Note de lecture

G. Finchelstein : Substituer l’égalité à l’identité

par Philippe Foussier, président délégué du CLR. 23 mars 2016

Gilles Finchelstein, Piège d’identité. Réflexions (inquiètes) sur la gauche, la droite et la démocratie, Fayard, 222 p., 17 e.

Dans Piège d’identité, Gilles Finchelstein livre ses Réflexions (inquiètes) sur la gauche, la droite et la démocratie. Des réflexions stimulantes.

Ce livre se veut optimiste mais, en même temps, l’inquiétude qu’il traduit laisse entrevoir tout l’inverse. Directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, longtemps proche de Dominique Strauss-Kahn, Gilles Finchelstein « pense » l’évolution de la gauche depuis longtemps et défend une vision que d’aucuns aimeront réduire à un « social-libéralisme ».

Dans ce petit livre curieusement structuré, l’auteur s’emploie à démontrer comment, en laissant se substituer la question de l’identité à celle de l’égalité, les politiques de droite comme de gauche ont finalement rendu un bien mauvais service à la démocratie et à la République. Il est ainsi très convaincant lorsqu’il explique que « ce n’est plus votre vote qui constitue une partie de votre identité ; c’est votre identité qui détermine entièrement votre vote ».

Car plane parallèlement sur la démocratie la menace de l’extrême droite et d’une thématique qu’elle a réussi à imposer sans avoir parfois à beaucoup forcer. En effet, de larges parties de la droite mais aussi de la gauche ont intégré la notion d’identité en lieu et place de celle de l’égalité, pour déterminer les positionnements. La « classe » laisse place à la « race ». On le mesure bien en voyant comment les questions de diversité, d’ethnies, de religion, notamment, se sont peu à peu substituées dans le débat à celles des classes sociales et de leurs antagonismes, pour le plus grand bonheur idéologique et électoral du Front national, qui n’en espérait sans doute pas tant il y a encore vingt ans.

Pour sortir du piège identitaire dans lequel le monde politique s’est enfermé, Gilles Finchelstein explore plusieurs pistes et en exclut aussi. Par exemple en récusant l’idée d’une « grande coalition » qui permettrait de faire gouverner ensemble une partie centrale du spectre mais qui aurait aussi pour conséquence de renforcer les extrêmes d’autant plus fortement.

Il dénonce aussi l’impasse de la stratégie électorale proposée par le think tank Terra Nova qui suggère à la gauche de renoncer à représenter les employés et les ouvriers. L’auteur rappelle ainsi que ces deux catégories comptent quelque 13 millions de personnes, soit nettement plus qu’un hypothétique « vote musulman » après lequel court l’ultra-gauche.

Non, bien plutôt que ces pistes sans issue, le directeur général de la Fondation Jean-Jaurès appelle les « réformistes » de chaque camp à prendre l’avantage et à repenser la question de l’égalité tout en revivifiant le clivage gauche-droite. Il est en effet pour lui « plus facile de trouver des compromis sur les questions d’égalité » que sur celles liées à l’identité. Et il enjoint la gauche de se défaire d’un certain « surmoi marxiste » et la droite de son pendant, le « surmoi frontiste ». Finchelstein propose aux deux camps de trouver des compromis par exemple sur la laïcité, dont il souligne combien elle est importante pour les citoyens, tant à gauche qu’à droite, même si ce n’est sans doute pas pour les mêmes raisons. Il salue l’approche pragmatique dont font preuve entre autres la journaliste et essayiste Caroline Fourest ou l’Association des maires de France sur ce thème, loin de tout déni.

Si sur un plan purement théorique ce livre est séduisant, en revanche les solutions que préconise Gilles Finchelstein reposent avant tout sur la bonne volonté d’acteurs politiques dont on voit mal ce qui à court terme les mènent sur le chemin qu’il appelle de ses vœux. La manière assez novatrice dont Manuel Valls avait théorisée la question de l’égalité fin 2014 lors d’un colloque de la Fondation Jean-Jaurès à travers la notion de « pré-distribution » constitue certes une perspective. Mais rien ne laisse penser à ce jour qu’elle se soit imposée au point de reléguer la question de l’identité au second plan.

Philippe Foussier


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