Revue de presse

Hassen Chalghoumi, "Un imam peu orthodoxe" (Le Monde, 4 fév. 10)

7 février 2010

"[...] Au coeur d’une polémique judiciaro-religieuse depuis qu’il s’est déclaré favorable à une loi contre le voile intégral, dans Le Parisien du 22 janvier, le jeune responsable de la mosquée de Drancy (Seine-Saint-Denis) est-il en train de payer son empressement à vouloir incarner "l’imam républicain", titre du livre qu’il s’apprête à publier ?

Il est en tout cas en butte à l’hostilité d’une partie de la communauté musulmane, opposée, dans son immense majorité, à une loi anti-burqa. Les fidèles de la ville et "des personnes extérieures" n’ont pas apprécié que M. Chalghoumi défende une position contraire, "en tant qu’imam de Drancy". Des incidents ont éclaté sur ce thème, lundi 25, dans sa mosquée.

Intrusion d’un "commando islamiste de 80 personnes ayant proféré des menaces", comme l’affirment les proches de M. Chalghoumi, absent ce soir-là, ou débat vif organisé par des fidèles après ses propos sur le voile intégral ? Une enquête a été ouverte après la plainte déposée par l’imam pour menace de mort.

Ulcérées par ces accusations, deux personnes ont porté plainte pour dénonciation calomnieuse. D’autres lui reprochent d’avoir médiatisé une affaire qui aurait dû se régler "entre musulmans". Vendredi 29, après la grande prière (qu’il ne conduit pas), alors qu’il tentait une explication, l’imam a dû quitter la mosquée sous bonne garde et sous les appels à la démission.

Cet épisode houleux s’inscrit dans l’histoire courte mais déjà riche de M. Chalghoumi sur la scène musulmane de Seine-Saint-Denis. En 2006, il se fait remarquer au camp de Drancy, antichambre de la déportation de nombreux juifs français, par une déclaration sur "l’injustice sans égale" de la Shoah ; sa maison est vandalisée le lendemain.

[...] En un temps record, M. Chalghoumi va devenir le responsable musulman le plus prisé des pouvoirs publics et de la communauté juive pour son indépendance autoproclamée, sa disposition au dialogue interreligieux et sa défense d’un "islam de France modéré". Choisi, en 2008, par le maire UMP de Drancy, Jean-Christophe Lagarde, pour gérer la toute nouvelle mosquée que la municipalité loue aux musulmans, l’imam fait sienne l’histoire particulière de la ville et, dans son français hésitant, s’implique sans réserve dans le rapprochement avec la communauté juive. Le maire s’en félicite : "Depuis, l’intolérance et l’antisémitisme ont baissé à Drancy", nous assure-t-il.

[...] En juin 2009, il lance la Conférence des imams de France, avec l’idée de créer une instance théologique capable de prononcer des "fatwas (avis juridiques) conformes aux valeurs républicaines". Tous les responsables juifs de France sont présents à l’événement. Mais l’homme ne fait pas l’unanimité : les responsables des institutions musulmanes et les représentants officiels de l’Eglise catholique n’y assistent pas. La Conférence reste une coquille vide.

Plus que ses liens privilégiés avec la communauté juive, certains observateurs jugent que la rupture avec les siens a été consommée par sa position sur la burqa. "Il agaçait déjà. Là, il s’est mis à dos les salafistes et les tablighis qui défendent le port du voile intégral", explique un connaisseur de l’islam. "C’est vrai que la Conférence des imams est opposée à une loi, mais chacun a le droit de dire ce qu’il veut ; il a voulu créer un électrochoc chez les musulmans", plaide le porte-parole de la Conférence, Abdellali Mamoun. "En fait, il s’est cramé tout seul", commente un de ses amis.

Touchant là au coeur du "cas Chalghoumi", certains dirigeants juifs s’interrogent sur "sa capacité d’entraînement sur sa communauté". Mohammed Henniche, responsable de l’Union des associations musulmanes du 93, lui rend un hommage ambigu : "C’est dommage, on avait besoin de lui dans le paysage musulman ; il représente un islam non inféodé aux consulats ou aux Frères musulmans, et son travail avec les juifs est louable." Selon Farid, l’imam n’a pas baissé les bras, "sa priorité aujourd’hui, c’est de sauver la mosquée, de parler avec les fidèles". Dans ce contexte, il hésitait à se rendre, mercredi 3 février, au dîner du CRIF, où il est convié pour la deuxième année consécutive."

Lire "Un imam peu orthodoxe".


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