis à l’épreuve par les caricatures de Charlie Hebdo.

Charlie Hebdo a relancé la polémique autour d’une loi irlandaise sur le blasphème. Une campagne vise à faire abroger cette loi, adoptée en 2009, qui rend tout ce qui peut être caractérisé d’« outrageusement injurieux ou insultant pour ce qui est tenu sacré par toute religion » passible d’une amende de 25.000 euros.

Le gouvernement de droite d’Enda Kenny avait annoncé son intention de proposer par référendum la suppression de cette loi, pour la remplacer par un texte prohibant l’incitation à la haine raciale. Mais il a fait volte-face le mois dernier, invoquant un calendrier déjà chargé par deux référendums, dont un sur le mariage gay au printemps.

Lors d’une première rencontre historique avec des organisations athées, mardi, le premier ministre s’est vu remettre une lettre ouverte signée par une quarantaine de personnalités, dont de nombreux scientifiques, réclamant l’abrogation de la loi. Les signataires pressent le gouvernement d’agir, alors que la parution du numéro spécial de Charlie Hebdo, avec une caricature de Mahomet à la une, distribué à 1500 exemplaires en Irlande, met à l’épreuve cette législation qui n’a jamais servi.

« La vente de ce journal porte atteinte à la loi irlandaise. Elle est blasphématoire et illégale », a en effet estimé Ahmed Hasain, secrétaire exécutif de l’Islamic Cultural Centre de Dublin, qui, se félicitant de l’existence de la législation, s’est réservé la possibilité de poursuivre le journal.

Les précédentes affaires de blasphème en Irlande remontent à 1999 et 1850. Un délit de blasphème fut introduit dans la Constitution en 1937. En 1999, la Cour suprême eut à statuer sur une caricature du journal Irish Independent montrant un prêtre pendant la communion. Or il apparut alors qu’aucun texte ne définissait les contours de ce délit. D’où l’adoption, dix ans plus tard, d’une loi sur le blasphème, de façon anachronique pour un État occidental au XXIe siècle. « Ce vote a été très controversé à l’époque, personne n’en voyait la nécessité et, d’ailleurs, l’application est tellement restrictive que personne ne peut réellement tomber sous le coup de cette loi, y compris Charlie Hebdo. En termes pratiques, c’est donc un non-sujet mais en termes symboliques, c’est important aux yeux de certains », explique Neville Cox, professeur de droit au Trinity College de Dublin. En dehors de l’Islamic Cultural Centre, personne en Irlande, y compris les églises chrétiennes, ne défend cette loi.

Pour l’écrivain Michael Nugent, cofondateur de l’association Atheist Ireland, cette situation « reflète l’hypocrisie irlandaise ». « Nous sommes devenus un État laïc régi par des lois catholiques. Même si la loi sur le blasphème n’est pas appliquée, elle entraîne une autocensure dans les médias. On m’a souvent recommandé avant des interviews en direct de ne rien dire qui puisse être blasphématoire », raconte le militant.

Les promoteurs de la réforme s’indignent également de voir la loi irlandaise citée en exemple par l’Organisation de la conférence islamique, qui représente 56 États musulmans au sein des Nations unies, pour justifier l’adoption de législations sur le blasphème."

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