Revue de presse

"Interdiction de la conférence de Thierry Lentz à Audiencia : la Bérézina de l’esprit" (G. Konopnicki, Marianne, 12 juin 20)

Guy Konopnicki, journaliste, écrivain, chroniqueur à "Marianne". 24 mars 2022

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"[...] Il faut donc croire que l’école redoute non les polémiques sur la construction de l’État centralisé, mais le mauvais exemple donné par le général Bonaparte, qui, au mépris des gestes barrières, toucha les pestiférés de Jaffa. La conférence de Thierry Lentz étant initialement prévue entre la fin octobre et le début novembre, cette explication semble quelque peu brumeuse. Il est vrai que cette période se nommait Brumaire sous le Consulat et jusqu’à l’abrogation du calendrier républicain, par Napoléon 1er, le 22 Fructidor an XIII. Il reste que, pour l’une ou l’autre raison, il pourrait être malvenu d’évoquer Napoléon Bonaparte, en l’an 2020 du calendrier qu’il a rétabli. Certes, du siège de Toulon à Waterloo, il semble difficile d’évoquer sans polémique, la personnalité, l’action, de ce général qui renversa la Première République et se fit proclamer empereur. Cependant, ce n’est pas la moindre des curiosité du temps que de voir certains groupes exiger que l’on traite l’histoire comme Napoléon traitait la presse, en interdisant tout ce qui dérange. Il faudra donc dresser la liste des périodes historiques qu’il sera possible d’évoquer dans les écoles et les universités.

Le compte de Napoléon 1er étant réglé, pour le rétablissement de l’esclavage et la répression des révoltes à la Dominique et en Guadeloupe, le cortège des bannis s’allongera jusqu’à l’infini. Pour commencer, on cessera de valoriser le Pont du Gard, le théâtre de Nîmes et les arènes de Lutèce, qui sont autant de monuments dus à la collaboration des Gaulois avec l’occupant romain. Dans le même esprit, il faudra éradiquer toute référence à Clovis, qui institua une religion dominante, et à Charlemagne, qui poursuivit les peuples migrants au delà des Pyrénées. D’une manière générale, aucun seigneur, aucun souverain ne saurait être épargné.

Croisés, conquérants, inquisiteurs et massacreurs seront jetés sans ménagement aux oubliettes de l’histoire. En vérité, au long de la lente construction de la France, on ne rencontre qu’un nombre infime de personnages acceptables par la société d’aujourd’hui. La sélection qui s’amorce par le refus de parler de Napoléon 1er devrait donc permettre un allègement sensible des programmes. Réduite à ses héros positifs et sans tâches, l’histoire de France tiendra en quelques pages. Quelques meneurs de Jacqueries, des martyrs de toutes les inquisitions, à la condition toutefois que nos censeurs étudiants acceptent que l’on valorise les blasphémateurs. [...]

Les uns semblent craindre la dissolution de l’identité française par le rappel des crimes commis par ses bâtisseurs, les autres veulent éradiquer jusqu’au souvenir des personnages qui ont marqué l’histoire de France. On se bat donc pour le contrôle du passé, jusqu’à l’absurdité. Ce passé au long duquel le peuple français a repoussé l’intolérance et aboli la religion d’Etat, devient l’enjeu d’une guerre idéologique, où l’on voit des factions violentes refuser la liberté d’expression. [...]"

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