Revue de presse

"Inquiétante poussée de l’excision en France" (Marianne , 9 août 19)

11 août 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Des milliers de petites filles et d’adolescentes subissent cette mutilation imposée par les traditions familiales. Et les chiffres sont en hausse dans notre pays.

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Les chiffres font froid dans le dos. A Saint-Denis, dans le « 9-3 », 14% des femmes accouchant à l’hôpital Delafontaine sont excisées. La progression du phénomène dans l’Hexagone a de quoi inquiéter : selon les informations publiées par le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), le nombre de femmes adultes mutilées s’élevait à 124 355 au début des années 2010, contre 62 000 au milieu des années 2000.

Les victimes osent davantage en parler

Destiné à priver la femme de plaisir sexuel, le rite se pratique dès l’adolescence, généralement avant l’âge de 15 ans, et consiste en l’ablation du clitoris. Cela peut s’accompagner de l’ablation totale ou partielle des petites lèvres, réalisée sans anesthésie, avec une lame. Plus rare, mais présente aussi sur notre sol, l’infibulation. En plus de l’ablation du clitoris, des petites et des grandes lèvres, la vulve est en partie cousue. Cette dernière opération est pratiquée essentiellement dans les sociétés musulmanes, même si l’acte est antérieur à l’islam.

Sur notre territoire, cette mutilation est donc de plus en plus répandue. Néanmoins, les spécialistes préviennent que les chiffres en augmentation prouvent également que les femmes osent davantage en parler. Pour le BEH, cette récente hausse s’explique ainsi conjointement « par la féminisation de la population migrante en provenance de l’Afrique subsaharienne et par le vieillissement des “deuxièmes générations” ». En clair, ces dernières ont atteint l’âge des premières consultations gynécologiques et, bien que nées sur le territoire, elles ont subi cette mutilation. Dans notre pays, les fillettes à risque sont celles dont les parents viennent du Mali, de la Guinée, du Sénégal ou de la Côte d’Ivoire. « En France, trois jeunes filles sur dix dont les parents sont originaires d’un pays pratiquant l’excision est menacée », alerte Marion Schaefer, vice-présidente de l’association Excision parlons-en.

Ramata Kapo est française. Âgée de 40 ans, elle est arrivée du Mali avec sa famille à l’âge de 2 ans. Elle a été excisée par sa grand-mère paternelle six mois plus tôt. Mais ce n’est qu’à 16 ans qu’elle le découvre, « lors d’une visite chez le gynécologue » : « Il me l’a annoncé, sans aucune autre explication. » Dans la famille, le sujet est tabou, Ramata met « un mouchoir dessus », comme elle dit en souriant. Plusieurs années après, lors d’une consultation pour sa première grossesse, une femme médecin lui explique ce qu’est l’excision et les risques que cela présente à l’accouchement. Aux complications obstétricales s’ajoutent les infections, des douleurs intenses - notamment lors des rapports sexuels -, des problèmes urinaires et menstruels… Sans parler des conséquences psychologiques et du décrochage scolaire.

Car les parents profitent quelquefois des vacances au pays pour confier leur enfant à la grand-mère ou à une tante exciseuse. Et, pour éviter que le suivi de la Protection maternelle et infantile (PMI), qui impose de nombreux examens obligatoires de 0 à 6 ans, n’identifie les petites victimes, l’excision a désormais lieu entre 7 et 11 ans. « Parfois, cela s’accompagne d’une déscolarisation de l’enfant pendant un an. La petite fille reste au pays le temps de la cicatrisation, sans que cela interpelle l’Education nationale. Cela peut en plus s’accompagner d’un mariage forcé, de viols », note Emmanuelle Piet, médecin de santé publique et présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV). Elle qui témoigne à chaque procès pour expliquer le rite regrette que les poursuites n’aient plus cours aujourd’hui. Après des affaires très médiatisées, notamment dans les années 80, aucune condamnation n’aurait été prononcée depuis 2012. Pourtant, dans le classement européen, la France occupe la deuxième place en nombre de femmes excisées, derrière l’Angleterre.

Ramata a décidé, à 26 ans et après mûre réflexion, de se faire réparer grâce à une opération chirurgicale : « Le créateur m’a donné quelque chose que l’homme m’a ôté, je voulais retrouver mon corps originel. » Celle qui milite désormais au sein d’une fédération d’associations contre ce rite a pardonné à ses parents avant même de leur en vouloir : « Ils reproduisent une tradition pour éviter l’exclusion sociale. S’ils estiment agir par amour, c’est aussi par amour qu’ils doivent arrêter. » L’une de ses amies le vit avec beaucoup moins de sérénité : elle a été excisée en France, à l’âge de 8 ans, dans la salle de bains de l’appartement familial. Un traumatisme qu’elle peine à dépasser.

Soins chirurgicaux et psychologiques

A Saint-Germain-en-Laye (78), l’institut en santé génésique Women Safe aide les femmes à se reconstruire. A la tête de ce centre unique en France, sa cofondatrice, Frédérique Martz, ainsi que le chirurgien urologue et anatomiste Pierre Foldès. Ce dernier a inventé, il y a plus de trente ans, une technique de réparation chirurgicale des femmes mutilées. Chaque mois, il s’occupe de près de 50 femmes venues de partout en France. « D’une exciseuse à une autre, les pratiques ne sont pas les mêmes », fait remarquer le chirurgien. L’opération est entièrement remboursée par la Sécurité sociale. Cependant, la prise en charge de ces victimes ne se limite pas à l’acte chirurgical : « Ostéopathes, psychologues, infirmières… Nous proposons un suivi global, car ces femmes ont d’importants besoins. Les mutilations génitales peuvent s’accompagner de violences conjugales, de viols, de mariages forcés. La chirurgie n’est pas toujours prioritaire », explique Frédérique Martz.

Mieux vaut prévenir que guérir : l’association Excision parlons-en adonc lancé une plate-forme d’information, alerte-excision.org, à destination des jeunes filles à risque. Elles peuvent ainsi vérifier si elles sont potentiellement menacées et dialoguer de manière anonyme avec des professionnels via un chat. Un outil qui complète la campagne d’affichage et les interventions dans les collèges et lycées. Libérer la parole, pour libérer ces jeunes femmes de cette pratique."

Lire "Enquête sur l’inquiétante poussée de l’excision en France".



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