Revue de presse

G. Chevrier : « La majorité présidentielle ouvre les vannes du sport à un islam fermé » (lefigaro.fr , 28 fév. 22)

Guylain Chevrier, docteur en histoire, enseignant et formateur en travail social, vice-président du Comité Laïcité République. 28 février 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le 24 février, la loi Sport a été adoptée, mais elle n’interdit finalement pas le port du voile en compétition. Pour l’enseignant Guylain Chevrier, ce renoncement permet à l’islam radical de pénétrer le monde du sport.

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Les députés ont adopté, ce jeudi, la loi visant à « démocratiser le sport en France », après le rejet de l’amendement du Sénat qui prévoyait la neutralité religieuse sur les terrains. On s’est autofélicité de la parité imposée par cette loi au sein des fédérations, allant dit-on « dans le sens de l’histoire ». Le respect de l’égalité des sexes dans les instances du sport, et l’apartheid sexuel du voile sur les terrains, bravo ! Selon Roxana Maracineanu, ministre déléguée aux Sports, cette loi « renforce aussi la protection des pratiquants contre toute forme de violence sexiste, sexuelle, homophobe, transphobe pour que le sport continue de remplir son rôle d’émancipation et de ciment social sans exclure ou blesser quiconque. » Magnifique ! Là encore, le voile, sexiste par excellence, ne dérange pas. Des gesticulations d’Élisabeth Moreno, ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, qui soutient « le droit de porter le voile islamique pour jouer », militante des « minorités visibles » à l’inverse de sa fonction, à celles de Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, affirmant que « le gouvernement ne soutient pas le mouvement des hijabeuses », on a bien brouillé les cartes. Quel signe envoyé à deux ans des Jeux Olympiques de Paris ! On apprend que les hijabeuses ont fêté ça, saluées par certains médias. La demande portée au Conseil d’État par ces hijabeuses d’abroger le principe du règlement de la Fédération Française de Football (FFF) qui interdit « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » a été, dans un premier temps, rejetée. Mais l’affaire est toujours examinée sur le fond. Le choix fait dans le cadre de l’adoption de cette loi risque de peser lourd sur de futures décisions.

L’émission récente de « Zone interdite » sur le risque islamiste est déjà oubliée, qui a valu à la journaliste Ophélie Meunier des menaces de mort. Une réalité qui pèse sur la liberté de milliers de nos concitoyens, et spécialement de femmes contraintes de porter le voile et de se taire sous « le regard du quartier », et de combien de fillettes conditionnées à en faire une seconde peau avant même d’avoir pu voir éclore en elles les bourgeons de la liberté de conscience. Certaines croyantes qui le portent sincèrement pour elles-mêmes, servent, qu’elles le veuillent ou non, d’argument pour en justifier l’usage politique qui y est de plus en plus attaché. Au regard de quoi, il faut aussi les protéger, car demain sinon elles n’auront plus le choix de ne pas le porter. N’y a-t-il pas des mesures fondamentales à prendre pour s’opposer à ce mouvement religieux, sûr de lui au point de ne même pas chercher à se cacher, de vouloir imposer ses règles au-dessus de tout ? Rappelons que ces hijabeuses ont fondé, il y a deux ans, leur collectif sous la forme d’un « syndicat de footballeuses musulmanes », et sont hébergées par l’association Alliance Citoyenne qui milite pour le burkini dans les piscines, dans le prolongement d’un Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) qui a été dissous par le gouvernement, selon les mots mêmes du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, pour « propagande islamiste ».

Avec l’adoption de cette loi, la majorité présidentielle ouvre les vannes du sport à un islam fermé, rejetant tout mélange au-delà de la communauté de croyance. Il y a un enjeu plus général qui se joue sur cette question, au regard d’une intégration de nos concitoyens de confession musulmane fondée sur le modèle républicain. Par-delà la pression islamiste, qui est réelle, et que cette volonté de confrontation avec la République égalitaire encourage, il y a une manière de rejouer ici d’imposer l’islam comme religion visible, en reflet de pays de culture musulmane dont aucun État n’a séparé le politique du religieux. Ne sait-on pas que l’État de droit ne l’est que parce qu’il est lui-même soumis à la loi, à une loi qui est l’expression de la volonté générale qui, pour exister, a dû s’émanciper de l’influence des Églises, et donc, tout à l’envers de la volonté de certains d’imposer le retour du religieux contre la règle commune partout ? En renonçant là, comme aux assesseures voilées dans les bureaux de vote, aux élues voilées, aux mères voilées lors des sorties scolaires…, on cède à un recul de la démocratie, à une régression de civilisation.

La liberté de conscience, de croyance et de conviction, est sans restriction, mais les manifestations d’expression religieuse peuvent rencontrer des limites, qui sont celles propres à ce qui nuit à autrui, ou/et à la société. Selon Emmanuel Kant, la liberté est dans l’ordre de cette construction du sujet humain qui lui permet d’aboutir à agir du point de vue de « la loi morale » indépendamment de toute contrainte extérieure, pour se déterminer en lui-même, portant le nom de libre arbitre. C’est tout le contraire d’un communautarisme qui assigne l’individu et l’aliène à une seule vérité, à une volonté extérieure à lui, propre à un unique dogme religieux, à une logique communautaire autoritaire. Comment donc, si on fourvoie ainsi la République, parvenir à ce que la citoyenneté ne soit pas seulement un ensemble de droits, et même de devoirs, mais la déclinaison d’une identité commune, transversale à toutes les allégeances particulières de classe, de génération, mais aussi de religion ? Par l’absence d’une politique cohérente dans ce domaine, on laisse s’évacuer peu à peu l’idée de se penser comme un tout, toute possibilité de faire nation, et avec, l’effritement de cette citoyenneté au cœur du principe de la souveraineté du peuple qui signifie la liberté.

En 2013 déjà, le constat était fait du harcèlement dont les jeunes filles de banlieues, particulièrement d’origine maghrébine, étaient l’objet, se faisant copieusement insulter parce qu’osant « boire de l’alcool et ne pas porter le voile ». Une situation qui n’a fait qu’empirer, comme l’illustre le dernier rapport de l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE), lieu témoin de l’évolution des relations sociales, qui indique qu’en une dizaine d’années, les cas bloquants pour motif religieux s’y sont multipliés (16% du total aujourd’hui). Le refus de travailler avec une femme, de lui serrer la main ou de travailler sous ses ordres est devenu ainsi un problème presque banal, ou encore « le refus de travailler avec des non-coreligionnaires », « de réaliser des tâches », « la prière pendant le temps de travail ou le prosélytisme », qui remettent, comme cela est avancé par ce rapport, « intrinsèquement en cause l’organisation du travail ». En 2003, 24% des femmes se déclarant musulmanes disaient porter le voile, c’est 31% d’entre elles en 2019, selon une étude de l’Ifop. Que faut-il de plus pour comprendre ce qui se joue ici de capital ?

Est-ce à cette image que le gouvernement et le président entendent accompagner l’installation d’un islam dit « de France » ? Il vaudrait mieux que l’État impose à un islam « en France », d’être conforme à la République et ses principes d’inspiration laïque, tout simplement. De nombreux concitoyens de confession musulmane espèrent des signes forts de la République contre toute assignation identitaire forcée, mais qui se font cruellement attendre. La loi contre le séparatisme est déjà loin… C’est une France biaisée et désarmée que l’on nous propose, exposée au retour du religieux dans le politique, qui ne peut que signifier vider notre République de son sens, en laissant s’imposer la logique des droits contre le droit."

Lire "Port du voile en compétition sportive : « La République abandonne sa mission d’assimilation »".



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